Transcription - Le premier ministre prononce une allocution devant l'Assemblée nationale de la République de Corée
Le premier ministre prononce une allocution devant l'Assemblée nationale de la République de Corée
Gamsahabnida.
J’aimerais d’abord remercier le président de l’Assemblée nationale, Kim Jin-pyo, et le secrétaire général de l’Assemblée nationale, Lee Gwang-jae, pour leur accueil chaleureux. Distingués députés, c’est un honneur de prendre la parole devant vous aujourd’hui à l’Assemblée nationale, le siège de la démocratie coréenne. La République de Corée est un fleuron de la démocratie. Votre démocratie est résiliente. Vous l’avez chèrement payée du sang versé et du sacrifice consenti par les Coréens. Et en me tenant ici devant vous aujourd’hui, je reconnais toute l’importance de cette semaine, tout son sens. Demain, nous soulignerons l’anniversaire du soulèvement de Gwangju. Il y a 43 ans, des manifestants, des étudiants, des ouvriers et des citoyens ont exprimé un profond désir de démocratie. Ce fut un combat de longue haleine, mais, à la fin, la liberté l’a emporté. Aujourd’hui, la République de Corée est l’une des démocraties les plus prospères et dynamiques au monde. Et chacun de vous dans cette chambre y joue un rôle fondamental. Merci.
(Applaudissements)
La République de Corée est l’une des démocraties les plus dynamiques au monde. Je suis très heureux d'être ici avec vous aujourd'hui.
Tout au long de leur histoire, la République de Corée et le Canada ont partagé des moments difficiles. De 1950 à 1953, près de 27 000 soldats canadiens ont débarqué dans la péninsule coréenne. Ils ont livré bataille sur les collines surplombant la vallée de Kapyong. Et sur les lignes de front autour de la cote 355. Certains de nos soldats ont été inhumés au Cimetière des Nations Unies à Busan, aux côtés de soldats de la République de Corée et du monde entier.
(Applaudissements)
Et, depuis la guerre, l’amitié entre nos deux pays ne fait que grandir. Forts de huit années de libre-échange entre nos économies à la faveur de l’Accord de libre-échange Canada-Corée, nous entretenons de profonds liens commerciaux. Nos peuples cultivent également des liens dynamiques qui sont pour moi très importants. En effet, quand mon père était premier ministre, il a ouvert la première ambassade canadienne à Séoul. C’était en 1973.
(Applaudissements)
Eh bien, le fils de l’ambassadeur coréen au Canada de l’époque est maintenant mon conseiller politique principal. Et il est des nôtres aujourd’hui – Ben Chin. Et si cette histoire vous surprend, cela ne devrait pas. Ce genre de chose arrive tout le temps au Canada. Chaque jour, des Canadiens d’origine coréenne enrichissent et influencent le Canada. Le Canada accueille la quatrième plus vaste diaspora coréenne au monde. Et des milliers d’étudiants coréens fréquentent nos universités chaque année. Nos scientifiques, nos innovateurs et nos universitaires cherchent ensemble des solutions à des problèmes courants. Nos communautés artistiques s’épanouissent ensemble également. Le Canada a accueilli la vague coréenne et, pour bien des artistes canadiens, la Corée est devenue une destination nécessaire. L’émission Kim’s Convenience – qui raconte l’histoire d’une famille canadienne d’origine coréenne – est l’une des séries télévisées préférées des Canadiens.
(Applaudissements)
L’histoire de nos deux grandes nations est interreliée sur le plan économique, social et culturel, tout comme notre avenir le sera. C’est pourquoi le président Yoon et moi avons convenu de porter notre relation au rang de partenariat stratégique global, qui prévoit des priorités communes reposant sur les mêmes valeurs et intérêts.
(Applaudissements)
Je suis ici, aujourd’hui, pour célébrer le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre nos pays. En vérité, cependant, les Coréens et les Canadiens sont amis depuis bien plus longtemps que cela. J’ai déjà évoqué la guerre, mais nous pourrions également penser à l’histoire du Dr Frank Schofield, qui s’est joint à la résistance coréenne durant la pénible décennie du colonialisme. Ce matin, je me suis recueilli à sa tombe. Je vous suis vraiment reconnaissant de le considérer comme un patriote coréen. L’héritage du Dr Schofield incarne la profondeur et la force de notre amitié.
