Transcription - Le premier ministre présente des excuses aux Canadiens LGBTQ2
Le premier ministre présente des excuses aux Canadiens LGBTQ2
Merci Monsieur le Président –
L’un des meilleurs choix que puisse faire quelqu’un dans la vie est celui de servir ses concitoyens. Que ce soit au gouvernement, dans les forces armées ou dans la police. Quelle que soit la fonction que l’on occupe, dévouer sa vie à faire du Canada – et en fait, du reste du monde – un endroit meilleur, c’est répondre à l’appel d’un ordre supérieur.
Alors imaginez, si vous le voulez bien, vous faire dire que votre pays – ce pays que vous seriez prêt à défendre au risque de votre vie – ne veut pas de vous. Qu’il ne vous accepte pas. Qu’il vous considère anormal. Qu’il vous considère comme une menace pour sa sécurité nationale.
Pas parce que vous ne pouvez pas faire le travail, ni parce que le patriotisme ou le courage vous manquent – non, à cause de la personne que vous êtes et de vos partenaires sexuels.
Alors, imaginez, Monsieur le Président, être l’objet de lois, de politiques, de directives de recrutement qui vous étiquettent comme étant différent – comme étant « moindre ».
Imaginez avoir à lutter encore et encore pour obtenir les mêmes droits fondamentaux que vos concitoyens.
Et imaginez qu’on fasse de vous un criminel à cause de qui vous êtes.
C’est la réalité de beaucoup des Canadiens qui sont présents dans les tribunes ici aujourd’hui ou qui nous écoutent encore plus nombreux à travers le pays.
C’est l’histoire dévastatrice de gens étiquetés comme étant des criminels par le gouvernement. Des gens qui ont perdu leur gagne-pain et même parfois, leur vie.
Il ne s’agit pas de lointaines pratiques de gouvernements qui ont été depuis longtemps oubliées. C’est arrivé de façon systématique ici, au Canada, plus récemment que nous ne voudrions l’admettre.
Monsieur le Président, aujourd’hui, nous reconnaissons une partie souvent négligée de l’histoire de notre pays. Aujourd’hui, nous parlons enfin du rôle qu’a joué le Canada dans l’oppression, la criminalisation et la violence systémiques à l’endroit des communautés lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre, queer et bi-spirituelle.
J’ai espoir qu’en parlant de ces injustices, en promettant qu’elles ne se reproduiront plus jamais et en agissant pour corriger ces erreurs, nous pourrons commencer à guérir ensemble.
Monsieur le Président, aujourd’hui, nous reconnaissons une partie souvent négligée de l’histoire de notre pays. Aujourd’hui, nous parlons enfin du rôle qu’a joué le Canada dans l’oppression, la criminalisation et la violence systémiques à l’endroit des communautés lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre, queer et bi-spirituelle.
J’ai espoir qu’en parlant de ces injustices, en promettant qu’elles ne se reproduiront plus jamais et en agissant pour corriger ces erreurs, nous pourrons commencer à guérir ensemble.
À leur arrivée sur ce territoire, ceux qui l’ont colonisé ont amené avec eux des normes étrangères quant au bien et au mal – au comportement acceptable ou inacceptable. Aux partenaires appropriés ou inappropriés.
Ils ont amené avec eux des normes de genre rigides – des normes qui se sont manifestées par l’homophobie et la transphobie. Des normes qui ont mené à la quasi destruction des identités LGBTQ et bi-spirituelles autochtones. Des gens dont l’identité avait été auparavant vénérée ont été couverts de honte en raison de la personne qu’ils étaient. Ils ont été rejetés, sujets à la violence.
La discrimination contre les communautés LGBTQ2 a été rapidement codifiée parmi les infractions criminelles, comme étant de la « sodomie », de la « grossière indécence » et des maisons de débauche.
Il y a eu des descentes dans des bains publics, des gens ont été piégés par la police.
Nos lois encourageaient et appuyaient ceux qui voulaient s’attaquer au désir sexuel non conforme.
Nos lois faisaient des relations sexuelles privées et consensuelles entre partenaires de même sexe une infraction criminelle, donnant lieu à l’arrestation, à la condamnation et à l’emprisonnement injustes de Canadiens. Cette criminalisation allait avoir des conséquences profondes au niveau de l’emploi, du bénévolat, des voyages.
Les personnes arrêtées et accusées étaient intentionnellement et agressivement humiliées. Leurs noms paraissaient dans les journaux pour leur faire honte et pour faire honte à leurs familles.
Des vies ont été détruites. Et tragiquement, des vies ont été perdues.
