Nous, chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Alliance atlantique, nous sommes réunis à Madrid alors que la guerre a fait son retour sur le continent européen. Nous nous trouvons à un moment crucial pour notre sécurité ainsi que pour la paix et la stabilité à l’échelle internationale. Dans l’unité et la solidarité, nous réaffirmons d’une même voix le lien transatlantique qui unit durablement nos pays. L’OTAN est une alliance défensive et ne représente une menace pour aucun pays. Elle reste le fondement de notre défense collective et le forum privilégié pour les consultations et la prise de décision en matière de sécurité entre Alliés. Notre attachement au traité de Washington, y compris à son article 5, est sans faille. Dans un environnement de sécurité radicalement bouleversé, ce sommet représente un jalon important dans le renforcement de notre Alliance et l’accélération de son adaptation.
Nous sommes unis dans notre attachement à la démocratie, à la liberté individuelle, aux droits de la personne et à l’état de droit. Nous adhérons au droit international ainsi qu’aux buts et principes de la Charte des Nations Unies. Nous sommes déterminés à préserver l’ordre international fondé sur des règles.
Nous condamnons avec la plus grande fermeté la guerre d’agression que la Russie mène contre l’Ukraine. Cette guerre porte gravement atteinte à la sécurité et à la stabilité internationales. Il s’agit d’une violation flagrante du droit international. L’effroyable cruauté de la Russie a causé d’immenses souffrances et des déplacements massifs de population, touchant de manière disproportionnée les femmes et les enfants. La Russie porte l’entière responsabilité de cette catastrophe humanitaire. Elle doit permettre un acheminement sûr, durable et sans entraves de l’aide humanitaire. Les Alliés collaborent avec les acteurs compétents de la communauté internationale pour faire en sorte que tous les responsables de crimes de guerre, y compris de violences sexuelles liées au conflit, répondent de leurs actes. Par ailleurs, la Russie a intentionnellement exacerbé, notamment par ses actions militaires, une crise alimentaire et énergétique qui affecte des milliards de personnes dans le monde. Les Alliés coopèrent étroitement aux efforts internationaux visant à permettre l’exportation des céréales ukrainiennes et à atténuer cette crise alimentaire mondiale. Nous continuerons de réfuter les mensonges de la Russie et de dénoncer son discours irresponsable. La Russie doit immédiatement mettre fin à cette guerre et se retirer d’Ukraine. Le Bélarus doit cesser de se rendre complice de cette guerre.
Nous nous réjouissons vivement de la participation du président Zelensky à ce sommet. Nous sommes pleinement solidaires du gouvernement et du peuple ukrainiens, qui défendent héroïquement leur pays. Nous réaffirmons notre soutien indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, s’étendant à ses eaux territoriales. Nous soutenons pleinement l’Ukraine dans le droit naturel qui est le sien de se défendre et de choisir ses propres arrangements de sécurité. Nous saluons les efforts de tous les pays de l’Alliance qui apportent un soutien à l’Ukraine. Nous les aiderons de manière adéquate, en tenant compte de leur situation spécifique.
Nous restons confrontés à des menaces patentes provenant de toutes les directions stratégiques. La Fédération de Russie constitue la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique. Le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, continue de représenter une menace directe pour la sécurité de nos populations ainsi que pour la stabilité et la prospérité à l’échelle internationale. Nous rejetons catégoriquement le terrorisme et le condamnons avec la plus grande fermeté. Avec détermination et résolution, et de manière solidaire, les Alliés continueront de contrer les menaces de la Russie, de répondre à ses actes d’hostilité et de lutter contre le terrorisme, dans le respect du droit international.
Nous sommes confrontés à des menaces cyber, spatiales et hybrides, et à d’autres menaces asymétriques, ainsi qu’à l’utilisation malveillante de technologies émergentes et de rupture. Nous nous trouvons face à une compétition systémique de la part d’acteurs, parmi lesquels la République populaire de Chine, qui portent atteinte à nos intérêts, à notre sécurité et à nos valeurs, et qui cherchent à fragiliser l’ordre international fondé sur des règles. L’instabilité observée au-delà de nos frontières favorise aussi la migration irrégulière et la traite des êtres humains.
Dans ce contexte, nous avons pris une série de décisions.
Nous avons entériné un nouveau concept stratégique, qui décrit l’environnement de sécurité auquel l’Alliance fait face, réaffirme nos valeurs et énonce la raison d’être et la principale responsabilité de l’OTAN, qui est d’assurer notre défense collective suivant une approche à 360 degrés. Ce texte définit en outre les trois tâches fondamentales de l’OTAN : la dissuasion et la défense, la prévention et la gestion des crises, et la sécurité coopérative. Il orientera notre action pour les années à venir, dans l’esprit de solidarité transatlantique qui nous anime.
