Transcription - Le PM Trudeau prononce une allocution dans le cadre de la Causerie Symons à Charlottetown
Le PM Trudeau prononce une allocution dans le cadre de la Causerie Symons à Charlottetown
Merci tout le monde.
Et bon après-midi.
Avant de commencer, je tiens à remercier tous les jeunes extraordinaires de La Jeune compagnie 2017 du Centre de la Confédération pour cette formidable représentation de Capteurs de Rêves.
(Applaudissements)
Merci de nous avoir fait rire, nakurmiik de m’avoir fait pleurer, merci de nous rappeler que nous sommes entre si bonnes mains lorsque nous voyons les jeunes d’aujourd’hui qui nous mettent au défi, nous remettent en question, mais nous inspirent et nous guident à tellement d’égards. Et ce numéro, ces paroles et les fait que vous l’avez présenté au pays tout entier est extraordinaire. Merci beaucoup, mes amis.
(Applaudissements)
Je tiens aussi à remercier Wayne et Claude pour leur aimable présentation, et de m’avoir donné la chance d’être avec vous aujourd’hui. Madame la Lieutenant-Gouverneure, Monsieur le Premier Ministre MacLauchlan, Chef Bellegarde, Chef Brian Francis, merci de nous accueillir en territoire mi’kmaq;
Votre député de Charlottetown et mon bon ami Sean Casey, distingués invités, merci à tous d’avoir pris le temps d’être ici avec nous cet après‑midi. Comme vous l’avez peut-être entendu, on va procéder un peu différemment cet après-midi;
Je vais vous parler durant plus ou moins 25 minutes et je veux ensuite mettre le reste du temps à votre disposition, pour que nous puissions discuter pendant un peu plus longtemps, si vous êtes d’accord.
Lorsque je pensais à ce que je voulais vous dire aujourd’hui – à la façon de vous exposer mes points de vue sur l’état de la Confédération canadienne, j’ai repensé à un article que j’avais lu. Il date de l’hiver dernier et l’histoire se déroule ici, à l’Île-du-Prince-Édouard. C’est celle de Ted et Janie Kitson. Si vous avez la chance de vivre ici, à Charlottetown, vous les connaissez peut-être. Et si vous avez beaucoup de chance, vous vivez peut-être à côté de chez eux. Parce que depuis cinq années de suite, ils aident à déneiger les allées et les entrées de leurs voisins après chaque tempête de neige, ce qui, d’après ce que je comprends, arrive de temps à autre sur l’Île. Ils ont commencé par aider un voisin âgé. Ensuite, ils en ont aidé un autre, puis un autre et, maintenant, ils aident à déneiger six maisons. Lorsqu’on l’a questionné à ce sujet, Ted a dit que lorsqu’il était enfant, toutes les familles aidaient les autres familles. Peu importe ce qui arrivait, on était tous là pour aider. C’est tout simplement notre façon d’être. » Comme Janie le dit, aider les autres est « la façon de faire de l’Île. »
J’adore cette histoire. Des voisins qui aident des voisins. Donner un coup de main dans les moments difficiles. Et être là les uns pour les autres pour faire notre part. Oui, c’est la façon de faire de l’Île, mais, longtemps avant l’arrivée des premiers Européens, c’était la façon de faire mi’kmaq. Et aujourd’hui, lorsque nous donnons le meilleur de nous-mêmes, c’est la façon de faire canadienne. C’est ce que je souhaite vous communiquer aujourd’hui. Cette année, comme vous le savez, marque le 150e anniversaire de la Confédération. Comme je l’ai dit le 1er juillet, c’est une raison de célébrer qui en vaut bien d’autres. Mais nous savons tous que le Canada n’est pas né il y a 150 ans.
Le Canada, l’idée du Canada, remonte à bien plus loin. Pendant des milliers d’années, les gens se réunissaient ici, à cet endroit que nous appelons maintenant le Canada. Parfois, ils faisaient du commerce, parfois ils se disputaient. Un modèle, quoi, pour les relations fédérales-provinciales modernes si vous voulez. Mais ce qui a persisté tout au long de l’histoire du Canada, c’est que les gens qui vivent sur ce territoire travaillaient ensemble côte à côte pour bâtir des communautés fortes et assurer une vie meilleure à leurs familles.
Il a fallu travailler fort, et cela n’a pas toujours été facile. Il y a eu d’immenses sacrifices. Nous avons perdu des générations de jeunes Canadiens lors de guerres brutales. D’un autre côté, nous en avons gagné des millions d’autres : des vagues d’immigrants qui, ayant vu le courage des Canadiens dans des pays lointains, ont décidé que c’était là qu’ils voulaient se bâtir une vie nouvelle et plus pacifique.
