Transcription - Le premier ministre Trudeau prononce le discours principal à la rencontre de la NGA
Le premier ministre Trudeau prononce le discours principal à la rencontre de la NGA
Merci. Merci beaucoup. Merci.
Monsieur le vice-président (Pence), Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, amis, distingués invités : Bon après-midi.
C’est sincèrement un privilège pour moi d’être ici avec vous aujourd’hui pour parler de certaines des valeurs qui nous sont communes et de certaines solutions à des problèmes auxquels nous faisons tous face.
Monsieur le Gouverneur (McAuliffe), merci pour cette aimable présentation et pour votre bienveillante allocution d’ouverture.
Madame la Gouverneure (Raimondo), merci pour votre chaleureux accueil dans cet extraordinaire État baigné par l’océan. Nous sommes en plein été ici, au Rhode Island, paradis des plages ensoleillées et du surf.
Je dois dire que je suis un peu flatté et aussi un peu surpris que tant d’entre vous aient choisi d’être ici plutôt qu’à la plage. C’est peut-être au programme de votre fin de semaine.
Ou serez-vous comme moi d’accord avec Wallace Stevens pour dire que la vérité dépend peut-être d’une promenade au bord d’un lac.
Je dois admettre que Wallace Stevens est mon poète américain favori. Le jour, il travaillait dans l’assurance pas trop loin d’ici, à Hartford, au Connecticut, et la nuit, il écrivait de la poésie, l’une des plus belles jamais écrites dans ce pays – et même dans le monde.
En apprenant à connaître un peu mieux ce magnifique coin historique des États-Unis – les champs soigneusement entretenus, les petits murs en pierre, les vergers et les vues extraordinaires sur l’océan – j’ai beaucoup pensé à Wallace Stevens.
Dans son poème Theory, il déclare : « Je suis ce qui m’entoure ». Ces mots évoquent pour moi la notion du « chez soi » – ce qu’elle signifie, comment on la définit.
Naturellement, nous sommes d’abord chez nous lorsque nous sommes en famille. Puis, ce « chez nous » s’étend plus loin – à l’école, aux lieux de culte, au lieu de travail, à la communauté, à la ville, à l’État, au pays.
Mais il y a une dimension du « chez soi » qui transcende nos frontières nationales – du moins la frontière entre le Canada et les É.-U., qui est unique au monde. C’est en effet l’idée, qui est aussi réalité, que nous soyons comme chez nous partout en Amérique du Nord.
C’est ce qui fait que les Terre-Neuviens ont recueilli des milliers de passagers aériens américains après les attentats du 11 septembre – comme le raconte le spectacle primé sur Broadway, Come From Away, que vous devriez tous voir. C’est ce qui a fait, il y a cent ans, que les gens de la Nouvelle-Angleterre ont volé à la rescousse de leurs cousins de Nouvelle-Écosse après l’explosion survenue à Halifax en 1917.
Nous l’avons vu quand les voiliers participant à la course entre Plymouth et Newport ont été frappés par des vents ayant la force d’un ouragan et que le personnel, les navires et les avions des Forces armées canadiennes sont passées immédiatement en mode sauvetage.
C’est ce qu’on fait entre amis et entre voisins. Nous sommes là les uns pour les autres. Nous faisons un effort.
On dit parfois que la frontière entre le Canada et les É.-U. est la plus longue frontière non défendue au monde. Mais c’est faux : notre frontière commune est très bien défendue. Nous la défendons ensemble, contre des menaces communes.
De NORAD, seul commandement unifié au monde, à l’OTAN, en passant par le contre-terrorisme et la police de rue, Canadiens et Américains travaillent côte à côte, se protégeant mutuellement. D’aussi loin que peuvent remonter nos souvenir et depuis encore plus longtemps, c’est ce que nous faisons.
C’est dans ce contexte que j’aimerais dire quelques mots aujourd’hui au sujet des démarches du Canada auprès des États-Unis cette année – décrites à la fois par les analystes et les experts comme ne ressemblant pas au Canada; comme étant exceptionnellement canadiennes; sans précédent; hautement prévisibles; et peut-être, de manière plus colorée, comme un beigne. Et comme gouverneurs, je soupçonne que vous seriez tous les brillants par-dessus.
Mes amis, je suis ici pour vous dire que notre conversation en cours avec vous tous n’est rien de tout cela. Rien du tout. Au contraire, c’est une conversation cohérente et solide à tous égards.
Ici, je dois souligner le travail exemplaire de deux personnes tout au long du processus : la ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, et notre ambassadeur aux États-Unis, David MacNaughton.
