Transcription - Le PM Trudeau parle à des enseignants lors du Elementary Teachers of Toronto Federation Day 2016
Le PM Trudeau parle à des enseignants lors du Elementary Teachers of Toronto Federation Day 2016
Merci à vous d’être ici aujourd’hui, et merci de m’avoir invité à me joindre à vous. C’est vraiment un plaisir de faire partie de cette journée si spéciale. Chaque fois que j’ai l’occasion d’échanger avec des enseignants, c’est une bonne journée pour moi.
En fait, j’ai visité une classe la semaine dernière durant un voyage au Libéria et j’en ai retenu certains points plutôt intéressants dont, je l’espère, nous pourrons peut-être l’occasion de discuter durant la séance de questions et réponses, même si je dois vous dire que l’approche du « guide en retrait » n’est pas très en vogue en enseignement dans une école élémentaire du Liberia. Mais, parlant de « prof-qui-sait-tout », je ne parlerai pas pendant trop longtemps sur cette tribune, parce que je veux m’assurer de laisser beaucoup de temps pour les questions. Vous savez, c’est cela qui est important. Oui, y compris les questions au sujet des oléoducs, j’en suis certain. Après tout, avoir une conversation est un bien meilleur moyen d’apprendre à nous connaître.
Mais j’aimerais d’abord dire quelques mots sur l’influence qu’a eu l’enseignement sur ma vie et sur comment cette expérience m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui.
Vous savez, l’une des choses qu’on m’a demandé de vous dire aujourd’hui est la raison pour laquelle j’ai cessé d’être enseignant. Pour être franc, j’ai eu beaucoup de difficulté à trouver la réponse, parce qu’à mon sens, je n’ai jamais cessé d’être enseignant. Je pense…
(Applaudissements)
Je pense que, comme la plupart d’entre vous, je vais m’identifier comme étant un enseignant pour le reste de ma vie. C’est un élément fondamental de ce que je suis et de la façon dont j’appréhende le monde tous les jours. Sur ce, j’ai pensé vous parler un peu de mon propre cheminement. Lorsque j’étais enfant, je ressentais une énorme pression pour suivre les traces de mon père, comme vous pouvez sans doute imaginer. Sauf que ce qui est intéressant, en repensant à cela, est de me rendre compte que la pression n’était pas exercée par mon père ni personne d’autre autour de moi; c’est moi-même qui la créais. Je m’étais simplement fait à l’idée que j’allais avoir les meilleures notes à l’école, que j’entrerais à la faculté de droit, que je travaillerais pendant un certain temps et que j’entreprendrais ensuite une carrière politique, tout comme lui.
Mais, à la fin de mon adolescence, j’ai dû m’avouer – et cela a été plutôt difficile – que le parcours de mon père n’était tout simplement pas le mien. Cela a été une période difficile, parce qu’il m’a fallu réévaluer la perception que j’avais de moi-même et, puisque cette voie n’était pas la mienne, je devais découvrir celle qui l’était. C’est à ce moment que j’ai commencé à me rendre compte que mon parcours passerait par l’enseignement. Voyez-vous, j’avais adoré être moniteur de camp et tuteur pour d’autres élèves à l’école. J’avais eu des enseignants formidables qui m’avaient profondément inspiré, et aussi certains enseignants lamentables qui me donnaient envie de bondir pour prendre leur place devant la classe, parce que j’avais l’impression de pouvoir faire un meilleur travail qu’eux. En plus, je n’arrivais pas à m’imaginer en train de faire un travail de neuf à cinq dans un bureau. J’avais besoin de relever différents défis diversifiés sur le plan intellectuel. J’avais besoin d’interagir et de tisser des liens avec les gens de différentes façons et dans différents contextes.
