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Discours du premier ministre à la Chambre des communes sur les fusillades survenues en Nouvelle-Zélande

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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Monsieur le président,

Avant de commencer, j’aimerais dire que nous sommes de tout cœur avec les gens d’Utrecht et des Pays-Bas, qui sont bouleversés par la nouvelle d’une fusillade survenue dans un tramway. Ça vient tout juste d’arriver, mais on sait qu’il y a des morts et des blessés. La police envisage la possibilité qu’il s’agisse d’une attaque terroriste.

Nous sommes aux côtés de nos amis des Pays-Bas, qui vivent les contrecoups de cette violence, et nous allons communiquer avec nos homologues pour leur offrir notre soutien inébranlable.

Le premier ministre Rutte a prononcé une allocation devant cette chambre il y a seulement quelques mois durant laquelle il a discuté des liens solides qui unissent nos deux pays. Les Pays-Bas pourront compter sur le Canada dans les jours difficiles à venir.

Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour transmettre les plus sincères condoléances du Canada à toutes les personnes qui sont en deuil en Nouvelle-Zélande.

Il y a quelques jours à peine, notre ami et allié a subi le pire attentat terroriste de son histoire. Un attentat motivé par l’islamophobie. Cinquante hommes, femmes et enfants ont été tués au moment de la prière. Des dizaines d’autres ont été blessés. Tombés sous les balles d’un monstre. D’un terroriste. D’un lâche.

Je me suis entretenu avec la première ministre Ardern. Je lui ai offert nos plus sincères condoléances et notre appui. Je l’ai également félicitée pour le leadership et la compassion dont elle fait preuve depuis cette tragédie.

Nous partageons la douleur des parents, des frères, des sœurs et des amis des victimes, qui n’ont pas eu la chance de dire au revoir à leurs proches. Ces proches tués par une personne haineuse qui a décidé d’adopter une idéologie haineuse.  

Monsieur le Président, plus d’un million de musulmans habitent au Canada. Ils vivent et réussissent dans une démocratie libre et ouverte, une démocratie laïque. Nous avons la responsabilité de préserver cette liberté, pour que ceux qui choisissent d’exercer leur religion puissent le faire sans avoir peur d’être victimes de violence.

À nos amis musulmans ici au Canada, en Nouvelle-Zélande et partout dans le monde : sachez qu’on partage votre deuil. On ressent votre douleur et on vous aime. Nous allons être à vos côtés dans les jours et les semaines difficiles qui viendront.

Le Coran nous dit ceci : « Les serviteurs du Tout Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur terre, qui, lorsque les ignorants s’adressent à eux, disent : “Paix” ».

Si cette idée vous semble familière, c’est peut-être parce que vous l’avez entendu dans l’Évangile selon Matthieu, qui dit de ne pas sombrer dans la revanche ou la riposte, mais de tendre l’autre joue. Lorsqu’on choisit de les trouver, les leçons que nous tirons de notre foi nous rassemblent et s’avèrent plus puissantes que ce qui nous divise.

Il y a à peine deux ans, j’ai pris part à une vigile qui rendait hommage à six hommes innocents de Ste-Foy, à Québec. Des frères, des pères et des fils qui, comme les victimes de Christchurch, ont été tués par balle pendant qu’ils priaient. J’ai accompagné leurs familles dans leur deuil. Des familles qui avaient du mal à croire que leur communauté puisse être victime d’un tel geste de haine.

Monsieur le Président, nous avons trop souvent été témoins de tragédies comme celles survenues à Ste-Foy et à Christchurch. Des innocents assassinés. Des manchettes qui sonnent l’alarme alors que les pays sont plongés dans le chaos et la violence. Des grandes tueries. Des massacres qui ciblent les communautés religieuses. Des attentats terroristes.

C’est une honte. Et malheureusement, les dirigeants du monde portent une part de responsabilité. Une responsabilité que nous ne pouvons plus nier simplement en pointant les autres du doigt. Parce que de nos jours, ceux qui sont les plus fâchés profitent d’une tribune plus grande que jamais.

C’est maintenant devenu chose courante d’entendre des propos odieux. Contre les juifs. Contre les musulmans. Contre les Noirs. Contre les Autochtones. Des propos misogynes, homophobes. La liste est longue.

Ce genre de discours est dangereux, rempli de haine et de méchanceté. Il se répand et se propage en ligne, avant de se manifester dans la vraie vie, là où les conséquences sont fatales.

On le voit ici, au Canada. Le harcèlement sur Internet, les lettres anonymes, les lieux de culte ravagés, les actes de violence et même les assassinats.