Ces pratiques n’ont pas pris fin en 1969 lorsque les relations homosexuelles ont été en partie décriminalisées. Jusqu’en 1988, un homme gai de vingt ans qui avait des relations sexuelles avec un autre homme risquait encore d’être condamné pour ce qu’on considérait encore comme étant un crime.
Mais il n’y avait pas que l’emprisonnement et la criminalisation des personnes LGBTQ2. D’autres moyens d’oppression ont été utilisés dans notre société, et ce, depuis des générations.
L’homophobie, à l’époque de la crise du sida, a provoqué l’hystérie et propagé une peur des hommes gais.
Des livres et des magazines étaient interceptés à la frontière sous prétexte d’infractions d’obscénité et de réglementation douanière – le contenu de textes et d’images étant jugés inacceptable.
Des familles LGBTQ2 ont dû se battre contre leur propre gouvernement pour avoir droit à des avantages sociaux, et à la liberté de se marier, souvent à un prix personnel élevé.
Au fil de notre histoire, des lois, des politiques adoptées par le gouvernement ont légitimé beaucoup plus que les inégalités. Elles ont légitimé la haine et la violence et ont couvert de honte les personnes ciblées.
Même si nous considérons le Canada moderne comme étant un pays évolué et progressiste, nous ne pouvons pas pour autant oublier notre passé : il n’y a pas si longtemps, l’État a orchestré une culture de stigmatisation et de peur autour des communautés LGBTQ2 et ainsi détruit des vies.
Monsieur le Président, la « Purge » qui a duré des décennies restera pour toujours un acte tragique de discrimination envers des citoyens canadiens, perpétré par leur propre gouvernement.
Des années 1950 au début des années 1990, le gouvernement a exercé son pouvoir de manière cruelle et injuste, en entreprenant une campagne d’oppression contre les membres avérés ou soupçonnés des communautés LGBTQ2.
L’objectif consistait à identifier ces travailleurs à travers l’ensemble de la fonction publique, y compris ceux du service extérieur, les militaires et la GRC, puis à les persécuter.
Voyez-vous, à l’époque, on pensait que les Canadiens qui n’étaient pas hétérosexuels représentaient automatiquement un risque élevé pour notre sécurité puisqu’ils pouvaient être soumis à du chantage par nos adversaires, en raison de ce qu’on appelait une « faiblesse de caractère ».
Cette mentalité était sans fondement et empreinte de préjugés. Malheureusement, elle a donné lieu à une véritable chasse aux sorcières.
La fonction publique, les militaires et la GRC espionnaient leurs propres membres, à l’intérieur et à l’extérieur de leurs lieux de travail. À cette époque, le gouvernement fédéral a même investi des fonds pour développer un appareil absurde qu’on appelait alors Fruit Machine – une technologie déficiente qui devait supposément permettre de mesurer l’attraction homosexuelle. On surveillait les Canadiens pour déceler tout ce qui aurait pu être considéré comme un comportement homosexuel, en surveillant constamment les groupes communautaires, les bars, les parcs et même les résidences..
Lorsque le gouvernement croyait avoir accumulé assez de preuves, certains suspects étaient amenés dans des endroits secrets, la nuit, pour être interrogés.
On leur posait des questions envahissantes au sujet de leurs relations et de leurs préférences sexuelles. Branchés à des polygraphes, ces fonctionnaires respectueux de la loi devaient révéler les détails les plus intimes de leur vie.
Des femmes et des hommes étaient mal traités par leurs supérieurs. On sondait leur vie sexuelle en leur posant des questions dégradantes. Certains subissaient des agressions sexuelles.
Ceux qui admettaient être gais étaient congédiés, démis de leurs fonctions ou intimidés jusqu’à ce qu’ils démissionnent. Ils perdaient leur dignité et leur carrière. Leurs rêves et leur vie s’effondraient.
Nombreux ont été ceux qu’on a soumis à du chantage pour qu’ils dénoncent leurs pairs, qu’on a obligés à trahir leurs amis et leurs collègues.
Certains ont promis de mettre fin à leur relation s’ils pouvaient garder leur emploi. Poussés à se cacher encore plus, ils ont perdu leurs partenaires, leurs amis et leur dignité.
Ceux qui ne perdaient pas leur emploi étaient rétrogradés, leur cote de sécurité était révoquée et ils n'ont pas été considérés pour des promotions qu'ils méritaient.
Sous les projecteurs, des gens étaient obligés de faire un choix impossible entre leur carrière et leur identité.
Ce que les autorités canadiennes craignaient – le chantage des employés LGBTQ2 – se produisait. Mais ce n’était pas aux mains de nos adversaires, mais bien à celles de leur propre gouvernement.
Monsieur le Président, la responsabilité première de tout gouvernement est la protection de ses citoyens. Nous avons manqué à notre devoir à plusieurs reprises à l’égard des membres des communautés LGBTQ2, encore et encore.