(Applaudissements)
Je suis fier d’être le tout dernier Canadien à avoir célébré cette amitié, mais je suis aussi ici pour vous dire qu'il ne suffit plus d'être amis. Nous devons être les meilleurs des amis du monde.
(Applaudissements)
Aujourd'hui, je suis ici pour vous dire que ce n'est pas assez de seulement être de bons amis, on doit devenir les meilleurs amis possible.
En ce moment, le monde vit de l’incertitude comme nous n’en avons jamais vu. Nous ressentons encore les effets d’une pandémie mondiale sans précédent. La hausse du coût de la vie amène un véritable stress dans les familles. Malgré la croissance de l’emploi et des salaires, une grande anxiété économique plane. Les changements climatiques ont des conséquences réelles et terrifiantes dans la vie des gens. La guerre a repris en Europe, et elle a des effets sur les chaînes d’approvisionnement mondiales et les marchés de l’énergie. Les pays antagonistes profitent de l'interdépendance économique à leur propre avantage géopolitique. L’autoritarisme gagne du terrain. Vous êtes témoins des provocations militaires constantes de la Corée du Nord, qui causent de l’instabilité dans la péninsule, dans la région du Pacifique Nord et ailleurs. Il n’a jamais été aussi évident que tout est interrelié : les politiques climatiques sont liées aux politiques économiques, sécuritaires et sociales. Pour le bien de nos citoyens, nous devons penser de manière stratégique et agir de manière urgente. Dans ce moment charnière, nous devons trouver des solutions ensemble – comme des meilleurs amis.
(Applaudissements)
Nous devons trouver des solutions pour faire croître nos économies tout en protégeant l’environnement. J’aimerais d’ailleurs souligner le leadership dont vous avez fait preuve au sein de la Coalition de haute ambition pour la nature. Grâce au leadership de la Corée, nous avons pu conclure un accord historique à la COP15, en décembre dernier à Montréal, pour protéger la biodiversité. Récemment, vous avez également lancé une politique nationale ambitieuse visant l’interdiction des articles jetables. Au Canada, nous avons aussi banni les plastiques nocifs. Étant des pays côtiers, nous ne voulons pas que nos berges ou nos cours d’eau soient pollués par des déchets. Le Canada et la Corée sont voisins dans le Pacifique Nord. Notre corridor commercial devrait être vert. Ensemble, nous pouvons verdir nos économies et créer de bons emplois pour nos peuples. Nous l’avons déjà fait par le passé. Le Canada et la Corée coopèrent au chapitre de l’énergie nucléaire depuis que le premier réacteur CANDU est entré en fonction à la centrale nucléaire de Wolsong en 1983. La Corée est un chef de file de l’énergie nucléaire, et nous allons poursuivre notre collaboration à l’égard de cette source d’énergie carboneutre. Et ce faisant, nous pourrons continuer de trouver une diversité de solutions dont le monde carboneutre aura besoin et ce n’est pas qu’une vision de l’avenir. En ce moment même, des Canadiens sont au travail dans toute la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques – dans des mines, des chaînes de montage, des labos de recherche et développement. Au cours de la dernière année, des multinationales ont annoncé des investissements d’une génération au Canada. Certaines mettent à niveau et réoutillent leurs usines de montage pour pouvoir fabriquer des véhicules électriques, et d’autres produiront des batteries. Les batteries représentent de 30 % à 40 % du coût de production des véhicules électriques. Vous le savez déjà très bien, car la Corée est un chef de file de la fabrication de batteries. Vous savez aussi que, comme la demande mondiale en véhicules électriques monte en flèche d’année en année, le marché va suivre.
