Transcription - Le PM Trudeau fait une déclaration d’exonération pour six chefs de la Nation des Tsilhqot’in
Le PM Trudeau fait une déclaration d’exonération pour six chefs de la Nation des Tsilhqot’in
Aujourd'hui, nous sommes ici ensemble, en présence des chefs tsilhqot'in, pour reconnaître les actions perpétrées par les gouvernements passés contre les Tsilhqot'in et pour exprimer les profonds regrets du gouvernement du Canada pour ces gestes.
Nous agissons aussi ensemble en signe de reconnaissance et de respect pour la Nation des Tsilhqot’in — qui est essentielle pour nous comme partenaire des efforts que fait le Canada, de nation à nation, en vue d’une réconciliation.
Aujourd’hui, nous rendons hommage à six chefs des Tsilhqot’in. Ce sont des hommes qui ont été traités et jugés comme des criminels à une époque où le gouvernement colonial et le processus judiciaire ne respectaient pas les droits inhérents des Tsilhqot’in, ni de leur nation.
Maintenant que le gouvernement et la population du Canada ont à faire face à un passé colonial, il est essentiel que nous reconnaissions et que nous soutenions la mise en œuvre des droits des Tsilhqot’in — et de tous les Autochtones — qui font partie de notre Constitution. La reconnaissance et la mise en œuvre des droits des Autochtones ne peuvent plus attendre. Il ne faut pas non plus que les Tsilhqot’in continuent à attendre des excuses qui ont trop tardé.
Longtemps avant l'arrivée des Européens, les Tsilhqot'in prenaient soin de leur territoire et le protégeait. Au printemps 1864, les chefs des Tsilhquot'in ont mené une expédition de guerre pour défendre ce territoire.
Les chefs tentaient de repousser une équipe coloniale qui voulait construire une route à travers le territoire des Tsilhqot'in sans aucun accord juridique avec eux. Les droits du peuple Tsilhqot'in sur le territoire et son droit de maintenir et de poursuivre ses traditions culturelles et juridiques n'ont pas du tout été pris en compte par le gouvernement colonial de l'époque.
Quand les colons sont venus chercher de l'or, aucune considération n'a été donnée aux besoins des Tsilhqot'in, qui était les premiers sur place. Aucun accord n'a été conclu pour accéder à leur territoire. On ne leur a pas demandé leur consentement.
En même temps que la colonisation, la petite vérole est arrivée, qui a ravagé les communautés autochtones de tout le continent, y compris les Tsilhqot'in. D'après certaines données historiques fiables, l'un des ouvriers travaillant à la route avait même menacé les Tsilhqot'in de les contaminer. Et donc, face à ces menaces, les Tsilhqot'in ont agi pour défendre leur territoire.
Après une déclaration de guerre en conseil, ils ont attaqué une équipe travaillant à la route près du bras de mer Bute et éliminé tous les colons de leurs terres, avant de se réfugier dans leur territoire, hors de la portée de la milice coloniale.
Peu de temps après, l'un des dirigeants de la milice coloniale, William Cox , commissaire de l'or, a envoyé au chef tsilhqot'in une offrande sacrée de tabac, accompagnée d'une invitation en vue de discuter des conditions de paix. Le chef de guerre Lhats'as?in et ses hommes ont accepté cette trêve.
Au lieu d'être accueillis comme des leaders et des guerriers respectés, ils ont été arrêtés, emprisonnés, condamnés et tués. Le 26 octobre 1864, cinq chefs Tsilhqot'in ont été pendus pour meurtre: le grand chef de guerre Lhats'as?in, le chef Biyil, le chef Tilaghed, le chef Taqed et le chef Chayses. Ils sont enterrés à Quesnel, en Colombie-Britannique. Par la suite, le chef Ahan a lui aussi été pendu. Il est enterré à New Westminster, en Colombie-Britannique.
Aujourd'hui, notre gouvernement reconnaît ce que le gouvernement colonial de l'époque refusait d'accepter: que ces six chefs étaient des leaders et des guerriers de la nation des Tsilhqot'in et que le peuple tsilhqot'in qu'ils dirigeaient, conservait ses droits sur un territoire qui n'avait jamais été cédé.
Même si le gouvernement colonial n’avait pas reconnu ces droits, les chefs avaient agi suivant leurs propres lois pour défendre leur territoire, leur nation, leur mode de vie. Ils avaient agi en leaders d’une nation fière et indépendante menacée par une autre nation. Quand ils sont allés rencontrer les autorités coloniales, ils l’ont fait dans le cadre d’une mission diplomatique, en s’attendant à être traités avec dignité et honneur. Leur capture et leur arrestation par le gouvernement colonial manquaient profondément de respect pour les Tsilhqot’in, de même que le refus de reconnaître les Tsilhqot’in comme étant une nation. Ce sont des erreurs que notre gouvernement est déterminé à corriger.
