Transcription - Allocution sur la situation en Ukraine lors de la Conférence de Munich sur la sécurité
Allocution sur la situation en Ukraine lors de la Conférence de Munich sur la sécurité
Je suis impatient de m'entretenir avec Anna et avec vous tous. Je tiens à remercier l’Atlantik-Brücke et la Conférence de Munich sur la sécurité de nous avoir réunis. C'est un véritable honneur pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis également très heureux de voir l'ambassadeur Heusgen aujourd'hui. Christoph, je me souviendrai toujours que lors de votre dernière allocution de fermeture au Conseil de sécurité de l'ONU, vous avez choisi de prendre une partie de votre temps pour réclamer une fois de plus la libération de Michal Kovrig et de Michael Spavor, deux Canadiens qui ont été détenus arbitrairement en Chine. Grâce en partie à vos efforts et à ceux de vos amis et alliés dans le monde entier, ces deux hommes sont maintenant chez eux.
Merci, Christoph.
(Applaudissements)
Lorsque je préparais mes notes pour les activités d'aujourd'hui, je me suis souvenu avoir pris la parole en 2017 au banquet de la Saint-Mathieu organisé par Olaf Scholz, alors maire de Hambourg. Sigmar était là aussi. Il a d'ailleurs prononcé une allocution juste avant moi ce soir-là.
Le monde a changé au cours de ces cinq années, mais ce que j'ai dit alors reste vrai aujourd'hui. Le Canada et l'Allemagne sont depuis longtemps des partenaires sur la scène mondiale parce que nous avons tous deux une vision progressiste du monde. Nous comprenons qu’il faut préconiser la coopération et le partenariat à l'échelle internationale, et nous attachons de l'importance à la primauté du droit et à la démocratie.
C'est formidable d'être de retour à Berlin aujourd'hui. Les Berlinois savent mieux que quiconque ce que c'est que de se battre pour la démocratie. Je n'ai pas besoin de vous dire combien d'effort cela exige, car vous comprenez déjà que la démocratie n'est jamais le fruit du hasard. Et comme on nous le rappelle maintenant, elle ne peut pas non plus être maintenue sans effort.
Lorsque Vladimir Poutine a lancé une invasion à grande échelle contre l'Ukraine, il a violé les traités internationaux auxquels la Russie est partie et il s'est attaqué aux valeurs sur lesquelles reposent toutes les démocraties. Ce genre de mépris flagrant pour le droit et la vie humaine constitue une grave menace pour l'Europe et le monde.
Au cours des 80 dernières années, nous avons collectivement établi un ensemble de règles et d’institutions pour assurer la stabilité et la paix dans les affaires internationales. Nous l’avons fait pour protéger les gens et donner la meilleure garantie possible de respect et de liberté à tous nos citoyens. Ce sont ces règles et institutions qui sont aujourd’hui ouvertement menacées.
Le président Zelensky et le peuple ukrainien, qui font preuve d'énormément de courage et de résilience, ne défendent pas seulement leur pays, mais aussi les valeurs démocratiques qui sont si importantes pour nous tous. Ils s'opposent à l'autoritarisme, et le Canada et l'Allemagne sont à leurs côtés. Avec nos alliés et partenaires, nous avons mis en place les sanctions les plus sévères jamais imposées à une grande économie, et nous veillons à ce que le président Poutine soit tenu responsable de ses actes.
Le Canada demeure également inébranlable dans son soutien à l'OTAN. Nous soutenons les efforts que déploie l'OTAN pour protéger la sécurité euro-atlantique, la démocratie et le système international fondé sur des règles que nous avons bâti ensemble avec acharnement.
Le mois dernier, le chancelier Scholz a fait une annonce historique selon laquelle l'Allemagne allait réorienter sa politique pour relever les défis d'aujourd'hui, notamment en apportant à l'Ukraine une aide létale et du matériel militaire. Si le Canada et l'Allemagne se sont mobilisés pour aider à défendre l'Ukraine, toute l'Europe l'a fait aussi. Sous la direction de la présidente von der Leyen, une fière européenne et une fière allemande, l'Union européenne s'est mobilisée pour défendre la démocratie. Et à cet égard, l'Allemagne et l'Union européenne peuvent compter sur le plein soutien du Canada.