Une dernière chose : j’étais le premier-né de ma famille, et j’ai appris plus tard que, paraît-il, la plupart des enseignants sont les aînés de leur famille, ce qui correspond parfaitement avec ce que j’ai vécu chez nous. Mais je n’ai jamais su hors de tout doute si cela est vrai. Alors, nous sommes ici en présence d’environ 5 000 enseignants. Est-ce que tous les premiers-nés pourraient lever la main? D’accord. Attendez. Attendez. Vérifions. Est-ce que tous les enseignants qui ne sont pas l’aîné de leur famille peuvent lever la main? Vous savez quoi? Je pense que les premiers-nés l’emportent par un cheveu, mais cela n’est vraiment pas scientifique.
Voyez-vous, le plus emballant pour moi était que cette décision de devenir enseignant était la mienne. C’était ma propre voie, et non celle de mon père ou de ma mère, ou de personne d’autre. Du moins, c’est ce que je croyais, parce que, finalement, lorsque j’ai fait part de ma décision à ma tante Heather, qui était enseignante – et l’aînée de sa famille –, elle m’a dit que c’était merveilleux, avant de m’annoncer que je descendais d’une longue lignée d’enseignants qui remontait jusqu’en Écosse. Alors, ce parcours n’était pas nécessairement unique, mais il n’était pas celui de mon père, et c’est ce qui comptait pour moi.
Alors j’ai commencé mon baccalauréat en éducation à McGill et je l’ai terminé à l’Université de la Colombie-Britannique, après quoi j’ai enseigné dans cette province durant environ cinq ans. J’avais étudié pour enseigner les mathématiques au niveau intermédiaire. J’ai fini par enseigner absolument tout : du français pour des enfants de maternelle jusqu’au droit pour des élèves de 12e année, dans des écoles privées, des écoles publiques, partout où je pouvais trouver du travail. Vous connaissez la chanson. Et en fait – certains parmi vous seront surpris, mais d’autres ne le seront pas le moins du monde – j’ai adoré les années où j’étais enseignant suppléant.
(Acclamations)
Oui. Pensez-y : on est appelé à relever de nouveaux défis tous les jours, pas tellement dans le sens où on doit planifier des cours, remettre des bulletins ou composer avec les parents. On a du plaisir pendant un certain temps, mais, vous savez, on a vraiment envie d’approfondir les choses avec une classe en particulier. Je suis vraiment heureux de la façon dont les choses se sont passées. L’une des choses que j’ai apprises, qui est l’une des clés de ma réussite en gestion de classe et en suppléance et qui m’est encore très utile aujourd’hui, est le fait que je suis capable d’apprendre des noms rapidement et en douceur. Vous savez, j’arrivais dans la classe avant les cours, je regardais les élèves entrer et se rendre compte qu’il y avait un suppléant. Je les écoutais se parler et s’appeler par leur nom, puis je les surprenais au cours des cinq premières minutes en disant : « Johnny, pourrais-tu t’asseoir? » Ils se demandaient comment il était possible que je sache leurs noms, cela les stupéfiait pour le reste de la matinée, et j’avais gagné leur attention.
Cependant, la vraie raison pour laquelle le fait d’être enseignant m’est utile tous les jours en tant que politicien va au-delà des tours de passe-passe. C’est plus profond que cela. Fondamentalement, un bon enseignant n’est pas quelqu’un qui connaît toutes les réponses et qui les récite machinalement aux enfants devant la classe. Un bon enseignant est quelqu’un qui aide les enfants à trouver les réponses par eux-mêmes, qui favorise leur autonomie, qui décèle leurs difficultés et leurs forces et qui fait ressortir ce qu’il y a de meilleur en eux.
(Applaudissements)
Alors, en tant que premier ministre, je me demande toujours en quoi je peux contribuer à créer les conditions qui permettront aux Canadiens de réussir. Comment puis-je donner aux citoyens les moyens de surmonter les défis et les obstacles? Comment puis-je donner l’élan nécessaire à ceux qui ont besoin qu’on les aide un peu plus, et stimuler ceux qui réussissent pour les rendre encore meilleurs? Alors, vous savez, parce qu’il faut que je vous le dise, la prochaine fois qu’un rival politique trouve que c’est une bonne idée de créer un message publicitaire négatif contre moi qui dit que je suis juste un enseignant, eh bien c’est exactement ce que je suis, juste un enseignant, alors faites attention!