Nous maintiendrons, en l’intensifiant, notre soutien politique et pratique à notre proche partenaire qu’est l’Ukraine, qui continue de défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale contre l’agression russe. En concertation avec l’Ukraine, nous avons adopté un ensemble renforcé de mesures de soutien. Cela va accélérer la livraison d’équipements de défense non létaux, améliorer la résilience et les défenses cyber de l’Ukraine et l’aider à moderniser son secteur de la défense dans le cadre de sa transition vers une interopérabilité accrue et s’inscrivant dans la durée. À plus long terme, nous porterons assistance à l’Ukraine et la soutiendrons sur la voie de la reconstruction et des réformes après la guerre.
Nous avons redéfini les fondements de notre posture de dissuasion et de défense. L’OTAN continuera de protéger les populations de ses pays membres et de défendre chaque centimètre carré du territoire de l’Alliance, et ce en permanence. Forts de cette posture récemment améliorée, nous allons renforcer de manière significative notre dispositif de dissuasion et de défense sur le long terme pour assurer la sécurité et la défense de tous les Alliés. Nous le ferons suivant notre approche à 360 degrés, sur terre, dans les airs, en mer, dans le cyber et dans l’espace, afin de pouvoir contrer toutes les menaces et relever tous les défis. Le rôle de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme fait aussi partie intégrante de cette approche. Les Alliés se sont engagés à déployer sur le flanc oriental davantage de forces en place et prêtes au combat, dont la taille passera, là où et lorsque cela sera nécessaire, des actuels groupements tactiques à des brigades, appuyées par des renforcements crédibles et disponibles rapidement, par des équipements prépositionnés et par des moyens de commandement et de contrôle améliorés. Nous nous félicitons de la coopération qui s’exerce entre pays-cadres et pays hôtes concernant le renforcement des forces et des dispositifs de commandement et de contrôle, et notamment la mise en place de structures de niveau division. Nous nous réjouissons des contributions initiales proposées par des Alliés pour le nouveau modèle de forces de l’OTAN, qui permettront de renforcer et de moderniser sa structure de forces et de faire en sorte que nos plans militaires de nouvelle génération soient pourvus de ressources. Nous allons améliorer nos exercices de défense collective pour nous préparer à des opérations multidomaines de haute intensité et garantir à tous les Alliés un renforcement sur court préavis. Toutes ces mesures renforceront considérablement le dispositif de dissuasion et les défenses avancées de l’OTAN. Elles aideront à éviter toute agression contre le territoire de l’OTAN en empêchant tout adversaire potentiel d’atteindre ses objectifs.
La résilience est une responsabilité nationale et un engagement collectif. Nous améliorons notre résilience, notamment au travers de buts et de plans de mise en œuvre définis au niveau national sur la base des objectifs que les Alliés ont fixés ensemble. Nous renforçons par ailleurs notre sécurité énergétique. Nous garantirons la fiabilité des approvisionnements énergétiques destinés à nos forces armées. Nous allons accélérer notre adaptation dans tous les milieux, accroître notre résilience aux menaces cyber et hybrides et renforcer notre interopérabilité. Nous utiliserons nos instruments politiques et militaires de manière intégrée. Nous avons entériné une nouvelle politique en matière de défense contre les agents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. Nous allons renforcer considérablement nos défenses cyber en améliorant la coopération civilo-militaire. Nous allons également développer les partenariats avec l’industrie. Les Alliés ont décidé d’établir et de mettre en pratique, à titre volontaire et sur la base de moyens nationaux, un dispositif de réaction rapide dans le virtuel afin de répondre aux actes de cybermalveillance majeurs.
Nous créons en ce moment un accélérateur d’innovation de défense et un fonds multinational pour l’innovation, qui nous aideront à renforcer notre avance technologique en réunissant pouvoirs publics, secteur privé et monde universitaire. Nous avons entériné une stratégie visant à assurer une continuité dans la livraison des appareils AWACS (systèmes aéroportés de détection et de contrôle) de nouvelle génération et des capacités connexes.
Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre temps. Il a de lourdes conséquences pour la sécurité des Alliés. Il agit comme un multiplicateur de menaces. Nous nous sommes fixé comme objectif de réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre provenant des structures et des installations politiques et militaires de l’OTAN tout en maintenant notre efficacité opérationnelle et militaire et sans augmenter les coûts. Nous allons prendre le changement climatique en considération dans toutes les tâches fondamentales de l’OTAN.
Nous considérons la sécurité humaine comme primordiale et veillons à prendre ses principes en compte dans nos trois tâches fondamentales. Nous mettons en œuvre un ambitieux programme « femmes, paix et sécurité » et nous intégrons la dimension de genre dans l’ensemble de l’OTAN.