Aujourd'hui, Vladimir Poutine est sans aucun doute une menace pour les Ukrainiens et pour les gens qui se trouvent au-delà de leurs frontières. Toutefois, même si nous sommes parfaitement conscients du défi qu'il représente, nous ne devons pas désespérer. Car, à son meilleur, la démocratie est toujours plus forte que l'autoritarisme. Mais, pour être honnête, la démocratie n'a pas vraiment été au mieux de sa forme ces dernières années.
Alors même que nous luttons contre l'invasion du président Poutine, nous devons nous engager de nouveau à renforcer nos démocraties. L'apathie. Le cynisme. La mauvaise information et la désinformation. Le déclin de la participation électorale. La méfiance à l'égard de nos institutions. C'est à nous de rétablir cette confiance et de donner aux gens des raisons de croire en nos institutions et de s'impliquer dans la vie civique.
Nous ne pouvons pas laisser la peur, l'anxiété et l'envie l'emporter sur l'espoir et l'optimisme sincère qui sont nécessaires à la prospérité des démocraties. Nous ne pouvons pas nous contenter de réponses simplistes à des problèmes complexes. Nous ne pouvons pas laisser le nativisme nous détourner du travail difficile que représente la mise en place de meilleurs systèmes et de véritables solutions. Ces défis ne sont faciles pour aucun d'entre nous, mais il est essentiel de les aborder de front.
Ce matin, le chancelier Scholz et moi avons réaffirmé notre volonté de défendre les démocraties et lutter contre la désinformation. Le Canada et l’Allemagne vont accroître leurs contributions au Mécanisme de réponse rapide du G7 annoncé à Charlevoix, en portant une attention particulière aux pays visés par les tactiques malveillantes de la Russie. Soyons clairs, la propagande et les cyberattaques nuisent à notre économie et minent la confiance des gens envers nos institutions. Vivre en démocratie, ce n’est pas quelque chose qu’on peut tenir pour acquis. Il faut être constamment vigilant pour défendre nos valeurs et les institutions qui les protègent.
Nous avons tous la responsabilité de suivre les faits et de lutter contre la désinformation et la manipulation. Si les médias sociaux ont un effet positif sur la société, ils peuvent aussi favoriser la diffusion de contenus préjudiciables comme les discours haineux et la désinformation. Au Canada, notre gouvernement travaille à l'élaboration d'une loi visant à lutter contre les préjudices en ligne. Cette année, le Canada assume la présidence de la Freedom Online Coalition, et notre objectif est d'encourager le public à s'engager de façon éclairée et significative dans la société, tant hors ligne qu'en ligne. Nous avons tous encore du travail à faire.
Dans les années 1930, Thomas Mann a expliqué comment la démocratie se fonde sur le respect de l'infinie dignité de chaque individu. L'une des idées les plus puissantes que le Canada espère partager avec le monde est sa croyance profonde et durable en la diversité. Non seulement croyons-nous en la diversité, mais nous la chérissons. Cela ne veut pas dire pour autant que nous avons tout compris, mais nous faisons des progrès, et nous savons qu'il reste toujours du travail à faire pour lutter contre le racisme systémique, promouvoir l'égalité des sexes, défendre les communautés LGBTQ2 et favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones.
L'été dernier, Mary Simon est devenue la première gouverneure générale autochtone de l'histoire du Canada. Lorsqu'elle s'est rendue en Allemagne pour sa première visite d'État il y a quelques mois, elle a dirigé la délégation canadienne à la Foire du livre de Francfort. Ce n'est qu'en favorisant le partage des connaissances et en écoutant les points de vue des peuples autochtones que nous pouvons espérer parvenir à une réconciliation complète. C'est pourquoi nous devons garder l'esprit ouvert pour entendre leurs vérités et honorer leurs expériences dans les livres, l'histoire orale et la célébration commune de leur culture.
Le respect de l'infinie dignité de chaque individu signifie que personne ne doit être laissé pour compte. Cela vaut également pour les personnes qui ont des opinions politiques différentes. Nous devons tous nous engager à écouter davantage et à crier moins fort. La diversité des idées nous aide à apprendre les uns des autres. C'est en discutant avec des personnes qui pensent différemment de nous que nous pouvons remettre en question nos convictions, ce qui nous permet de grandir. Alors, renforcer nos sociétés ouvertes et inclusives profite à tous, y compris à la démocratie. C'est vrai pour le Canada, pour l'Allemagne et pour le reste du monde.