Merci à vous deux pour votre travail formidable. Nous savons tous que Chrystia et David ne sont pas tous seuls.
Ces efforts s’étendent à tous les niveaux de la gouvernance et de la société. Ils s’étendent à mon dialogue constructif avec le président Trump et avec le vice-président Pence; à des conversations entre des ministres fédéraux et des secrétaires du Cabinet; à des rencontres entre les gouverneurs des États et les premiers ministres provinciaux (dont la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, qui est ici avec nous aujourd’hui); à des conversations entre des dirigeants municipaux, des entreprises et des organisations non gouvernementales, aux milliers de rapports personnels ou professionnels qui tissent les liens qui unissent nos pays.
Voici ce que j’ai remarqué depuis mon entrée en politique : les experts – et je le dis avec le plus grand respect et la plus grande affection pour nos amis dans les médias – semblent vraiment aimer le mot « stratégie ».
Si vous avez un plan, ce n’est qu’un plan. Tout le monde peut avoir un plan. Mais si vous avez une stratégie, soudainement les journalistes se mettent à fouiller dans L’Art de la guerre de Sun Tzu et à faire des allusions au jeu d’échec.
Ceci a pour effet de faire paraître complexe ou du moins fantaisiste ce qui est évident. Ça devient un sujet intéressant.
Mais notre stratégie – notre plan – est en fait extrêmement simple.
Le Canada est un pays sûr de lui, créatif, débrouillard et qui possède d’abondantes ressources. Notre pays est riche et influent sur la scène mondiale. Mais notre pays a aussi une population de 35 millions de personnes, dont le voisin a une population environ dix fois plus élevée – la seule superpuissance mondiale.
Mon père, le premier ministre Pierre Trudeau, a dit une fois que c’était comme dormir à côté d’un éléphant.
Même si vous, mes amis américains, vous êtes peut-être comme un éléphant, le Canada n’est pas comme une souris. Il est plutôt comme un orignal – fort et pacifique, mais quand même beaucoup moins massif.
Et donc, nous avons à faire davantage d’efforts pour convaincre, pour faire valoir les intérêts des familles canadiennes, en touchant juste. C’est le cas pour l’ensemble de nos intérêts nationaux – de la lutte contre le changement climatique à la création d’emplois, en passant par notre défense commune
Soyons réalistes, il s’agit d’un autre aspect de la relation entre bons voisins : parfois, nous la tenons pour acquise. Parfois, la fiabilité et la facilité d’une relation peuvent nous amener à y accorder trop peu d’attention. Invariablement, on en vient à regretter d’avoir négligé cette relation.
Mes amis, nous, au Canada, nous avons décidé que nous n’allions pas négliger notre relation avec les États-Unis d’Amérique.
Et vous me permettrez de le répéter pour les gens de chez nous, parce que c’est important.
Il s’agit d’un autre aspect de la relation entre bons voisins : parfois, nous la tenons pour acquise. Parfois, la fiabilité et la facilité d’une relation peuvent nous amener à y accorder trop peu d’attention. Inévitablement, on en vient à regretter de l’avoir négligée.
Mes amis, je peux vous dire qu’au Canada, nous avons décidé que nous n’allions pas négliger notre relation avec les États-Unis.
Quand je parle de l’importance de maintenir cette relation, j’en parle collectivement. Je dis « nous » parce que ce sentiment est aussi celui de l’ensemble du Cabinet et du caucus que je dirige, mais il est partagé en dehors de notre gouvernement ou de notre parti politique. Il existe un soutien extraordinaire à cet égard dans toute la société canadienne.
Je note, en passant, que nous avons ici aujourd’hui des représentants de deux de nos grands partis politiques : les députés Mike Lake, Brenda Shanahan et Salma Zahid, ainsi que les sénateurs Bob Runciman et Art Eggleton – bonjour et merci à tous d’être ici.
Comme je le disais, la relation entre le Canada et les É.-U. est beaucoup trop importante pour que nous supposions que les Américains lui accordent autant d’attention que nous. Nous savons à quel point nos économies sont devenues intégrées. Et à quel point c’est crucial pour assurer la prospérité et la sécurité des deux côtés de la frontière – spécialement pour la classe moyenne et pour ceux qui travaillent fort dans l’espoir de s’y joindre.
Compte tenu de l’imminence de la modernisation de l’Accord de libre-échange nord-américain, ce que nous saluons naturellement, nous nous sentions obligés de vous parler du Canada, plus particulièrement de ses rapports avec les États‑Unis.
C’est une belle histoire. Pas seulement pour les neuf millions de travailleurs américains dont les emplois dépendent directement de la relation avec le Canada en matière de commerce et d’investissement. Mais pour tous les Américains.
