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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Bonjour.

Merci, M. Haass, de m’accueillir ici, au Conseil des relations extérieures.

Merci à tous d’être ici.

Je suis très heureux d’être à New York.

C’est un endroit où le monde se rassemble et où l’on crée des liens. Et c’est précisément ce qui fait du Conseil une institution si merveilleuse.

Le mois dernier, le Canada a accueilli le président Biden dans son Parlement.

Votre président est un homme formidable. Pour le Canada, c’est un partenaire solide, mais aussi un ami de longue date.

Avant son discours, je rappelais aux gens qu’il y a plus de trente ans, le président Reagan avait déclaré que la frontière canado-américaine était un lieu de rencontre plutôt qu’une ligne de division.

Et je soulignais qu’aujourd’hui, notre frontière n’est plus seulement un lieu où l’on se rencontre; c’est l’endroit où l’on va relever les défis de notre époque.

Et on traverse une époque d’incertitude comme on n’en avait jamais connu de notre vivant.

On fait face à une pandémie mondiale depuis trois ans.

La hausse du coût de la vie exerce des pressions bien réelles sur les familles. Malgré la croissance de l’emploi et les augmentations salariales, l’économie suscite beaucoup d’inquiétude.

Les changements climatiques ont des répercussions concrètes et terrifiantes sur la vie des gens.

La guerre est de retour en Europe et l’autoritarisme est en hausse.

Dans le monde, des États antagonistes utilisent notre interdépendance économique à leur propre avantage géopolitique.

Tout autour de nous, on constate que la polarisation se répand de plus en plus.

On dirait que chaque jour voit naître de nouvelles menaces susceptibles d’affaiblir la démocratie.

Alors, parlons de relever les défis de notre époque. De ce que le Canada peut représenter pour les États-Unis et de ce qu’on peut représenter, ensemble, pour le monde.

Auparavant, permettez-moi de parler d’où nous venons et de ce qui nous a amenés jusqu’ici.

Repensons à cette époque de Reagan et à l’optimisme qu’on ressentait tous face à l’inévitable triomphe de notre mode de vie.

Avec la chute du mur de Berlin, on était certains que la démocratie fondée sur le marché avait triomphé et qu’elle allait prendre racine partout dans le monde.

Les élites politiques se sont employées à libéraliser et à déréglementer le commerce. À réduire les impôts des sociétés.

L’économie allait croître plus rapidement et tout le monde deviendrait plus riche.

Eh bien, la première partie de cette affirmation s’est concrétisée. La deuxième, pas autant.

Les emplois délocalisés n’ont pas été remplacés et les salaires qui soutenaient des communautés tout entières ont stagné.

Quand la crise de 2008 a frappé, les banques se sont vu offrir des passe-droits, alors que des familles se faisaient saisir leurs biens.

Dans nos pays, des gens étaient laissés pour compte, et la classe moyenne a été vidée de sa substance.

En même temps, on voyait la mondialisation qui, selon ce qu’on promettait, allait déferler autour du monde et améliorer le sort de tous.

Eh bien, il faut avouer qu’on n’a pas été honnêtes avec nous-mêmes sur cette question non plus.

On se targuait de la supériorité de notre système, mais on fermait les yeux sur l’autoritarisme, l’exploitation des travailleurs et la dégradation de l’environnement à l’autre bout du monde, et c’était là-dessus que reposait notre prospérité.

Et cette prospérité? Les dirigeants ne se souciaient pas de la partager avec tous les citoyens de leur pays non plus.

On n’a pas su tenir la promesse du progrès.

Quand le mur de Berlin est tombé, tout le monde pensait que c’était la victoire de notre système et la défaite de l’autoritarisme.

Ce n’est pas parce que nos valeurs n’étaient pas les bonnes que cela ne s’est pas fait.

C’est parce qu’on n’a pas été tout à fait à la hauteur de ces valeurs pour tout le monde.

Si on veut que notre système et nos valeurs gagnent, il faut que tout le monde dans notre société et de l’autre côté de la planète en bénéficie.

Particulièrement en ce moment où l’on fait face à une nouvelle génération de défis : la pandémie, l’inflation, les changements climatiques, l’anxiété économique et les régimes autoritaires qui veulent nous ramener à un monde où règne la loi du plus fort.

Si on n’agit pas, d’autres forces vont le faire.

En tant que démocraties qui partagent des vues similaires et en tant que grandes économies, on doit travailler ensemble pour relever les défis de notre époque.