Pour le meilleur ou pour le pire, le Canada dans lequel nous vivons aujourd’hui descend lui-même de ces premières rencontres entre les peuples autochtones et de nouveaux arrivants. C’est le fruit de la relation fondamentale entre les Anglais et les Français. Et c’est le bénéficiaire de toutes les langues et cultures qui sont venues après. Au cours des 150 dernières années, nous avons montré au monde que la diversité est une source de force. Peu importe d’où on vient ou quelle religion on pratique, peu importe les vêtements qu’on porte ou la personne qu’on aime. On peut venir de n’importe où dans le monde, se bâtir une vie agréable et faire partie de notre communauté canadienne. Même pas besoin d’apporter de pelle. Même si c’est une excellente façon de se faire de nouveaux amis. Alors, voyons maintenant où nous en sommes, après 150 ans..
Pendant longtemps, durant des décennies après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la promesse du progrès ne s’est pas démentie.
Cette idée qu’en travaillant fort, on peut obtenir ce dont on a besoin pour bâtir une vie meilleure. Qu’on peut, par exemple, obtenir un bon emploi, le genre d’emploi qui permet de subvenir aux besoins de notre famille. Un emploi qui nous permet de payer les factures et de mettre un peu d’argent de côté pour les études de nos enfants et, peut-être même, pour notre propre retraite.
Mais les emplois comme ceux-là, ils deviennent de plus en plus difficiles à trouver. Si vous avez consulté les offres d’emplois dernièrement, vous savez de quoi je parle. Les emplois offerts aujourd’hui exigent de nouvelles compétences; le genre de compétences qu’on doit constamment mettre à niveau. Si vous êtes un jeune, vous êtes pris dans un cercle vicieux : c’est difficile de trouver un emploi quand on n’a pas d’expérience de travail, et c’est difficile d’acquérir de l’expérience quand on n’a pas d’emploi. C’est une réalité que vivent beaucoup trop de gens de nos jours.
Mais les emplois ne sont pas la seule chose qui inquiète les familles canadiennes ces jours-ci. Elles s’inquiètent aussi de leurs revenus. Voyez-vous, l’économie du Canada fonctionne plutôt bien en ce moment. La croissance du PIB est solide; à l’heure actuelle, c’est la plus solide du G7. Et quand on regarde cette tendance à long terme, disons, depuis les 30 dernières années, notre économie a plus que doublé. Malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui ressent cette réussite. Au cours des trois dernières décennies, le revenu total du marché, qui comprend le revenue tire de votre emploi ainsi que d’investissements ou d’autres sources, a augmenté de moins de 20 p. 100 pour la vaste majorité des Canadiens, les soi-disant 90 p. 100. Autrement dit, la plupart des Canadiens ont vu leurs revenus croître de moins de 1 p. 100 par année en termes réels. Ce n’est pas surprenant que tant de Canadiens aient l’impression de travailler plus fort que jamais, sans pour autant améliorer leur sort.
Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Si on regarde le 1 p. 100 des Canadiens les plus riches – les moins de 300 000 personnes au pays qui gagnent 230 000 dollars par année ou plus – leurs revenus ont augmenté de près de 50 p. 100 au cours des 30 dernières années. Le 0,1 p. 100 des plus riches? Leurs revenus ont doublé au cours des 30 dernières années. Et le 0,01 p. 100? Ils ont réussi mieux que tous les autres. Leurs revenus ont triple, et ils gagnent maintenant près de 2,5 millions de dollars de plus par année.
Celà dit, nous sommes Canadiens; nous sommes polis et nous n’aimons pas trop parler d’argent au cas où cela rendrait quelqu’un mal à l’aise. Eh bien, je pense qu’il faut en revenir, mes amis. Nous devons commencer à dire la vérité au sujet des inégalités de revenus au Canada.
Ce n’est pas en fermant les yeux sur le problème qu’on le fera disparaitre. Fermer les yeux ne servirait qu’alimenter la frustration qu’à encourager les gens à trouver une excuse ou quelqu’un à blâmer. Nous connaissons les conséquences, nous en avons été témoins ici dans nos propres communautés, et à travers le monde.