Certains d’entre vous ont peut-être entendu ce dernier chiffre avant – et aussi le fait que le Canada est pour les deux tiers des États américains le marché d’exportation numéro un.
C’est peut-être parce que nous répétons à chaque occasion possible ces chiffres à nos auditoires américains.
En ce qui concerne les exportations, ce chiffre est exact pour la majorité des États qui sont représentés ici aujourd’hui : Alabama, Arkansas, Colorado, Iowa, Kentucky, Maryland, Massachusetts, Minnesota, Missouri, Montana, New Hampshire, Caroline du Nord, Dakota du Nord, Oklahoma, Rhode Island, Dakota du Sud, Tennessee, Vermont, Virginie et Wisconsin.
En résumé, le Canada est le plus gros et le meilleur client des É.-U. – de loin. Nous sommes un plus gros client que la Chine, avec un écart d’environ 152 milliards de dollars. Plus gros que le Japon ou le R.-U. Personne d’autre ne se rapproche de nous. En fait, le Canada achète davantage aux É.-U. que la Chine, le Japon et le R.-U. ensemble !
Nous avons régulièrement – certains diront inlassablement, mais nous restons polis même si nous insistons, parce que nous sommes Canadiens – nous avons répété ce message, dès le début de mes entretiens périodiques avec le président Trump et il est largement diffusé depuis.
Permettez-moi de vous dire pourquoi.
C’est le partenariat économique le plus réussi de l’histoire du monde. Il vaut environ mille milliards de dollars par an et surtout, il est bien équilibré.
Plus généralement, la zone de libre-échange nord-américain est la plus grande zone économique au monde, avec un marché régional de 19 mille milliards de dollars et 470 millions de clients.
Les États-Unis, le Canada et le Mexique forment ensemble plus d’un quart du PIB mondial. Depuis que l’accord trilatéral est entré en vigueur en 1994, le commerce des É.-U. avec vos partenaires de l’ALÉNA a triplé.
Cette augmentation se traduit par des millions de bons emplois bien rémunérés pour la classe moyenne, pour des Canadiens et pour des Américains. Le libre-échange a fonctionné. Il fonctionne en ce moment. Et ces liens se sont développés bien au-delà du commerce direct.
Des Canadiens versent plus de 500 millions de dollars par an en impôts fonciers en Floride. Et des Canadiens possèdent 25 000 propriétés en Arizona.
Le temps qu’il fait y est pour quelque chose d’après moi.
Mais l’ALÉNA n’est pas parfait. Aucun accord de ce genre ne l’est jamais. Nous pensons qu’il devrait être mis à jour, modernisé, comme il l’a été une douzaine de fois depuis un quart de siècle. Et je m’attends bien à ce qu’il le soit – ce sera en fin de compte dans l’intérêt des travailleurs des trois pays partenaires.
Je dois ajouter ceci : nous avons apprécié la réponse sérieuse, respectueuse, à nos démarches, à tous les niveaux du gouvernement américain. Nous en remercions nos homologues de l’administration et nous vous en remercions tous.
La relation entre nos pays n’a pas d’égale. Elle sert d’exemple au monde entier et il est d’une importance critique pour les gens qui vivent des deux côtés de la frontière qu’on la maintienne et en fait, qu’on l’améliore. Il faut que ce soit fait correctement.
Parfois, faire les choses correctement ne veut pas nécessairement dire emprunter le chemin le plus facile sur le plan politique, ni le chemin le plus court.
Créer de nouvelles barrières commerciales, ajouter davantage d’obligations de contenu local, donner un accès plus privilégié à des acteurs locaux pour les contrats gouvernementaux, par exemple, n’aide pas les familles de la classe moyenne à long terme, ni même à moyen terme.
Les politiques de ce genre affaiblissent la croissance. Elles nuisent aux travailleurs qu’elles devraient protéger. Une telle approche peut facilement engendrer une dynamique de représailles mutuelles de laquelle personne ne sort gagnant.
Mes amis, ce n’est pas ce que veut le Canada.
Pour ce qui est du commerce, nous voudrions une frontière plus perméable, pas moins perméable.
Permettez-moi de le répéter en français.
La relation entre nos pays n’a pas d’égale. Elle sert d’exemple au monde entier et il est d’une importance critique pour les gens qui vivent des deux côtés de la frontière qu’on la maintienne et en fait, qu’on l’améliore. Il faut que ce soit fait correctement.
Parfois, faire les choses correctement ne veut pas nécessairement dire emprunter le chemin le plus facile sur le plan politique, ni le chemin le plus court.
