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Le premier ministre Justin Trudeau présente des excuses au nom du gouvernement du Canada aux anciens élèves des pensionnats indiens de Terre-Neuve-et-Labrador

LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Kuei,

Ilitunamek.                                                  

Bonjour à tous.

Merci à vous tous d’être ici.

Avant que nous commencions, j’aimerais dire que nous nous trouvons sur le territoire des Inuits et des Innus.

Nous sommes ici aujourd’hui pour reconnaître une faute historique.

À l’aube du 20e siècle, la Moravian Mission et l’International Grenfell Association, avec l’appui du gouvernement provincial, ont mis sur pied des écoles avec des résidences pour les enfants autochtones à Terre-Neuve-et-Labrador.

Cinq pensionnats ont été construits et utilisés dans l’objectif déclaré de servir à l’éducation.

Aux enfants innus, inuits et du NunatuKavut, les dirigeants de ces établissements avaient promis de meilleurs emplois, un meilleur avenir, et une vie meilleure.

Et à leurs parents, ils avaient promis de s’occuper de leurs enfants et de subvenir à leurs besoins.

Ils avaient promis que leurs enfants seraient en sécurité à la Lockwood School de Cartwright, à la Makkovik Boarding School, à la Nain Boarding School, à la St. Anthony Orphanage and Boarding School et à la Yale School.

Mais nous savons aujourd’hui que cette façon de penser colonialiste a donné lieu à des pratiques qui ont causé des dommages profonds.

Les enfants qui venaient des communautés de Black Tickle, Cartwright, Goose Bay, Hopedale, Makkovik, Nain, Natuashish, Northwest River, Postville, Rigolet et d’autres endroits de Terre-Neuve-et-Labrador ont été enlevés à leur foyer.

Dès leur arrivée, frères et sœurs ont été séparés, leurs cheveux coupés et leurs effets personnels retirés. Les pensionnaires étaient forcés de se soumettre à des règles sévères, dictées par de parfaits étrangers.  

C’était pour eux le début d’une nouvelle vie — une vie qu’ils n’avaient pas choisie, qui leur était imposée par des visages inconnus.

Ces enfants, qu’on punissait lorsqu’ils parlaient leur langue, à qui on interdisait de pratiquer leur culture, étaient isolés de leur famille, déracinés de leur communauté et privés de leur identité.

On leur a donné l’impression d’être inutiles et inférieurs. 

On leur a appris à avoir honte de qui ils étaient et d’où ils venaient.

Nous le savons grâce au courage et à la force exceptionnels des survivants et d’autres anciens pensionnaires qui ont raconté ce qu’ils avaient vécu.

Grâce à eux, nous connaissons maintenant la vérité sur les abus dont les pensionnaires ont souffert et la réalité des traumatismes qu’ils ont endurés.

Beaucoup ont été cruellement négligés, mal nourris, mal habillés et mal logés.

D’autres ont subi des abus physiques, psychologiques ou sexuels.

Ils ont tous été privés de l’amour et des soins de leurs parents, de leur famille et de leur communauté.

Voilà des douloureuses vérités qui font partie de l’histoire du Canada.

Voilà la dure réalité à laquelle notre société doit faire face.

Aujourd’hui, je me présente humblement devant vous pour offrir des excuses attendues depuis longtemps aux anciens élèves de la Lockwood School de Cartwright, de la Makkovik School, de la Nain School, de la St. Anthony Orphanage and Boarding School et de la Yale School à Terre-Neuve-et-Labrador, au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens.

Pijâgingilagut – apu ushtutatat.

À vous tous — nous sommes désolés.  

Aux pensionnaires humiliés par ces abus, cette négligence, ces épreuves, par la discrimination des gens, des institutions et du système à qui ils avaient été confiés, nous vous demandons pardon pour le mal qui vous a été fait.

Malheureusement, ce ne sont pas tous les anciens élèves qui sont ici avec nous aujourd’hui, puisque certains sont décédés sans pouvoir entendre ces excuses.

Nous sommes désolés de ne pas les avoir présentées plus tôt. De ne pas avoir admis cette faute auparavant.

Nous rendons hommage à leur esprit – et nous honorons leur mémoire.

Aux familles, aux proches et aux communautés touchées par les conséquences tragiques des pensionnats :

Pijâgingilagut – apu ushtutatat.

À vous tous – nous sommes désolés.

Après avoir subi le traumatisme de ces écoles, plusieurs enfants se sont tournés vers leur famille et leur communauté en quête de soutien. Et ils ont alors pu constater que leurs pratiques, leur culture et leurs traditions avaient été érodées par le colonialisme durant leur absence.

Ils ont retrouvé des parents qui avaient eux aussi été traités avec un profond manque de respect, des voisins qui avaient dû endurer eux aussi la discrimination et le racisme.

C’est dans cette atmosphère que les pensionnaires sont revenus dans leur communauté.

C’est cette atmosphère qui s’est perpétuée pendant trop de temps.

Les conséquences du colonialisme se sont propagées bien au-delà des murs de ces écoles — des conséquences qui persistent de génération en génération et qui se font ressentir encore aujourd’hui.  

Pour beaucoup trop d’élèves, la perte culturelle profonde a mené à la pauvreté, la violence familiale, la toxicomanie et l’effondrement des communautés. Ils ont connu des problèmes de santé mentale et physique qui les ont empêchés d’être heureux, eux et leur famille.

Ils sont encore très nombreux à vivre dans l’adversité aujourd’hui à cause de leur expérience dans les pensionnats, et nous en sommes désolés.