Nous comprenons maintenant que la manière dont ont été traités les chefs des Tsilhqot’in était une trahison — une injustice que portent les Tsilhqot’in depuis plus de 150 ans. Pendant toutes ces années, ils ont continué à lutter pour faire reconnaître qu’ils sont les propriétaires de leur territoire et qu’ils en ont la garde — ce qu’ils ont fini par obtenir.
Aujourd’hui, les Tsilhqot’in — y compris les descendants de ces six chefs — continuent à vivre et à prendre soin du territoire tsilhqot’in. Ils n’ont jamais cessé de lutter pour préserver leur territoire et leur culture. Et finalement, la décision historique de la Cour suprême du Canada du 26 juin 2014 a reconnu le titre de propriété autochtone à la nation des Tsilhqot’in.
Les Tsilhqot’in et leurs dirigeants montrent aujourd’hui le même engagement à l’égard de leur territoire et de leur nation que leurs chefs en 1864, en poursuivant des discussions de gouvernement à gouvernement avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et avec le gouvernement du Canada, en vue d’une réconciliation et de leur reconnaissance comme Première Nation autonome.
En février 2016, la nation des Tsilhqot’in et la Colombie-Britannique ont signé l’Accord Nenqay Deni, qui a permis de franchir un pas important vers cet objectif. Moins d’un an après, au mois de janvier 2017, nous avons signé une lettre d’entente entre le gouvernement du Canada et la nation des Tsilhqot’in, faisant ainsi un autre pas vers la réconciliation et la reconnaissance de notre relation de nation à nation.
Nous savons que la justification et les excuses que nous présentons aujourd'hui ne peuvent réparer le mal qui a été fait, mais j'espère sincèrement que ces paroles seront porteuses de guérison et qu'elles aideront le Canada et la nation des Tsilhqot'in à poursuivre le cheminement ensemble vers la réconciliation.
En même temps, nous ferions bien de reconnaître que pour les Tsilhqot'in, les événements de 1864 et de 1865 ne sont pas limités à l'histoire. Ils ont, en particulier les mères qui ont transmis le récit de ces événements d'une génération à la suivante, porté en eux ces souvenirs depuis plus d'un siècle et demi.
Les actions du gouvernement de l'époque ont eu un impact profond et durable sur la relation entre la nation des Tsilhoqot'in et le Canada. Pensez à tout ce que nous aurions pu mieux vivre, monsieur le Président, si les relations entre nos nations avaient été nouées et entretenues correctement. Pensez à tout ce qu'aurait voulu dire pour les Tsilhqot'in le droit à l'autodétermination de leur avenir. Pensez à toutes les opportunités économiques qui auraient pu être saisies. Pensez à tout ce que le Canada aurait eu à gagner de son ouverture, il y a tant d'années, à la richesse culturelle et aux traditions des Tsilhqot'in, en leur taillant une place durable au sein du Canada. Nous regrettons sincèrement ce temps perdu et ces opportunités perdues.
Dans la mesure où nous en avons le pouvoir, nous devons rectifier les erreurs du passé. Alors, pour signifier de manière décisive notre engagement envers la réconciliation, nous confirmons sans équivoque que le chef Lhats’as?in, le chef Biyil, le chef Tilaghed, le chef Taqed, le chef Chayses et le chef Ahan sont entièrement exonérés de tout crime et de tout méfait.
Pour reprendre les mots du chef Lhats’as?in, ils faisaient la guerre, pas des meurtres. Nous reconnaissons que ces six chefs étaient les leaders d’une nation, qu’ils ont agi suivant leurs lois et traditions et qu’ils sont considérés comme de grands héros par leur nation.
Je suis impatient de visiter le territoire visé par le titre de propriété autochtone de la nation des Tsilhqot'in cet été, à l'invitation des dirigeants des Tsilhqot'in, pour remettre en main propre la déclaration d'exonération pour laquelle les Tsilhqot'in se sont battus depuis si longtemps et avec tant d'énergie en vue de reconnaître le dévouement et les sacrifices de leurs chefs de guerre.
La reconnaissance des erreurs du passé et la présentation d’excuses sont un élément important du renouvellement de la relation entre le Canada et la nation des Tsilhqot’in, mais beaucoup de travail nous attend encore. Il faut continuer à bien travailler ensemble pour bien montrer que le gouvernement respecte et reconnaît les droits des Tsilhqot’in, pour bâtir un partenariat qui soutiendra les Tsilhqot’in sur le plan de la préservation et du renforcement de leur culture et de leurs traditions, sur le plan du gouvernement et de la garde de leur territoire, où leur nation s’épanouira, pour accueillir la nation des Tsilhqot’in et sa riche contribution au pays où nous disons être tous chez nous, pour faire honneur à l’esprit de coopération entre nos nations, qui a toujours été pour le Canada une force et une promesse caractéristiques, dès le début.
En honorant le courage et le sacrifice dont ont fait preuve les chefs Tsilhqot’in, il y a 154 ans, c’est cette force et cette promesse que nous manifestons, et nous le faisons comme nous aurions toujours dû le faire: en partenariat, avec respect. Merci.
Sechanalyagh.