Créer de nouvelles barrières commerciales, ajouter davantage d’obligations de contenu local, donner un accès plus privilégié à des acteurs locaux pour les contrats gouvernementaux, par exemple, n’aide pas les familles de la classe moyenne à long terme, ni même à moyen terme.
Les politiques de ce genre affaiblissent la croissance. Elles nuisent aux travailleurs qu’elles devraient protéger. Une telle approche peut facilement engendrer une dynamique de représailles mutuelles de laquelle personne ne sort gagnant.
Maintenant, il existe de très bonnes raisons pour que notre frontière reste perméable quand il s’agit du commerce, même si nous améliorons en même temps la surveillance policière à la frontière pour mieux protéger les Canadiens et les Américains.
Nos amis et partenaires au Michigan et en Ohio connaissent bien le cas de Magna International – fournisseur mondial de pièces automobiles dont le siège se trouve en Ontario.
Fondée en 1957, la société Magna emploie aujourd’hui presque 140 000 travailleurs dans 29 pays. La moitié de ces travailleurs sont ici, en Amérique du Nord. Magna possède 65 usines aux États-Unis, 60 au Canada et 29 au Mexique.
Voici : la chaîne logistique de Magna traverse la frontière. Pour une pièce d’auto, la frontière est invisible. Les pièces canadiennes sont plusieurs fois intégrées à des produits plus complexes avant l’assemblage final.
Une traverse supérieure hydroformée commence à Strathroy, en Ontario. Elle est importée au Michigan pour être montée sur un support, puis incorporée dans un module avant complet en Ohio. Magna envoie ensuite les modules avant à Chrysler pour l’assemblage final. Et Chrysler exporte les Jeep terminées partout dans le monde.
C’est du travail d’équipe, mes amis.
Ou prenez le groupe Canam, société-mère de Canam Steel. Canam a son siège au Québec. Il emploie un nombre à peu près égal de Canadiens et d’Américains. Ses usines, à Point of Rock, au Maryland, et à Claremont, au New Hampshire, fournissent des emplois qui sont vitaux pour leurs communautés. Le marché de Canam est celui de l’industrie de la construction – qui est d’ailleurs une industrie qui s’étend à toute l’Amérique du Nord.
Les exemples sont vraiment trop nombreux pour être tous cités.
Qu’il s’agisse du CN en Louisiane, d’Hydro-Québec dans le Maine ou de la société Cott au Missouri, d’innombrables autres entreprises ou projets dans tous les États, l’énergie, l’ingéniosité et les capitaux canadiens sont à l’œuvre et vous aident à bâtir les États-Unis – tout comme l’énergie, l’ingéniosité et les capitaux américains sont à l’œuvre au Canada, pour nous aider à bâtir notre pays.
En fin de compte, c’est la raison pour laquelle j’ai une telle confiance en notre avenir commun. J’ai confiance que tous les dirigeants présents ici feront de leur mieux, aussi à Washington, pour soigner cette relation, pour la rendre encore meilleure : nous sommes vraiment tous concernés.
L’ambassadeur MacNaughton a remarqué le haut niveau de coopération et de collégialité entre les gouverneurs des États à qui il a parlé, dont bon nombre d’entre vous. Cette approche pragmatique dépasse les limites des partis.
Je le sais parce que comme gouverneurs, vous faites face aux mêmes problèmes et vous partagez beaucoup des mêmes objectifs. Je sais que vous cherchez à créer les conditions propices aux bons emplois, bien rémunérés à l’intention de la classe moyenne de vos États.
Que vous soyez républicains ou démocrates, dans la conjoncture actuelle, c’est tout probablement votre première priorité.
Vous le devinez ? C’est aussi ma première priorité. Le président Trump nous a dit que c’était sa première priorité. Nous avons tous ce point en commun.
Le problème qui se pose – comment veiller à ce que les retombées du commerce, des échanges commerciaux, soient plus largement partagées, pour que chaque famille puisse envisager un avenir plus brillant – est l’un des plus fondamentaux de notre époque.
Mes amis, je crois au plus profond de moi que notre défi le plus important, en tant qu’élus, est de créer des conditions favorisant durablement la prospérité et la sécurité de toute notre population – chez nous, sur le territoire nord-américain.
Géographiquement, économiquement, c’est le travail que nous sommes appelés à faire ensemble – dans le cadre d’un Accord de libre-échange nord-américain modernisé, renouvelé et renforcé.
Donc, je vous laisse sur ces mots : relevons ce défi. Continuons à nous parler, comme des voisins et des amis devraient le faire. Retroussons-nous les manches. Mettons-nous au travail. Et entrons dans l’histoire ensemble.
Merci beaucoup, tout le monde.