Nous regrettons qu’on ait pu croire que la seule manière de subvenir aux besoins des enfants autochtones, d’en prendre soin et de les instruire, consistait à les couper de l’influence de leur famille, de leurs traditions et de leur culture.

Nous sommes désolés qu’il y ait eu une époque où les cultures autochtones étaient dévalorisées – où les langues, les croyances spirituelles et le mode de vie des peuples autochtones étaient à tort jugées comme étant inférieurs.

Cette façon de penser – la façon de penser qui a mené à l’établissement du système des pensionnats et qui a laissé de profondes cicatrices à tant de gens – n’a pas sa place dans notre société.

Elle était inacceptable à l’époque et elle est inacceptable maintenant.

Pendant trop longtemps, le Canada vous a laissés seuls avec ce fardeau.

En 2008, le gouvernement du Canada a présenté des excuses officielles aux anciens pensionnaires, mais il a failli à raconter votre histoire.

Nous savons que cette attente vous a causé encore plus de douleur et de souffrance. L’absence d’excuses qui donnent voix à ce que vous avez vécu a empêché la guérison et la réconciliation.

Après avoir ressenti la douleur de l’exclusion pendant des années dans les pensionnats, après vous être sentis abandonnés pendant des années, je peux à peine imaginer ce que vous avez dû ressentir ce jour-là.

Nous comprenons le mal et la douleur qui vous ont été faits — et nous vous assurons que ce que vous avez vécu ne sera jamais oublié.

Il est temps pour nous de corriger la situation.

Il est temps pour nous d’accepter notre responsabilité et de reconnaître nos erreurs.

Il ne suffit pas de dire que nous sommes désolés aujourd’hui.

Ces excuses ne vont pas faire disparaître la solitude que vous avez ressentie, ni ce dont vous avez souffert.

Elles ne ramèneront pas les langues ni les traditions que vous avez perdues.

Elles n’effaceront pas l’isolement et la vulnérabilité que vous avez subis lorsqu’on vous a séparés de votre famille, de votre communauté et de votre culture.

Elles n’allègeront pas les difficultés que vous avez endurées pendant les années qui ont suivi, au moment où vous cherchiez à vous rétablir de ce que vous aviez vécu dans les pensionnats, pour aller de l’avant dans la vie.

Mais aujourd’hui, je suis là pour vous dire, au nom du Canada et de tous les Canadiens, que vous n’êtes plus seuls à porter ce fardeau.

J’espère sincèrement que vous pourrez enfin mettre un terme à ce parcours et apaiser l’enfant qui est en vous.

Que vous pourrez enfin commencer à guérir.

Le traitement des enfants autochtones dans les pensionnats est un chapitre douloureux de l’histoire du Canada que nous devons regarder en face.

C’est un chapitre de notre histoire que nous avons choisi d’ignorer pendant trop longtemps; un chapitre que nous avons choisi de ne pas inclure dans nos manuels scolaires.

Que ce soit par honte ou par déni, les Canadiens et leurs gouvernements ont fermé les yeux sur cette partie de leur histoire parce qu’elle va à l’encontre des promesses dont est fait ce pays et des ambitions de sa population.

Il est temps pour le Canada de reconnaître son histoire telle qu’elle est : imparfaite, inachevée, et qui comporte des lacunes.

Il est temps pour nous de reconnaître nos erreurs et nos réussites; d’être à la hauteur des principes qui nous sont chers et des idéaux auxquels nous tenons.

Mais s’il ne faut jamais oublier l’histoire de ces pensionnats, nous ne pouvons pas non plus laisser le passé définir notre avenir.

Tous les Canadiens ont la capacité de tirer des leçons du passé et de façonner l’avenir.

Tous les Canadiens ont le pouvoir d’être meilleurs et de faire mieux.

Voilà ce en quoi consiste la réconciliation.

Nous avons l’occasion de rebâtir notre relation — une relation fondée sur la reconnaissance de vos droits, le respect, la coopération, le partenariat et la confiance.

La réconciliation entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones – et entre les peuples autochtones et les non-Autochtones – est un processus en cours.

Nous savons qu’elle ne se fera pas du jour au lendemain.

Mais j’ai espoir qu’en présentant ces excuses aujourd’hui, en reconnaissant ce qui s’est passé et en vous demandant pardon, ensemble, nous allons continuer, en tant que pays, à avancer sur la voie de la réconciliation.

Le règlement conclu dans le cas des pensionnats de Terre-Neuve-et-Labrador illustre la réconciliation en action. C’est un règlement dont la guérison et la réconciliation sont au cœur.

Tous les Canadiens ont beaucoup de leçons à tirer, non seulement des épreuves qu’ont subies les pensionnaires, mais aussi de la force incroyable dont ils ont fait preuve dans l’adversité.

On n’insistera jamais assez sur le courage des anciens pensionnaires, qui ont rendu possible ce règlement, ni sur la résilience de communautés entières.

J’espère que vous allez continuer à raconter ce que vous avez vécu – à votre propre façon et dans vos propres mots – tout au long de ce processus de guérison et de commémoration.

Faisons de ce jour le début d’un nouveau chapitre de notre histoire – celui où nous nous engageons à ne jamais oublier le mal que nous vous avons fait et où nous nous engageons à renouveler notre relation.

Faisons de ce nouveau chapitre celui de l’avenir que les peuples autochtones et les non-Autochtones veulent bâtir ensemble.

Tshinashkumitin,

Nakummek.

Merci.

Merci beaucoup tout le monde.