Quand on néglige de dénoncer la haine avec fermeté et conviction, on donne encore plus de pouvoir à ces gens-là et on rend leur violence légitime.

Monsieur le Président, au cours des années, on a constaté un nombre croissant d’attentats terroristes contre des musulmans dans le monde. Des familles se réfugient donc dans des démocraties comme le Canada, les États-Unis, et nos alliés, en espérant trouver plus de sécurité dans leurs nouvelles terres d’accueil. En espérant que leurs enfants puissent vivre dans un endroit où ils ne sont pas ciblés par la haine en raison de leur foi.

Mais malheureusement, Monsieur le Président, ces familles qui ont fui la violence de leur pays natal trouvent trop souvent une nouvelle forme de violence quand elles arrivent ailleurs. La haine contre les immigrants. La droite extrémiste. Le nationalisme blanc. Le terrorisme néonazi.

Ces groupes existent au Canada – un pays qui, sous le leadership de Laurier, de Diefenbaker, de mon père, a longtemps protégé les minorités et perçu notre diversité comme étant notre plus grande force.

Et pourtant, si la majorité de nos citoyens accueillent ces nouveaux arrivants à bras ouverts, il reste encore des petits groupes de gens toxiques qui essaient de nous faire croire qu’une plus grande diversité est une faiblesse. Ce qui est ironique dans tout ça, c’est que ces groupes haineux disent qu’ils rejettent Daech, Al-Qaida, Boko Haram et d’autres. Mais ils répandent la haine, encouragent la violence et tuent eux aussi des innocents. Ils ne sont pas mieux que ceux qu’ils prétendent détester.

Monsieur le Président, l’enjeu, ce n’est pas seulement que les politiciens ne dénoncent pas cette haine. C’est que dans bien des cas, ils courtisent ceux qui tiennent des propos haineux.

J’aimerais dire ceci aux politiciens et aux leaders du monde : la politique tendancieuse, la facilité avec laquelle certains choisissent de s’approprier des idées extrémistes – il faut que ça arrête.

Ce n’est pas que des gens meurent. C’est que des gens sont tués. Des mères et des pères arrachés à leur famille. Des enfants innocents, insouciants, abattus en un instant, sans une once d’hésitation. Dans des mosquées. Des temples. Des synagogues. Des églises. Des salles de concert. Des centres d’achat. Des écoles. Des gens vulnérables et sans défense sont assassinés – ici au Canada, au sud de la frontière et à travers le monde.

Et la réaction est toujours la même. On est scandalisé par les grands titres. Les parents serrent leurs enfants dans leurs bras un peu plus fort et ils remercient le ciel que ça ne leur soit pas arrivé à eux.

Les politiciens restent là, on offre nos condoléances et des beaux mots au lendemain des événements. On promet de faire mieux. On dit que plus jamais une telle haine ne restera impunie. Et ensuite, quand la tempête s’apaise et que le calme revient, on retourne à nos moutons. On revient à la petite politique, on essaie de voir comment utiliser cette rage – cette rage puissante – pour gagner quelques votes de plus. On choisit des boucs émissaires pour plaire à notre électorat. Avec un petit coup de coude et un clin d'œil de connivence, on légitime le mal.

Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour braquer les projecteurs sur cette haine et sur notre refus de la dénoncer. En tant que dirigeants, en tant qu’êtres privilégiés qui ont le pouvoir et une tribune, nous avons le devoir d’agir. Cette responsabilité n’est pas négociable. On ne peut pas y renoncer lorsque c’est politiquement avantageux.

Courtiser ces opinions est toujours le mauvais choix à faire. On doit éradiquer cette haine de nos partis, la combattre sur Internet, la dénoncer dans nos assemblées publiques, la repousser lorsqu’elle est à nos portes. Choisir le silence face à la haine, c’est d’être complice de la façon la plus lâche qui soit.

Monsieur le Président, d’une année à l’autre, d’une décennie à l’autre, on pleure la perte de ces innocents-ci dans ce pays-là, et on promet de faire mieux. Mais ensuite le cycle se répète. Les leaders décident que la haine est un sentiment qu’ils peuvent exploiter. Que la colère insatiable les aidera à accéder au pouvoir. En tant que société, en tant que communauté mondiale et êtres humains, est-ce qu’on n’a vraiment rien appris?

Pour être honnête, je suis tanné de tout ça. Je suis tanné d’envoyer « nos pensées et nos prières ». Et si moi je suis tanné, je peux à peine imaginer comment doivent se sentir ceux et celles qui sont touchés par la violence à chaque jour.