Il y a encore beaucoup de défis devant nous. La guerre en Ukraine, la pandémie, la crise climatique. Les conséquences sont réelles et elles touchent la vie des gens dans leur quotidien. Pour affronter ces crises, nos démocraties ont besoin d’être solides et robustes, et nous devons continuer de travailler ensemble.
Qu'il s'agisse du défi immédiat que représente le prix élevé de l'essence, ou des conséquences à long terme des changements climatiques, les démocraties doivent être au mieux de leur forme afin qu'il soit possible de tenir les conversations difficiles nécessaires pour trouver des solutions. Plus tôt aujourd'hui, l'Allemagne s'est jointe au défi mondial du Canada sur la tarification du carbone et le Canada a adhéré au projet de club climatique de l'Allemagne. Maintenant, non seulement avons-nous tous les deux mis un prix sur la pollution, nous allons également mener ce travail sur la scène mondiale. Le Canada et l'Allemagne sont également deux des plus grandes économies du monde, alors si nous nous unissons sur une question, c’est que cette question est importante. Après tout, comme l'a montré la crise en Ukraine, nous devons continuer à travailler ensemble.
Je sais que les dirigeants européens ont appelé à l'accélération de la transition vers une énergie propre et durable, alors que le président Poutine tente de prendre en otage les ménages du continent avec le pétrole et le gaz. Je tiens donc à saluer le leadership du chancelier Scholz, qui a suspendu le processus de certification du gazoduc russe Nord Stream 2. Ce n'était pas une décision facile, mais c'était la bonne décision.
Vous n’allez pas céder à l'intimidation et vous allez trouver la voie à suivre pour assurer un avenir énergétique sûr et durable. Votre vision est claire, et le Canada est à vos côtés. Mes amis, tant que nous ne tiendrons pas notre démocratie pour acquise, que nous continuerons à travailler pour l'améliorer et que nous resterons unis, aucun tyran ne pourra nous intimider.
Ces dernières années, le président Poutine a cru à tort que nos désaccords nous avaient divisés et que nos débats étaient un signe de faiblesse. Ils sont en fait notre plus grande force.
Ce vendredi, cela fera deux ans que l'Organisation mondiale de la Santé a déclaré que le COVID-19 était une pandémie. Cette crise sanitaire a été un défi sans précédent, mais elle a aussi montré comment les gens se sont mobilisés pour s'entraider. Nous nous sommes tous retroussé les manches et nous avons travaillé ensemble. Voilà l'histoire de la pandémie. Nous avons uni nos efforts, comme le font aujourd'hui les gens du monde entier qui offrent d'accueillir des réfugiés ukrainiens et d'envoyer de l'aide humanitaire.
Vladimir Poutine a fait de graves erreurs de calcul. Il a sous-estimé l'incroyable courage du peuple ukrainien, et il a sous-estimé la détermination et l'unité des alliés et partenaires démocratiques face à l'autoritarisme. En ces jours sombres, le courage des Ukrainiens est une source d’inspiration pour toute la planète.
Nous devons continuer de combattre le mensonge par la vérité, la peur par les faits et la division par l'unité.
Comme vous le savez tous, l'Atlantik-Brücke célèbre son 70e anniversaire cette année. Je peux vous dire que ce pont de coopération transatlantique entre nos nations restera solide pendant de nombreuses années encore. Comme je l'ai dit, beaucoup de choses ont changé depuis mon séjour à Hambourg il y a cinq ans, mais l'importance de travailler ensemble pour permettre à la démocratie de s'épanouir et, enfin, de prévaloir est aussi vraie aujourd'hui qu'à l'époque.
La démocratie n'est pas seulement un concept dans un manuel de sciences politiques, elle fait partie de notre quotidien. Défendre nos valeurs communes exige des efforts constants, mais je sais que les Canadiens, les Allemands et les gens de partout dans le monde sont prêts à relever ce défi.
Pour reprendre les mots du président Zelensky : « la lumière l’emportera sur les ténèbres ».
Merci beaucoup. Danke schön.
(Applaudissements)