On doit défendre les valeurs en lesquelles on croit et se montrer honnêtes quant à ce qu’on ne fait pas assez.

On doit interagir avec le monde et mettre en place des politiques qui renforcent nos valeurs.

Si on croit aux bienfaits de la liberté, de l’égalité, d’un environnement en santé et de la primauté du droit, alors on doit y croire pour tout le monde.

Dans la foulée de 2008, les gens ont ressenti beaucoup de méfiance et de colère.

Le PIB a augmenté, mais les salaires ont stagné, et la promesse du progrès, selon laquelle chaque génération connaîtrait une vie meilleure grâce au travail acharné de celle qui l’avait précédée ne semblait plus refléter la vérité.

Ainsi, au milieu de l’adolescence, les gens faisaient face à un choix politique.

L’un d’eux était de tout brûler : d’attaquer nos institutions, d’être isolationnistes, protectionnistes, nativistes.

L’autre était de se mettre au travail pour changer la situation.

Au Canada, c’est le chemin qu’on a choisi.

Alors qu’à certains endroits on déchirait des accords commerciaux, on en a signé de nouveaux.

Le Canada est le seul pays du G7 à avoir conclu des accords commerciaux avec le reste du G7.

On a signé l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste.

Le Canada profite d’un accès privilégié à près des deux tiers de l’économie mondiale.

Si on a réussi à le faire, c’est parce qu’on a veillé à ce que ces accords soient équitables.

Le commerce génère la croissance, mais il faut mettre en place des politiques qui garantissent que cette croissance est équitable.

Lorsqu’on a renégocié l’ALENA, on l’a amélioré en y incorporant des normes accrues pour les travailleurs et une meilleure protection de notre environnement.

En agissant ainsi, on a créé l’une des plus vastes zones de libre-échange du monde et, par la même occasion, des millions d’emplois.

Pour réussir à conclure notre accord commercial avec l’Europe, on a incorporé des dispositions sur l’égalité des sexes et la main-d’œuvre, de même que des mesures de protection environnementale.

À l’avenir, on devra penser de manière encore plus stratégique.

La pandémie et la guerre en Ukraine, entre autres, ont révélé nos vulnérabilités stratégiques.

Quand la Russie instrumentalise l’énergie, et quand la Chine restreint l’accès aux marchés, les populations deviennent vulnérables de manière très concrète.

C’est pour ça qu’on doit établir des chaînes d’approvisionnement résilientes, des relations commerciales stables et des valeurs communes.

Comment y arriver?

On ne peut pas se contenter de punir les mauvais acteurs. On ne peut pas simplement dire à nos entreprises, par exemple, qu’on veut qu’elles limitent leurs achats de minéraux critiques auprès de la Chine.

On devrait plutôt s’engager à acheter nos minéraux critiques dans des endroits où le travail forcé est interdit, où des normes de sécurité sont en place, où les travailleurs touchent des salaires suffisants pour vivre, où des normes élevées de protection environnementale sont en vigueur, où tous agissent en partenariat avec les peuples autochtones, et où sont mises en place des mesures d’encouragement grâce auxquelles bien agir devient une option judicieuse.

Le fait de prévoir dans nos accords commerciaux des mesures pour protéger la main-d’œuvre et l’environnement, entre autres, permet non seulement de freiner le nivellement par le bas, mais aussi d’encourager le nivellement par le haut.

Et quand on fait ça, les gens partout dans le monde veulent se joindre à nous.

Voilà vers où s’oriente le marché.

Des pays d’Europe qui dépendaient des combustibles fossiles russes ont accéléré leurs investissements dans l’énergie propre.

Ici, aux États-Unis, la Loi sur la réduction de l’inflation mobilise les capitaux vers une économie propre à une échelle sans précédent.

Le Canada fait ses propres investissements afin de répondre à cette demande et d’être le fournisseur d’énergie propre sur lequel un monde carboneutre pourra compter.

Notre réseau électrique est déjà l’un des plus propres du monde. En effet, environ 83 % de notre électricité est générée à partir de sources non émettrices, et on prévoit atteindre 100 % d’ici 2035.

Cela procure au Canada un avantage concurrentiel énorme.

Ces choix entrent aussi en jeu à d’autres égards.

À l’échelle industrielle, voyez ce qui arrive dans le secteur de l’acier : la demande mondiale est plutôt stable. Mais la demande d’acier vert? Eh bien, elle monte en flèche.