Dans beaucoup trop d’endroits, on constate les graffitis haineux, les commentaires cruels, la violence insensée. Nous devons être unis, courageux et infatigables pour nous opposer à ceux qui pensent que, pour une quelconque raison, pointer du doigt est une solution. Mais, en même temps, comme je l’ai dit, nous devons dire la vérité au sujet des inégalités de revenus et de ce qu’elles signifient pour les Canadiens. Parce que même si cela peut être désagréable d’en parler, c’est encore plus désagréable de les subir. De se retrouver dans une situation où il faut décider lequel de nos deux enfants aura droit à une nouvelle paire de bottes d’hiver cette année. De retarder le paiement des factures encore une fois parce que, malgré tout le soin qu’on met à faire son budget, il arrivera toujours quelque chose qu’on ne pouvait pas prévoir. Et quand on est aux prises avec ce genre de choix en sachant que le PDG de notre entreprise touche des primes de millions de dollars qu’il enverra à l’étranger pour éviter de payer des impôts? Les gens ne le toléreront pas, et ils ont bien raison.
Les chefs d’entreprise ont une responsabilité à assumer en ce sens, et je suis l’un des premiers à le leur rappeler. Ils doivent regarder au-delà des intérêts à court terme de leurs actionnaires et se souvenir qu’ils ont une responsabilité à long terme à l’égard de leurs travailleurs et des communautés qui les soutiennent. Cela veut dire qu’ils doivent verser à leurs employés un salaire vital, payer leur juste part d’impôts, offrir aux travailleurs des avantages sociaux décents et la paix d’esprit qui découle de contrats stables et à temps plein, et veiller à ce que les travailleurs soient en mesure de garder leurs compétences à jour pour que, si le pire devait survenir et si l’entreprise devait fermer ses portes, ces travailleurs aient au moins une chance raisonnable de décrocher un autre emploi. Voilà ce que les chefs d’entreprise peuvent faire.
Les gouvernements aussi doivent agir pour aider davantage les gens, et cela fait partie de nos priorités depuis deux ans : alléger le fardeau fiscal de la classe moyenne, offrir une nouvelle Allocation canadienne pour enfants, une allocation qui sera d’ailleurs encore plus généreuse dès l’été prochain. Investir dans les infrastructures, conclure de nouveaux accords commerciaux pour aider à créer encore plus de bons emplois bien rémunérés. Plus d’argent pour rendre les études postsecondaires plus abordables pour un plus grand nombre de jeunes.
Nous explorons des moyens de permettre aux Canadiens d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour obtenir de bons emplois de qualité, et nous nous demandons des comptes aux sociétés internationales pour veiller à ce qu’elles payent leur juste part d’impôts. Et en ce qui concerne les comptes à l’étranger auxquels j’ai fait allusion plus tôt, nous agissons aussi dans ce dossier. Dans le cadre des deux derniers budgets, nous avons mis de côté près d’un milliard de dollars pour contribuer à la lutte contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal agressif. Prenons un moment pour réfléchir à cela : Il y a des gens au Canada qui sont si riches qu’ils estiment ne pas avoir à payer leur juste part d’impôts et qui, en plus, nous obligent à dépenser un milliard de dollars pour les débusquer, simplement pour qu’ils fassent ce qu’ils ont à faire et payent ce qu’ils doivent. Un milliard de dollars pour faire en sorte que des gens agissent comme il se doit. Cela me fâche, et cela devrait vous fâcher vous aussi.
La bonne nouvelle est que nous commençons à toucher un retour sur cet investissement. Au cours de la dernière année seulement, en examinant d’importants transferts d’argent effectués dans quatre pays qui nous préoccupent particulièrement, nous avons décelé 41 000 transactions d’une valeur totale de 12 milliards de dollars qui méritaient un examen plus approfondi. En travaillant en étroite collaboration avec des partenaires du Canada et de partout dans le monde, nous effectuons actuellement près de mille verifications à l’étranger, et nous avons lancé plus de 40 enquêtes criminelles en lien avec des transactions à l’étranger.
Nous nous attaquons aussi vigoureusement à ceux qui font la promotion de ces scénarios d’évitement fiscaux et, jusqu’à maintenant, nous avons imposé des sanctions de 44 millions de dollars à ces tierces parties. Et, grâce à ces mesures, nous sommes en voie de récupérer 25 milliards de dollars de recettes fiscales. C’est une fraction de ce qu’on nous doit, mais c’est un début. Et je tiens à souligner très clairement en quoi c’est important pour notre gouvernement et pourquoi c’est important pour vous aussi.
Il ne s’agit pas de punir ceux qui réussissent. Nous sommes tous d’accord pour que les gens réussissent. Mais, si nous voulons que le Canada prospère, l’intérêt public doit passer en premier. Autrement dit, chacun d’entre nous doit faire sa part. Vous, moi, tous ceux qui sont ici, et tous ceux qui nous écoutent.