C’est avec honte, tristesse et un profond regret pour ce que nous avons fait, que je prends la parole ici aujourd’hui pour dire que nous avions tort. Que nous présentons nos excuses. Je suis désolé. Nous sommes désolés.
Pour l’oppression et le rejet systémiques commandités par l’État, nous sommes désolés.
Pour la suppression des valeurs et croyances bi-spirituelles autochtones, nous sommes désolés.
Pour avoir abusé du pouvoir de la loi en faisant des criminels de nos citoyens, nous sommes désolés.
Pour la censure du gouvernement et les tentatives successives visant à vous empêcher de bâtir vos communautés;
Pour vous avoir refusé l’égalité et vous avoir forcés à lutter constamment pour cette égalité, et ce, souvent à un coût élevé;
Pour vous avoir forcés à vivre à l’écart, pour vous avoir rendus invisibles et vous avoir humiliés –
Nous sommes profondément désolés. Nous avions tort.
À tous les gens LGBTQ2 du pays à qui nous avons fait du mal, de toutes les manières possibles, nous sommes désolés.
À ceux qui ont été brisés par les préjugés du système;
À ceux qui se sont enlevé la vie – nous vous avons laissé tomber.
Pour vous avoir privés de votre dignité;
Pour vous avoir dérobé votre potentiel;
Pour vous avoir traités comme si vous étiez dangereux, indécents et imparfaits,
Nous sommes désolés.
Aux victimes de la Purge, qui ont été surveillées, interrogées et abusées;
À ceux qui ont été obligés de trahir leurs amis et leurs collègues;
À ceux qui ont perdu leur salaire, leur santé et leurs proches;
Nous vous avons trahis. Et nous sommes profondément désolés.
À ceux qui ont été congédiés, à ceux qui ont démissionné et à ceux qui sont restés en payant un grand prix autant sur le plan personnel que sur le plan professionnel;
À ceux qui auraient voulu servir, mais qui n’ont jamais pu contribuer de cette façon en raison de qui ils sont – vous auriez dû pouvoir servir votre pays et on vous a retiré cette option.
Nous sommes désolés. Nous avions tort.
Effectivement, les contributions importantes que vous auriez pu apporter à notre société sont une perte pour tous les Canadiens.
Vous n’étiez pas de mauvais soldats, marins ou aviateurs. Vous n’étiez pas des prédateurs. Vous n’étiez pas des criminels.
Vous avez servi votre pays avec intégrité et courage.
Vous êtes des professionnels. Vous êtes des patriotes. Et par-dessus tout, vous êtes innocents. Pour tout ce dont vous avez souffert, vous avez droit à la justice, à la paix.
Nous avons collectivement honte que vous ayez été mal traités. Nous avons collectivement honte d’avoir mis tant de temps à vous présenter des excuses. Beaucoup de ceux qui ont souffert ne sont plus en vie pour entendre ces paroles. Et pour cela, nous sommes vraiment désolés.
Aux partenaires, aux familles et aux amis des gens à qui nous avons fait du mal;
Pour avoir bouleversé vos vies et pour vous avoir causé tant de douleur et de peine irréparables – nous sommes désolés.
En présentant ces excuses pour nos erreurs douloureuses, nous devons aussi remercier ceux qui ont fait entendre leur voix.
Aux gens qui ont résisté lorsque c’était impopulaire et même dangereux de le faire. À des gens de partout au pays, de tous les horizons et de toutes les allégeances politiques. Nous vous exprimons notre admiration pour votre courage et nous vous remercions.
Nous remercions aussi le réseau Nous exigeons des excuses, notre conseil consultatif pour les excuses à présenter aux communautés LGBTQ2 et le Just Society Committee pour Egale Canada, ainsi que les gens qui se battent depuis longtemps pour obtenir ces excuses longuement attendues.
Grâce à eux, nous avons compris que nous ne pouvions pas tout simplement oublier ce chapitre de notre histoire. On ne rendrait service ni à la communauté ni à l’ensemble des Canadiens en effaçant cette triste histoire.
Nous allons travailler avec le milieu universitaire et les intervenants pour veiller à ce que cette histoire soit connue et accessible au grand public.
Nous devons la rappeler et nous allons la retenir. Nous allons honorer et commémorer ceux qui se sont battus avant nous, ceux qui ont fait face à la haine et au danger insupportables.
Monsieur le Président, j’ai espoir qu’en rétrospective, nous nous souviendrons de cette journée comme étant un moment déterminant. Mais il reste encore beaucoup à faire.
La discrimination contre les communautés LGBTQ2 ne s’est pas limitée à une époque particulière. Elle dure depuis des siècles.