Et savez-vous qui produit l’un des aciers les plus propres au monde? Les travailleurs du Canada.

Et ce n’est pas un hasard.

Pour utiliser une expression canadienne, notre gouvernement a vu où allait la rondelle, et on a commencé à investir dans l’avenir de nos travailleurs.

On a vu ce qui s’en venait en raison des changements climatiques, ainsi que les billions de dollars d’investissements mondiaux qui s’alignaient pour bâtir l’économie propre.

On a investi dans un projet de décarbonisation de l’usine ontarienne d’Arcelor Mittal Dofasco qui va permettre au Canada de fabriquer un acier parmi les plus propres au monde.

Cela veut dire que les travailleurs de l’acier de troisième génération savent que de bons emplois destinés à la classe moyenne attendent leurs enfants et leurs petits-enfants. Et qu’ils attendent aussi les nouveaux Canadiens.

Cela favorise les opportunités, les possibilités et la croissance.

Quand chacun peut voir que des possibilités s’offrent à lui, chacun a intérêt à ce qu’on réussisse.

Ce qui est extrêmement important. Parce que pour que les démocraties comme les nôtres fonctionnent, tout le monde doit avoir intérêt à ce qu’on réussisse.

J’insiste sur l’importance d’inclure tout le monde.

De l’immigrant racisé nouvellement arrivé jusqu’au père ouvrier de cinquième génération qui ne voit plus où est sa place.

Comme dirigeants, on doit mettre en place des conditions qui permettent de créer des opportunités pour tout le monde.

Au Canada, on a investi dans le renforcement de la classe moyenne, dans l’éducation, dans les compétences, dans les soins de santé, les soins dentaires et la garde d’enfants.

Et on en constate déjà les résultats à l’échelle macroéconomique.

Grâce au déploiement d’un programme de services de garde d’enfants à 10 dollars par jour, on a vu la participation des femmes à l’économie atteindre un sommet sans précédent.

Les investisseurs mondiaux cherchent la stabilité, des travailleurs adéquatement soutenus et un environnement politique constructif.

C’est ce qu’ils trouvent au Canada.

J’ai survolé différentes idées ce matin, alors permettez-moi maintenant d’établir le lien entre elles.

Le monde traverse une période difficile. La démocratie est menacée. L’ancienne façon de faire ne fonctionnera plus. Tout évolue rapidement. Les gens sont polarisés.

On est à un point d’inflexion et les gens s’inquiètent face à tous les changements appelés à survenir.

Certains États autoritaires prétendent que si la démocratie ne gagne pas, c’est parce qu’il y a une faille dans la théorie de la démocratie.

On sait que ce n’est pas vrai.

Mais parmi toutes les choses qui érodent la démocratie, la plus pernicieuse est la rupture de la promesse du progrès.

Le fait que les gens ne pensent plus que la prochaine génération connaîtra une meilleure situation que la nôtre.

En tant que démocraties solides, partenaires commerciaux, membres du G7 et alliés de l’OTAN, le Canada et les États-Unis ont un rôle à jouer pour s’assurer qu’on tient cette promesse.

On doit être plus conséquents dans nos prises de décision.

On doit adopter une vision globale du monde et comprendre que les politiques économiques sont aussi des politiques de sécurité, qui sont aussi des politiques climatiques et sociales.

Les États autoritaires dans le monde veulent détruire ce qu’on a mis des décennies à bâtir.

Mais en ayant travaillé pendant plus de sept ans et mis en place des politiques judicieuses et stratégiques comme l’équité du commerce, le prix sur la pollution, la garde d’enfants ou les soins dentaires, on a renforcé nos communautés, nos économies et notre démocratie.

Le Canada a fait le nécessaire pour démontrer qu’en renforçant la classe moyenne, on renforce la cohésion sociale, on renforce les institutions démocratiques de notre pays et on intervient dans le monde de manière conséquente et concrète.

Et les grands investisseurs internationaux viennent au Canada pour profiter de cela.

Le Canada sera toujours un partenaire de confiance.

Le secret est simple : s’occuper d’abord des gens.

Comme le dit votre président : faire croître l’économie à partir de la base et l’élargir à partir de la classe moyenne.

En tant que décideurs politiques, gens d’affaires, commentateurs ou défenseurs de la démocratie et du commerce fondé sur des règles, placez la dignité, les droits, l’environnement et l’avenir des gens au cœur de toutes vos actions.

Voilà comment on peut tenir la promesse de progrès pour tout le monde.

Merci.