C’est un privilège de vivre ici et d’avoir un pays comme le nôtre. C’est notre responsabilité, comme Canadiens, de prendre soin les uns des autres. Et c’est exactement ce que nous faisons quand nous payons nos impôts. J’ai certains adversaires politiques qui utilisent le mot « impôts » comme s’il s’agissait d’une insulte. Ce genre de choses ne m’atteint pas, mais c’est quand même frustrant. Je souhaiterais simplement qu’ils soient honnêtes à ce sujet, vous savez? Sur le fait que les impôts que nous payons comme Canadiens permettent de construire les autoroutes, les voies maritimes, les aéroports et les voies ferrées qui transportent nos marchandises vers les différents marchés. Les impôts que nous payons permettent de guérir des fractures et de passer d’un cancer à une rémission. Les impôts que nous payons signifient que lorsqu’on perd son emploi, on ne perd pas nécessairement sa maison. Une séance de questions et réponses nous attend, alors je suis sûr qu’on pourra en parler plus longuement et je ne veux pas trop en mettre, mais vous voyez là où je veux en venir. Ce n’est pas parce que nous sommes des libéraux que nous défendons le bien commun; c’est parce que nous sommes Canadiens.
Ce n’est pas parce que nous sommes un gouvernement libéral que nous défendons l’intérêt public, c’est parce que nous sommes un gouvernement canadien. Nous nous devons d’incarner et de défendre les valeurs de ceux que nous servons, les valeurs de ceux pour qui nous travaillons. Vos valeurs, votre optimisme, votre sens de la compassion, votre volonté sincere d’aider vos amis et vos voisins. C’est ce qui me motive chaque jour. Cela, et aussi la compréhension du fait que, malgré tout ce que nous avons accompli depuis la Confédération, qu’il s’agisse des soins de santé universels, des opérations de maintien de la paix ou de la Charte des droits et libertés, il reste encore beaucoup de travail à faire.
Notre tâche consiste maintenant à faire en sorte que chaque personne qui vit au Canada ait une chance véritable et équitable de réussir. Oui, je parle de la classe moyenne, mais je parle aussi de tous ceux qui travaillent fort pour rejoindre la classe moyenne. Nous devons aussi créer plus de possibilités pour ceux dont les voix et les points de vue étaient absents ou ont été laissés de côté en 1867.
Cela inclut évidemment les peuples autochtones, qui sont nombreux à considérer cette année de célébration comme rien qu’une autre étape d’une relation marquée par la trahison et la négligence. Cela inclut les femmes et les filles du Canada, dont la situation s’est lentement et sûrement améliorée depuis un siècle et demi, mais dont les contributions restent sous-évaluées et sous-payées.
Cela comprend également vous, les jeunes, qui êtes déjà des leaders dans vos communautés et qui avez encore tant à nous apporter. Et le Canada a besoin de tout ce que vous avez à offrir. Nous avons besoin de vos idées et de votre idéalisme. De votre solide sens de la justice sociale. C’est ce qui nous permettra de traverser les difficiles années de réconciliation qui nous attendent. Mais nous devons amplifier ces voix et beaucoup d’autres aussi, parce que la diversité qui s’épanouit ici, au Canada, est une immense source de force. Depuis un siècle et demi nous avons réussi sur les plans culturel, politique et économique à cause de nos différences, et non en dépit d’elles.
Mes amis, j’ai commencé en vous racontant une histoire et je terminerai en vous lançant un défi. Ce n’est pas mon idée; en fait, c’est mon ami Naheed Nenshi, maire de Calgary, qui a proposé ce concept. Voici le défi : pensez à trois choses que vous pouvez faire. Trois services que vous pouvez rendre, petits ou grands. Il peut s’agir d’aider à parrainer une famille de réfugiés, de faire du bénévolat à l’école de votre quartier, de tenir la porte ouverte pour quelqu’un qui a des paquets ou des enfants plein les bras. Les enfants sont plus lourds que les paquets. Ou de faire comme Ted et Janie et de simplement répondre présent. Faites ce qui doit être fait. C’est comme cela que nous avons traversé chaque hiver de l’histoire de notre pays, et c’est également comme cela que nous passerons à travers les prochaines 150 années. En prenant soin les uns des autres. C’est la façon de faire de l’Île, et c’est la façon de faire canadienne.
Merci d’être des nôtres aujourd’hui, merci pour cet honneur.
(Applaudissements)