Désormais, nous voulons être le partenaire et l’allié des Canadiens qui font partie des communautés LGBTQ2. Ces communautés connaissent encore de vraies difficultés, notamment dans le cas des personnes intersexuées, des personnes queers de couleur et d’autres personnes visées par une discrimination intersectionnelle.
Les Canadiens transgenres font l’objet de discrimination, de violence et d’agression à des taux alarmants. En fait, les gens trans n’avaient même pas de protection explicite en vertu de la loi sur les droits de la personne jusqu’à cette année.
Les problèmes de santé mentale et les suicides sont plus fréquents chez les jeunes des communautés LGBTQ2 à cause de la discrimination et du harcèlement dont ils sont victimes; et le taux d’itinérance parmi ces jeunes est stupéfiant.
Il reste du travail à faire au niveau des dons de sang et d’organes, et de la criminalisation de la non-divulgation du VIH. Le gouvernement doit continuer à travailler avec ses partenaires pour améliorer les politiques et les programmes.
Cela dit, des changements importants et significatifs sont en vue. L’abrogation de l’article 159 du Code criminel fait son chemin à la Chambre des communes.
Et je suis fier de dire que la Loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques a été déposée dans cette Chambre plus tôt aujourd’hui. Elle permettra de détruire de manière permanente les dossiers criminels pour relations homosexuelles.
De plus, j’ai le plaisir d’annoncer que pendant la fin de semaine, nous sommes parvenus à une entente de principe avec les personnes participant au recours collectif en lien avec les gestes commis lors de la Purge.
Notre gouvernement n’infligera plus jamais une telle douleur aux membres des communautés LGBTQ2.
Nous promettons de consulter les gens et les communautés pour corriger ces erreurs et pour commencer à rebâtir la confiance. Nous allons veiller à ce que des systèmes soient en place pour que de telles pratiques haineuses soient choses du passé. La discrimination et l’oppression des Canadiens des communautés LGBTQ2 ne seront plus tolérées.
Grâce au dialogue et à une meilleure compréhension de l’autre, nous irons de l’avant ensemble. Mais nous n’y arriverons pas seuls.
Pour transformer les cœurs et les mentalités, il faut un effort collectif. Nous devons travailler ensemble, à tous les paliers de gouvernement, avec les communautés LGBTQ2 et les peuples autochtones, pour réaliser les progrès importants que les Canadiens LGBTQ2 méritent.
Monsieur le Président, l’histoire du Canada est loin d’être parfaite.
Mais nous croyons qu’il est important de reconnaître et de corriger les erreurs du passé pour pouvoir en tirer des leçons.
À travers toutes nos différences, à travers notre diversité, nous pouvons puiser de l’amour et du soutien dans notre humanité commune.
Nous sommes canadiens et nous voulons le bien de chacun d’entre nous, peu importe l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression du genre. Nous allons nous soutenir les uns les autres dans notre lutte pour l’égalité.
À travers le monde, le Canada se fera le fier défenseur de droits égaux pour les communautés LGBTQ2.
Aux enfants qui écoutent chez eux et qui craignent d’être rejetés à cause de leur orientation sexuelle, de leur identité ou expression du genre;
Et à tous ceux qui sont inquiets ou effrayés, mais qui ont hâte de découvrir ce que l’avenir leur réserve;
Chacun d’entre nous mérite d’être aimé et a le droit d’être respecté.
Que vous découvriez votre propre vérité à 6 ou à 16 ou à 60 ans, la personne que vous êtes est légitime.
Aux membres des communautés LGBTQ2, jeunes et vieux, ici au Canada et à travers le monde :
Nous vous aimons et nous sommes avec vous.
Le Canada devient un peu plus fort chaque fois que nous choisissons d’accueillir et de célébrer qui nous sommes dans toute notre particularité. Nous sommes un pays de diversité. Nous sommes un pays plus riche grâce aux vies, aux expériences et aux contributions de personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles, transgenres, queers et bi-spirituelles.
Aux pionniers qui ont lutté, à ceux qui se sont battus pour que nous arrivions jusqu’ici : merci pour votre courage et merci d’avoir prêté votre voix à cette cause. J’espère, je sais que vous êtes fiers de tout ce que vous avez accompli.
C’est grâce à votre courage que nous sommes ici aujourd’hui, ensemble, et que nous nous rappelons que nous pouvons, et que nous devons, faire mieux.
Pour l’oppression des communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers et bi-spirituelles, nous présentons nos excuses. Au nom du gouvernement, du Parlement et de la population du Canada : nous avions tort. Nous sommes désolés. Et plus jamais nous ne permettrons que ces gestes se produisent.
Merci, Monsieur le Président.