(Acclamations et applaudissements)
Voyez-vous, pour moi, l’enseignement a toujours été un processus d’interaction, de participation, d’apprentissage constant et de remise en question de moi-même et des autres, et c’est pourquoi j’ai hâte de quitter la tribune dans un court moment et de commencer ce qui sera, j’en suis certain, une formidable conversation.
Mais je veux vous laisser sur certaines réflexions. Quand j’étais enfant, j’ai demandé à mon père si le fait d’être premier ministre signifiait qu’il était le patron de tous les Canadiens.
(Rires)
Il a souri en me répondant que c’était le contraire, et que c’était plutôt tous les Canadiens qui étaient ses patrons. Je n’ai pas tout à fait compris ce qu’il voulait dire à l’époque, mais j’ai commencé à le comprendre lorsque je suis devenu enseignant. Voyez-vous, nous, les enseignants, avons beau représenter l’autorité dans nos classes, n’empêche que les enseignants ont de nombreux patrons : les administrateurs, la commission scolaire, la communauté, les parents, les enfants eux-mêmes. Mais, en fin de compte, lorsqu’on y réfléchit, la responsabilité d’un enseignant est beaucoup moins tangible – et beaucoup plus noble que cela. En fin de compte, les enseignants sont responsables de l’avenir que leurs élèves habiteront, du monde qu’ils créeront grâce à ce qu’ils auront appris de vous tous.
Voyez-vous, les enseignants d’exception n’oublient jamais qu’en fin de compte, ils sont responsables de la société que façonneront les élèves à qui ils enseignent.
(Acclamations et applaudissements)
Alors, bien évidemment, il est important de faire en sorte que les élèves qui nous quittent aient appris à additionner des fractions ou à faire un exposé sur un livre qu’ils ont lu. Bien sûr que c’est important. Mais il est tout aussi important, sinon plus, que ces mêmes élèves puissent nous quitter en ayant du respect pour leurs pairs et pour eux-mêmes, et qu’ils sachent…
(Applaudissements)
… qu’ils sachent faire preuve d’empathie envers ceux qui sont différents, qu’ils aient le désir de contribuer à leurs communautés en nourrissant de grandes ambitions pour leur avenir. Être enseignant est un privilège, bien sûr, mais c’est également une immense responsabilité. Vous avez une lourde tâche, mais je pense que chacun de vous sait déjà cela. De votre première journée en tant que jeune suppléant enthousiaste jusqu’à votre dernière journée de travail, lorsque vous êtes devenu un visage familier dans un endroit familier, vous savez que ce que vous choisissez de faire dans le cadre de cette profession changera des vies, qu’il s’agisse de rester quelques instants de plus à l’heure du dîner auprès d’un élève qui a de la difficulté en mathématiques, ou de passer du temps avec un élève timide durant la récréation, ou d’encourager un jeune athlète prometteur à viser plus haut, à sauter plus loin ou à lancer plus rapidement. Vos paroles et vos gestes dureront toute une vie.
Merci pour votre engagement, votre passion et votre vision d’un monde meilleur.
Vous ne faites pas que donner votre temps; vous donnez votre compassion, votre service et le meilleur de vous-mêmes. Alors, d’un enseignant à beaucoup, beaucoup d’autres, je dis merci. Souvenez-vous que nous sommes tous unis dans le même objectif. Alors, gardez espoir, restez inspirés et continuez à travailler fort non seulement pour le bien de nos élèves, mais pour le bien de notre pays.
Merci beaucoup mes amis.
(Acclamations et applaudissements)