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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Merci. C’est tout un honneur. Merci beaucoup.

Bharat, merci pour ces belles paroles et pour votre leadership.

Helen, merci pour tout ton excellent travail avec ÉGALE et pour tout ce que tu fais en tant que membre du Conseil consultatif sur les excuses à la communauté LGBTQ2.

Et finalement, merci à l’aînée Blu Waters, qui a reconnu plus tôt que nous nous trouvons en terres ancestrales.

Lorsque je pense à mon enfance, au fait de grandir avec un premier ministre comme père, je me souviens de certaines choses. J’ai surtout des souvenirs de la vie de tous les jours : les déplacements en voiture avec la GRC ou des visites au bureau de mon père.

Cela dit, pour ce qui est de l’héritage qu’il a laissé, des événements et des décisions qu’on peut lire dans les livres d’histoire, mes souvenirs sont plutôt flous.

Il est rare qu’on reconnaisse les moments importants dans toute leur ampleur lorsqu’ils se produisent. La plupart du temps, c’est avec du recul qu’on acquiert cette perspective; on ne saisit la gravité des événements qu’en prenant une certaine distance.

Cependant, il y a un moment, un événement historique, dont je me rappelle encore très bien. C’était le 17 avril 1982. Il faisait froid et le ciel était gris et, à dix ans, assis sur la Colline du Parlement, j’ai regardé mon père et une dame très célèbre et très importante rapatrier la Constitution canadienne.

À cette époque, je n’avais aucune idée de ce que cela voulait dire, mais je savais quand même que c’était important. Plus tard, j’ai compris à quel point c’était si important.

Ce jour-là, le Canada a franchi un pas de géant. Il est devenu un pays dans lequel étaient enchâssés les droits fondamentaux de chacun, un pays qui s’est engagé à reconnaître toutes les personnes comme étant égales devant la loi.

On est d’accord, la réalisation de cette promesse n’a pas été parfaite. Mais, au fil du temps, nous avons appris à vivre ensemble dans l’harmonie, guidés par les principes fondamentaux de compassion, d’égalité et de dignité pour tous.

Maintenant que je suis beaucoup plus vieux et que j’occupe les fonctions que mon père occupait il y a tant d’années, je repense souvent à cet après-midi-là. Et je réfléchis à ce que mes enfants retiendront de cette expérience; du fait d’avoir un père premier ministre et de mener une vie si peu conventionnelle.

Xavier, Ella-Grace et Hadrien… Que retiendront-ils de cette époque passionnante?

Je pense, et j’espère, qu’ils se souviendront du 28 novembre 2017. C’est ce jour-là que je me suis levé au Parlement pour présenter aux communautés LGBTQ2 canadiennes des excuses qu’elles attendaient depuis longtemps.

Les témoignages que j’ai évoqués dans ce discours sont bien connus d’un bon nombre d’entre vous, mais nombreux sont ceux qui étaient consternés.

Jeté en prison parce qu’on est gai? Pas au Canada.

Perdre un emploi parce qu’on est transgenre? Jamais.

Rejeté et humilié pour une identité bispirituelle? Pas question.

Voir son orientation sexuelle publiée dans un journal local? Pas dans notre pays, une oasis d’acceptation et de progressisme.

Et pourtant… il s’agit là d’un chapitre très sombre et très réel de l’histoire du Canada. De l’histoire récente du Canada, je tiens à préciser.

Voilà le genre de discrimination que la communauté queer a subie pendant des dizaines d’années.

Par conséquent, ces excuses, et notre engagement à ne jamais répéter les erreurs dévastatrices du passé, eh bien, nous savions que cela allait être un moment important pour de nombreuses personnes. Un moment de reconnaissance à la fois triste et joyeux. Un moment qui allait, on espérait, marquer le début d’un long parcours sur le chemin de la guérison.

Et c’est pourquoi, en ce matin de novembre, j’ai décidé que mes enfants n’allaient pas aller à l’école ce jour-là.

Ils allaient venir au travail avec leur père.

La décision n’était pas prévue – celle de faire en sorte qu’ils soient présents à la Chambre des communes, assis dans la tribune, entourés de militants de longue date, les yeux fixés sur moi alors que des survivants pleuraient ouvertement autour d’eux. Mais, je me suis levé ce matin-là et je m’en suis rendu compte : « Aujourd’hui sera un jour important. »

Alors, ils sont venus.

Et ils ont regardé leur père, debout dans la Chambre des communes parmi ses collègues, promettre que nous, comme pays, allions faire mieux.

