LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI
Chers aînés, dirigeants et membres de la Nation crie Poundmaker.
C’est un privilège d'être ici avec vous aujourd'hui pour honorer la vie et l'héritage du chef Poundmaker, ou Pihtokahanapiwiyin.
J'aimerais reconnaître que nous sommes sur les terres sacrées de la Nation crie Poundmaker, situées dans le territoire du Traité No 6.
C'est ici que le chef Poundmaker a laissé sa marque indélébile dans l'histoire.
C’est ici qu’il a acquis sa réputation bien méritée de diplomate et d’artisan de la paix.
C’est ici qu’il a défendu son peuple et fait preuve de compassion même face aux persécutions.
134 ans plus tard, nous sommes réunis sur les lieux de la bataille pour rendre hommage au chef Poundmaker et nous rappeler son histoire.
Nous reconnaissons que, durant sa vie, le chef Poundmaker n'a pas été traité de façon juste et n’a pas reçu le respect qu'il méritait en tant que leader de son peuple.
Nous savons que les perspectives coloniales qui dominaient les relations entre les peuples autochtones et la Couronne ont empêché la tenue de tout dialogue ouvert et axé sur la collaboration.
Et nous reconnaissons que si nous voulons avancer ensemble sur le chemin de la réconciliation, le gouvernement du Canada doit reconnaître les erreurs du passé.
Nous avons le devoir de jeter un regard honnête sur ce chapitre de notre histoire commune et de réparer nos torts face à la Nation crie Poundmaker.
J’espère sincèrement que le fait de nous réunir aujourd'hui pour franchir cette étape importante en tant que partenaires égaux nous permettra de poursuivre la tâche importante qui consiste à nous réconcilier avec le passé et à renouveler notre relation.
La tradition orale nous dit que le chef Poundmaker est devenu un chef influent en 1873, après la conclusion des négociations de paix entre la Nation crie et la Nation des Pieds-Noirs.
Le chef Poundmaker, aussi appelé Peacemaker (artisan de la paix) par les peuples autochtones des Plaines du Nord, a tenté de maintenir des relations pacifiques et un dialogue ouvert entre les Cris et les colons avant et après la signature du Traité No 6 en 1876.
En 1876, Poundmaker, alors conseiller ou sous-chef, faisait partie de la délégation crie à Fort Carlton, où le Traité No 6 a été conclu avec Alexander Morris, lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest et commissaire aux traités.
Un grand orateur, le chef Poundmaker a soutenu que le gouvernement du Canada devait fournir l'aide appropriée aux Cris pour s’adapter aux réalités changeantes dans les Prairies.
Il a demandé cette aide non seulement pour ceux qui signaient le Traité, mais aussi pour les générations futures.
Il a notamment défendu la disposition sur l’armoire à pharmacie dans le Traité No 6.
En effet, le chef Poundmaker était un visionnaire et l’un des premiers défenseurs du système de soins de santé universels. Son esprit et sa conviction tout au long des négociations du Traité continuent d'inspirer son peuple à ce jour.
Un dirigeant reconnu par son peuple, le chef Poundmaker a été choisi en 1881 pour guider le marquis de Lorne, gendre de la reine Victoria, lors d'un voyage de Battleford à Blackfoot Crossing.
Le chef Poundmaker a impressionné le marquis par son savoir traditionnel et son esprit politique.
Dans les années qui ont suivi la signature du Traité No 6, le chef Poundmaker et d'autres personnes comme Big Bear, ou Mistahimaskwa, ont exhorté les représentants du gouvernement à respecter les promesses et les obligations énoncées dans le Traité, obtenant souvent des résultats frustrants.
À l'hiver 1885, l'épuisement de la population de bisons, les réductions de l'aide gouvernementale et les désaccords fondamentaux concernant la mise en œuvre des promesses faites dans le Traité ont entraîné une insatisfaction généralisée dans les Prairies.