Au Canada, notre gouvernement a anticipé ce que les changements climatiques allaient amener ainsi que les milliers de milliards de dollars d’investissements potentiels, dans le monde, pour bâtir l’économie propre. Nous avons pris les devants en proposant de mettre un prix sur la pollution, tout en remettant de l’argent aux familles. Nous avons investi de façon massive dans des projets de décarbonation. Par exemple, l’un de ces projets permettra au Canada de produire l’acier parmi les plus verts au monde, et nous continuons d’investir pour garantir de bons emplois aux Canadiens, pendant des générations. En janvier, j’ai visité une usine qui se rééquipe pour pouvoir construire des véhicules électriques et hybrides. J’y ai rencontré un ouvrier – Carl –, l’un des plus jeunes chefs d’équipe là-bas. Il dirige la chaîne de fabrication des portes de voitures hybrides. Comme tant d’autres, Carl s’inquiète de l’avenir. Il se demande s’il aura toujours un emploi et même si l’usine restera en activité dans ce monde qui évolue rapidement. Eh bien, il sait désormais que grâce aux investissements de notre gouvernement, il pourra plus tard continuer de mener une bonne carrière, dans sa communauté. Mais, vous voyez, je parle de Carl parce que je sais qu’il y a des gens comme lui partout dans le monde. Ici, en Corée, des travailleurs comme Carl s’inquiètent des facteurs mondiaux hors de leur contrôle, certains terriblement près de chez eux, d’autres de l’autre côté de la planète, qui pourraient mener à des transformations économiques les privant de ce bon emploi qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille. Partout, l’incertitude et l’anxiété assombrissent l’avenir. Mais si nous renforçons nos chaînes d’approvisionnement, si nous travaillons en partenariat avec des alliés aux vues similaires, si nous investissons de façon stratégique dans l’économie de demain, nos travailleurs, nos citoyens, vont tous en bénéficier.
(Applaudissements)
Dans son combat contre les changements climatiques, le Canada travaille également avec des partenaires pour accélérer la transition mondiale de l’énergie au charbon vers l’énergie propre. Avec le Royaume-Uni, nous avons lancé l’Alliance : Énergiser au-delà du charbon, une coalition de gouvernements, d’entreprises et d’organisations vouée à intensifier la croissance propre et la protection environnementale. Huit de vos administrations provinciales et locales, qui représentent 80 % de la production au charbon du pays, se sont jointes à l’alliance. Non seulement le Canada salue la décision du gouvernement coréen de mettre fin au financement de centrales thermiques au charbon à l’étranger et de vouloir atteindre la carboneutralité d’ici 2050, mais le travail que nous faisons ensemble peut vous aider. Je pense notamment à l’entreprise LNG Canada en Colombie-Britannique – alliée à Kogas en coentreprise – qui aidera à remplacer non seulement le gaz naturel russe, mais aussi le recours au charbon. Ou à l’entreprise canadienne Northland Power, qui met en œuvre des projets éoliens en mer coréenne produisant plus de 3 gigawatts. Voilà une grande quantité d’électricité propre et durable. C’est ainsi que nous pourrons bâtir un avenir durable, ensemble. Le Canada est prêt à renforcer ses partenariats avec des amis comme la Corée pour tout ce qui touche les minéraux critiques, l’innovation de haute technologie ou les solutions d’énergie propre.
(Applaudissements)
C’est ce dont le président Yoon et moi parlerons principalement quand nous passerons quelques heures ensemble tout à l’heure. Mais en bâtissant nos économies propres, nous devons veiller à ce que tout le monde en bénéficie. Au Canada, nous avons beaucoup de ressources. Nous avons des travailleurs ambitieux, instruits, et nos politiques d’immigration attirent des gens hautement qualifiés. Nos valeurs démocratiques font de nous un allié fiable, en particulier pour nos partenaires comme la Corée qui ont les mêmes valeurs et principes que nous, et, surtout, nous traitons les gens avec le respect et la dignité qu’ils méritent. Par exemple, nous développons l’économie propre dont je viens de parler, mais nous le faisons avec les peuples autochtones. Nous veillons à ce que notre classe moyenne puisse obtenir de bons emplois, des emplois fiables, partout au pays. Nous appuyons les petites entreprises. Les Coréens savent que les petites entreprises sont au cœur de nos communautés. C’est pourquoi, l’an passé, vous avez fait adopter deux budgets supplémentaires pour aider les petites entreprises touchées par la pandémie. Je pense notamment au plus grand budget d’appoint jamais adopté. Vous savez à quel point les petites entreprises sont importantes, et c’est pour cette raison que nous agissons ensemble.
Nous investissons dans l’éducation et les compétences. Le modèle coréen nous a appris que toute réussite durable doit être ancrée dans l’éducation. Grâce à des programmes de formation visionnaires, vous cultivez les compétences numériques des gens pour répondre aux besoins du marché de l’emploi de demain, par exemple dans des secteurs essentiels comme l’intelligence artificielle, les mégadonnées et la cybersécurité. Au Canada, nous investissons aussi dans ces secteurs. Quand le président Yoon a visité l’Université de Toronto, en septembre dernier, il a dit du Canada qu’il était un épicentre de la chaîne d’approvisionnement mondiale de l’intelligence artificielle.