C’était une journée incroyable que je n’oublierai jamais. Et je ressens beaucoup d’humilité d’avoir joué un petit rôle dans ce grand moment qui allait marquer un changement de culture.

Je dois remercier les membres du réseau Nous exigeons des excuses, le Conseil consultatif sur les excuses à la communauté LGBTQ2 et le comité pour une société juste d’Égale de nous avoir aidé à faire les choses en bonne et due forme.

Cela dit, ceux qui méritent peut-être encore plus notre reconnaissance, ce sont les militants communautaires. Ceux qui ont consacré leur carrière et, dans de nombreux cas, leur vie à lutter pour la justice à l’égard des communautés LGBTQ2, au Canada et à travers le monde.

Ces excuses, ainsi que les nombreuses victoires importantes remportées pour les droits des gais au cours des dernières décennies, n’auraient jamais eu lieu sans vos efforts et votre conviction. Alors, je vous en remercie.

Chers amis, je partage cette histoire avec vous parce que j’espère que dans 30 ans, lorsque mes enfants se rappelleront leur enfance, ce souvenir leur viendra en tête.

De la même façon dont je me souviens de mon père étant assis avec la Reine, j’ose espérer qu’ils se souviendront que ce jour de novembre a été un moment important pour tous les Canadiens.

Toutes les sociétés peuvent, et devraient, être jugées en fonction de la façon dont elles défendent les droits des minorités. La protection, le respect et le soutien à l’égard des Canadiens des communautés LGBTQ2 doivent être enchâssés dans la loi, non en tant que droits conditionnels, mais plutôt en tant que droits fondamentaux.

C’est un point que je soulève constamment lors de sommets internationaux et pendant des rencontres publiques et privées avec des dirigeants étrangers.

Parfois, c’est une conversation qui rend des gens mal à l’aise. Mais savez‑vous quoi? Cela ne me dérange pas vraiment, parce que si des questions sur les droits des gais dans votre pays vous rendent mal à l’aise, c’est parce que vous ne faites pas assez de travail à cet égard. Cela veut dire que vous devez faire mieux.

L’été dernier, j’ai participé au défilé de la fierté d’Halifax pour la première fois. Et c’était incroyable. Les rues débordaient d’amour et de rires.

Mais cela n’a pas toujours été comme ça.

On m’a dit que lors du premier défilé de la fierté d’Halifax, les gens qui marchaient portaient des sacs sur la tête. Ils avaient besoin d’être vus, voulaient désespérément être comptés, mais ils n’étaient pas encore prêts à être nommés.

Nous avons fait beaucoup de chemin en tant que pays, et nous devrions être fiers de ce que nous avons accompli jusqu’à présent. Grâce à plusieurs d’entre vous qui êtes ici ce soir, nous avons réalisé des progrès importants.

Nous avons enfin modifié notre loi sur les droits de la personne afin de protéger les Canadiens transgenres contre toute discrimination. Nous avons lancé la Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe. Et nous allons expurger les casiers judiciaires des personnes reconnues coupables d’infractions liées à l’homosexualité.

Il s’agit là de grands et d’importants pas vers l’avant, et je remercie chacun de vous du travail que vous avez accompli pour nous permettre d’en arriver jusqu’ici.

Et pourtant… nous ne pouvons pas nous arrêter ici.

L’itinérance chez les jeunes de la communauté queer, le manque de soutien pour les personnes intersexuelles, la violence subie de façon démesurée par la communauté trans, la discrimination liée aux dons de sang et d’organes ainsi que la marginalisation intersectionnelle des personnes queer de couleur; voilà, entre autres, les prochaines frontières de ce mouvement.

Et je veux travailler avec vous pour réaliser des progrès concrets et durables dans ces dossiers. En m’appuyant sur votre leadership et votre savoir‑faire, et en créant des changements qui feront une différence dans la vie de tant de personnes.

Mes amis, la vie est remplie d’incertitude. Mais sachez ceci : je suis de votre côté. Je me battrai pour vous et avec vous. Notre gouvernement entier est déterminé à obtenir la pleine égalité pour la communauté queer. Je vous en donne ma parole.

Je veux que mes enfants grandissent dans un monde où on célèbre et salue les différences des gens. Où l’identité ou l’expression sexuelles ne font pas obstacle aux aspirations professionnelles. Où les familles sont diversifiées et variées, et encore plus belles par conséquent.

En fait, c’est ce que je veux pour chacun d’entre nous : plus d’acceptation, plus d’inclusion, plus d’amour. Et nous y arriverons; j’en ai tant d’espoir.

Merci beaucoup chers amis.