Dans ses efforts pour coloniser l'Ouest canadien, et guidé par la pensée et les politiques coloniales, le gouvernement fédéral a tenté d’exercer un plus grand contrôle sur les peuples autochtones. Les tensions entre le gouvernement canadien, les Métis, les Premières Nations et les colons ont finalement dégénéré en un conflit connu comme la rébellion du Nord-Ouest.
Le chef Poundmaker et son peuple sont alors devenus la cible de représentants du gouvernement dans l'Ouest canadien, surtout après que certains membres de sa communauté aient été accusés de pillage à Battleford alors que le chef Poundmaker cherchait en vain d’obtenir des rations pour sa communauté auprès des fonctionnaires des Affaires indiennes.
Le chef Poundmaker et son peuple en sont venus à être considérés comme une menace.
Le 2 mai 1885, en guise de représailles pour le prétendu pillage, le Corps expéditionnaire canadien a poursuivi les Cris jusqu'à leur réserve et a lancé une attaque sur le site où nous sommes aujourd'hui.
Ici même, sur la colline du champ de bataille.
Sous le commandement du lieutenant-colonel William Otter, une force de plus de 300 hommes a attaqué le peuple de Poundmaker, mais au terme d’une bataille de sept heures, les hommes du lieutenant-colonel ont été forcés de battre en retraite.
Bien qu'il n'ait pas participé à la bataille, le chef Poundmaker a sauvé de nombreuses vies. À un moment critique, il a transporté le calumet d'un chef de guerre blessé sur le champ de bataille et, grâce à son autorité considérable, a pu arrêter la contre-attaque contre les troupes qui battaient en retraite, évitant ainsi un carnage.
Craignant d’autres représailles contre son peuple, le chef Poundmaker a tenté de négocier un accord de paix avec le commandant du Corps expéditionnaire canadien, le major‑général Frederick Middleton.
Aucune entente n’a pu être conclue, et le chef Poundmaker et ses hommes ont été arrêtés à Battleford le 26 mai 1885.
Motivés par leur méfiance et leur manque de compréhension, les représentants du gouvernement ont tenu le chef Poundmaker, en tant que dirigeant reconnu de son peuple, responsable des actions de sa communauté et l'ont reconnu coupable de trahison en août 1885.
Clamant sans cesse son innocence, le chef Poundmaker a été condamné à trois ans de prison au pénitencier de Stony Mountain.
L'emprisonnement du chef Poundmaker a eu pour effet de priver les membres de sa Nation de son incroyable leadership.
Ces derniers ont été profondément affectés par les restrictions et privations sévères que leur ont imposées les autorités gouvernementales.
La Nation a également été forcée de rendre ses armes, ce qui l'a rendue incapable de chasser ou de se protéger.
Considérée comme une bande rebelle par le gouvernement du Canada, la Nation crie Poundmaker a vu la réputation de son honorable chef ternie en raison de sa condamnation injustifiée et a dû vivre sans chef pendant plus de trois décennies.
Bien que le chef Poundmaker ait été libéré plus tôt que prévu en raison de la détérioration de son état de santé, il est décédé quatre mois seulement après sa libération en 1886 alors qu'il rendait visite à son père adoptif, le chef Crowfoot, à Blackfoot Crossing.
C’est à cet endroit qu’il a été inhumé et, en 1967, sa dépouille a été ramenée à la Nation crie Poundmaker et inhumée ici, sur le champ de bataille.
Aujourd'hui, notre gouvernement reconnaît que le chef Poundmaker était un artisan de paix qui n’a jamais cessé de lutter pour la paix.
Un dirigeant qui, à maintes reprises, a cherché à empêcher d’autres pertes au cours du conflit qui s’aggravait dans les Prairies.
Le gouvernement du Canada reconnaît que le chef Poundmaker n’était pas un criminel, mais bien un homme qui a travaillé sans relâche à assurer la survie de son peuple et à faire en sorte que la Couronne respecte ses responsabilités aux termes du Traité No 6.