Nous sommes réunis à Madrid avec de nombreux partenaires de l’OTAN. Nous avons eu des échanges fructueux avec les chefs d’État et de gouvernement de l’Australie, de la Finlande, de la Géorgie, du Japon, de la République de Corée, de la Nouvelle-Zélande, de la Suède et de l’Ukraine, ainsi qu’avec le président du Conseil européen et la présidente de la Commission européenne. Nous nous félicitons d’avoir rencontré les ministres des Affaires étrangères de la Jordanie et de la Mauritanie ainsi que le ministre de la Défense de la Bosnie-Herzégovine.
Compte tenu de la coopération, d’un niveau sans précédent, que nous entretenons avec l’Union européenne, nous allons continuer de renforcer notre partenariat stratégique dans un esprit d’ouverture, de transparence et de complémentarité mutuelles totales, de même que dans le respect des différents mandats, de l’autonomie décisionnelle et de l’intégrité institutionnelle de l’OTAN et de l’UE, et comme l’ont décidé les deux organisations. Notre détermination commune dans notre réponse à la guerre de la Russie contre l’Ukraine met en évidence la force de ce partenariat, essentiel et sans équivalent. La participation de nos partenaires de la région Asie-Pacifique, aux côtés d’autres partenaires, montre tout l’intérêt de notre coopération s’agissant de faire face aux défis de sécurité communs.
Nous renforcerons plus avant nos partenariats de sorte qu’ils continuent de répondre aux intérêts tant des Alliés que des partenaires. Nous réfléchirons à des approches communes des défis de sécurité mondiaux lorsque les intérêts de l’OTAN sont en jeu, échangerons nos points de vue au travers de contacts politiques plus approfondis et rechercherons des domaines de coopération concrets pour répondre aux préoccupations de sécurité communes. Nous allons maintenant avancer dans le développement de nos interactions avec les interlocuteurs actuels et avec de nouveaux interlocuteurs potentiels au-delà de la zone euro-atlantique.
Au vu de l’évolution de l’environnement de sécurité en Europe, nous avons adopté de nouvelles mesures pour intensifier le soutien politique et pratique individualisé que nous apportons à nos partenaires, y compris à la Bosnie-Herzégovine, à la Géorgie et à la République de Moldova. Nous travaillerons avec eux pour renforcer leur intégrité et leur résilience, développer leurs capacités et préserver leur indépendance politique. Nous allons aussi aider davantage nos partenaires du sud à renforcer leurs capacités.
Nous réaffirmons notre attachement à la politique de la porte ouverte de l’OTAN. Aujourd’hui, nous avons décidé d’inviter la Finlande et la Suède à devenir membres de l’OTAN et sommes convenus de signer leurs protocoles d’accession. Lors de toute adhésion à l’Alliance, il est d’une importance cruciale que les préoccupations de sécurité légitimes de tous les Alliés soient dûment prises en compte. Nous nous félicitons dès lors que la Türkiye, la Finlande et la Suède aient conclu à cet effet un mémorandum trilatéral. L’adhésion de la Finlande et de la Suède sera bénéfique pour leur sécurité, renforcera l’OTAN et rendra la zone euro-atlantique plus sûre. La sécurité de la Finlande et de la Suède est un sujet de première importance pour l’Alliance, y compris pendant la durée du processus d’adhésion.
Nous saluons les progrès considérables accomplis depuis 2014 s’agissant des dépenses de défense des Alliés. Conformément à l’engagement que nous avons pris au titre de l’article 3 du traité de Washington, nous continuerons de renforcer notre capacité individuelle et collective de résistance à toute forme d’attaque. Nous réaffirmons notre attachement à l’engagement en matière d’investissements de défense, dans son intégralité. Nous nous appuierons sur celui-ci et, l’année prochaine, nous adopterons de nouveaux engagements pour l’après‑2024. Nous ferons en sorte que nos décisions politiques s’accompagnent des ressources adéquates. Nous ferons fond sur les progrès accomplis pour que l’augmentation des dépenses de défense de nos pays et de l’enveloppe du financement commun soit à la mesure des défis qui se présentent à l’heure où l’ordre de sécurité est davantage contesté. Il est essentiel que nous investissions dans la défense et dans les capacités clés.
Nous rendons hommage à toutes les femmes et tous les hommes qui continuent de servir chaque jour pour notre sécurité collective et nous honorons la mémoire de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour nous protéger.
Nous exprimons notre gratitude au Royaume d’Espagne pour l’accueil généreux que celui-ci nous a réservé à l’occasion du 40e anniversaire de son adhésion à l’OTAN. Nous nous réjouissons à la perspective de nous réunir de nouveau, à Vilnius, en 2023.
Par les décisions que nous avons prises aujourd’hui, nous avons fixé clairement le cap à suivre pour la poursuite de l’adaptation de l’Alliance. L’OTAN reste l’alliance la plus solide de l’histoire. Grâce au lien et à l’engagement qui nous unissent, nous continuerons de sauvegarder la liberté et la sécurité de tous les pays de l’Alliance ainsi que nos valeurs démocratiques communes, maintenant et pour les générations futures.