Le Canada et la Corée ont maintenant l'occasion de réaliser ensemble des avancées considérables dans le domaine du numérique.
Notre prospérité à long terme doit reposer sur des politiques publiques inclusives, qui permettent à tous de jouer un rôle actif et concret dans la société. C’est pourquoi notre gouvernement investit dans les soins de santé, les soins dentaires et les garderies, et nous en voyons déjà les résultats. Grâce à notre programme de garderies à 10 $ par jour, la participation des femmes à l’économie a atteint un sommet jamais vu. Je sais que la Corée planche aussi sur un plan pour élargir les possibilités au chapitre de la garde d’enfants parce qu’il est vraiment important d’aider les parents à atteindre un équilibre entre leurs obligations professionnelles et familiales. Parce que l’inclusion, l’égalité des sexes et le soutien aux familles font la force de nos sociétés et la vigueur de nos démocraties.
(Applaudissements)
Il va sans dire que si nous voulons offrir un avenir plus prospère à nos populations, nous devrons continuer de défendre la paix, les droits de la personne et l’ordre international fondé sur des règles. La stabilité de l’Indo-Pacifique et du Pacifique Nord est essentielle à la stabilité mondiale. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait paraître notre Stratégie pour l’Indo-Pacifique, à l’automne dernier. Dans cette stratégie, le Canada promet non seulement d’accroître les échanges commerciaux dans cette région, mais aussi d’assurer une plus grande présence militaire afin d’atténuer les menaces qui planent sur la sécurité régionale. Au mois de mars, nous avons annoncé que nous prolongerions l’opération NEON jusqu’en 2026. Comme certains d'entre vous le savent, l’opération NEON est la contribution du Canada à l’application des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies imposées contre la Corée du Nord. Le Canada est déterminé à soutenir les efforts déployés par la République de Corée pour arriver à une péninsule coréenne dénucléarisée, pacifique et prospère. Nous continuerons d’exhorter la Corée du Nord à renouer le dialogue et la diplomatie.
Nous appuyons également les travaux du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, et nous allons accroître la coopération avec la République de Corée pour contribuer à l’avancement des droits de la personne en Corée du Nord. Le Canada et la Corée doivent rester des chefs de file à l’échelle nationale et internationale, car diriger, c’est choisir. Tout comme les Coréens ont choisi de se battre pour la démocratie durant le soulèvement de Gwangju, il y a 43 ans. Gwangju nous rappelle que la démocratie n’est pas arrivée en Corée par hasard. La démocratie n’est jamais le fruit du hasard, et elle ne peut certainement pas être maintenue sans effort. À son meilleur, la démocratie est toujours plus forte que l'autoritarisme, mais pour qu’elle triomphe, il faut déployer des efforts constants. Le nativisme, le cynisme, la polarisation, la mésinformation, la désinformation, le déclin de la participation électorale : ce sont des défis auxquels tous nos pays se butent d’une façon ou d’une autre. Nous, dirigeants, devons choisir de rebâtir la confiance. Quand une population ne croit plus au progrès, ne croit plus que la prochaine génération fera mieux que la présente, c’est là qu’elle perd foi en ses institutions. La meilleure façon de regagner cette confiance, c’est de toujours accorder la priorité aux gens, de mettre la dignité des gens, leurs droits, l’environnement et leur avenir au centre de nos actions, nous qui sommes les décideurs et les défenseurs de la démocratie. Ainsi, nous pourrons réaliser les progrès que nous avons promis, pour le bien de tous. Et ainsi, en agissant ensemble, nous pourrons être à la hauteur de ce moment charnière.
(Applaudissements)
Tout à l’heure, j’ai mentionné que nous soulignons le 60e anniversaire des liens diplomatiques entre nos pays. Dans la culture coréenne, une personne qui atteint 60 ans achève un cycle et en commence un autre.
Alors qu'on célèbre le chemin que le Canada et la Corée ont parcouru ensemble, on célèbre aussi le nouveau départ que représente l'anniversaire de nos 60 ans de relations diplomatiques.
Dans l’esprit du Hwanga, renouvelons notre engagement commun et entamons un nouveau cycle de paix, de prospérité et de pérennité – comme des meilleurs amis.
Gamsahabnida.
Merci beaucoup.