Nous reconnaissons que la condamnation et l’emprisonnement injustes du chef Poundmaker ont eu de profondes répercussions sur la Nation crie Poundmaker, qui en ressent encore les conséquences.
Le chef Poundmaker a souvent parlé de la nécessité de continuer d’aller de l’avant.
Il a dit : « Nous connaissons tous l’histoire de l’homme resté assis trop longtemps en bordure du sentier, si bien que la végétation y a repoussé et qu’il n’a jamais pu retrouver son chemin. Nous ne pourrons jamais oublier ce qui s’est produit, mais nous ne pouvons pas non plus revenir en arrière. Pas plus que nous ne pouvons simplement nous asseoir en bordure du sentier. »
Eh bien, le gouvernement du Canada est resté en bordure du sentier beaucoup trop longtemps.
Et si nous voulons nous joindre à la Nation crie Poundmaker sur le chemin de la réconciliation, nous devons reconnaître le passé et jeter les bases de la guérison et d’une compréhension renouvelée.
Par conséquent, pour symboliser avec force notre volonté de renouveler notre relation avec la Nation crie Poundmaker, je suis ici aujourd'hui au nom du gouvernement du Canada pour déclarer sans réserve que le chef Poundmaker est entièrement innocenté de tout crime ou méfait.
Au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens, je tiens également à présenter à tous les membres de la Nation crie Poundmaker, ceux d’hier comme ceux d’aujourd'hui, des excuses pour les injustices, les épreuves et l’oppression historiques subies par le chef Poundmaker et par votre communauté.
La Nation crie Poundmaker a milité longtemps pour entendre le gouvernement du Canada prononcer ces paroles.
Et ce sont vos efforts inlassables qui nous ont réunis ici aujourd'hui pour rendre hommage au chef Poundmaker, ce qui aurait dû être fait il y a de très nombreuses années.
Pour que son héritage soit célébré durant de nombreuses années à venir et pour contribuer à rectifier les erreurs du passé.
En tant que peuple du chef Poundmaker, les épreuves que vous avez traversées reflètent son courage, sa conviction et la vision qu’il avait de vous voir rester un peuple fort et dynamique.
Vous avez toujours su que votre chef méritait d’être célébré et respecté.
Maintenant, tous les Canadiens auront la chance d’apprendre et de comprendre l’histoire et l’héritage authentiques du chef Poundmaker.
Avant d’être condamné à la prison, le chef Poundmaker a déclaré : « De tout le mal dont on m’a accusé cet été, rien n’est vrai. … J’ai tout fait pour arrêter le carnage. Si je ne l’avais pas fait, beaucoup de sang aurait coulé cet été… »
En 1885, le chef Poundmaker a été traité comme un criminel et un traître.
En 2019, nous reconnaissons la véracité de ses paroles; nous reconnaissons qu’en tant que dirigeant, homme d’État et artisan de paix, il a fait tout son possible pour éviter les pertes de vie inutiles.
Il nous a fallu 134 ans pour franchir l’étape importante que nous franchissons aujourd'hui : la déclaration de l’innocence du chef Poundmaker.
Je suis conscient que ni cette déclaration ni les excuses offertes aujourd'hui ne peuvent remplacer tout ce qui a été perdu.
Mais j’espère que ces paroles marqueront un nouveau départ et nous permettront de bâtir un avenir plus prometteur alors que nous continuons de marcher ensemble sur le chemin de la réconciliation. Un chemin que le chef Poundmaker a commencé à tracer pour nous il y a tant d’années.
J’espère que nous saurons, au fil du prochain siècle, bâtir un héritage commun et écrire une fière histoire conforme à l’esprit du chef Poundmaker, un dirigeant honoré par son peuple.
Merci.
Kinanaskomitinawaw.