Le monde entier en a ras-le-bol des carnages. Tout le monde tente de consoler ses amis et ses voisins quand la tragédie s’abat sur leur communauté et tout le monde est fâché contre des leaders qui sont incapables de prendre clairement position. Les citoyens participent à des vigiles et nous implorent d’agir, et nous, on n’en fait pas assez. Nos communautés montrent un exemple que nos leaders sont incapables de suivre. Après des tragédies comme celle-là, les politiciens disent souvent que ce n’est pas le temps de faire de la politique. Qu’on devrait plutôt vivre notre deuil et appuyer les communautés touchées.

Je pense que c’est du grand n’importe quoi. En fait, c’est le moment idéal pour parler de politique. Parce que la meilleure façon d’aider les gens, c’est de reconnaître qu’on a un problème et de se mettre au travail pour trouver des vraies solutions.

Monsieur le Président, en tant que communauté mondiale, on doit faire un choix. Est-ce qu’on va dénoncer nos leaders, qui ferment les yeux devant ceux qui incitent à la violence? Est-ce qu’on va dénoncer nos collègues qui racontent des blagues racistes ou misogynes sans que personne ne dise rien? Est-ce qu’on va dénoncer les trolls sur Internet – ces lâches qui répandent la haine et qui lancent des insultes sous le couvert de l’anonymat? Est-ce qu’on va finir par faire ce qu’il faut, Monsieur le Président? Ou bien est-ce qu’on va se mettre la tête dans le sable maintenant, pour mieux se la prendre à deux mains plus tard?

La tragédie qui est survenue en Nouvelle-Zélande est un autre triste exemple d’un grand dérapage. Mais les leçons que nous puisons de la mort de ces cinquante personnes doivent être retenues. Le chemin que nous avons emprunté est dangereux et n’est pas viable. Nos citoyens sont tannés de se battre tout seuls, sans l’aide de leurs leaders.

Mais on peut prendre position, ici et maintenant, au Canada et à travers le monde, pour dire que c’est assez. L’époque où l’on pouvait répandre la haine et inciter à la violence sans en subir les conséquences est révolue. On le doit aux gens de la Nouvelle-Zélande. On le doit aux gens de Ste-Foy, de Pittsburgh et de Manchester. Monsieur le Président, on le doit à nos enfants, et on se le doit à soi-même.

Je demande donc aux pays qui partagent notre point de vue de se joindre au Canada pour mener ce combat. Musulmans, chrétiens, juifs, Noirs, Blancs, tout le monde – on doit former une équipe pour éradiquer cette haine. Une équipe qui refuse d’accepter cette haine comme étant la nouvelle réalité. Une équipe tannée d’envoyer « des pensées et des prières ».

Ici, au Canada, on a déjà pris des mesures importantes pour lutter contre la discrimination et la haine. On a intensifié les enquêtes visant les groupes de propagande haineuse, y compris les groupes de suprémacistes blancs et néo-nazis. On a effectué des réformes importantes à l’égard du contrôle des armes à feu. On a augmenté le financement pour assurer la protection des lieux de culte. Et on investit dans des programmes qui favorisent l’inclusion, qui créent des ponts entre les gens et qui célèbrent notre diversité.

Malgré tout, on est conscient qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. Mais comprenez-moi bien, on va faire ce qui doit être fait. Et c’est un message qu’on va porter sur la scène internationale.

À nos partenaires à travers le monde, j’aimerais dire ceci : le combat contre le racisme et l’intolérance sera un combat majeur. Mais on ne peut plus le remettre à plus tard. Je sais qu’on peut vraiment changer les choses. On peut tourner la page et quitter ce chemin dangereux que nous empruntons. On doit simplement s’inspirer de nos communautés.

Monsieur le Président, il y a plus de bons que de méchants dans ce monde. La lumière est plus forte que la noirceur, le bien est bien plus présent que le mal. On le voit quand nos citoyens s’unissent lors de vigiles tenues au lendemain d’une tragédie. On le voit quand des étrangers se donnent la main et protègent leurs lieux de culte. On le voit quand quelqu’un offre d’accompagner une autre personne qui ne se sent pas en sécurité. On l’a vu à Ste-Foy, et on le voit en ce moment en Nouvelle-Zélande. C’est un combat important.

Je demande aux politiciens de toutes les allégeances de suivre l’exemple de nos bons citoyens, et de faire ce qu’il faut. On doit combattre cette haine. Et ensemble, c’est ce que nous ferons.

Merci, Monsieur le Président.