LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI
Monsieur le Président,
Au cours de l'été 1940, des agents de police se sont rendus à un mariage qui avait lieu sur la rue Dante à Montréal.
Ils étaient à la recherche de l’un des invités : Giuseppe Visocchi.
Les agents qui l'ont emmené ont dit à sa famille qu'ils voulaient simplement lui parler, et qu'il pourrait les rejoindre par la suite.
Mais il n’est pas revenu.
Quelques semaines plus tard, il se trouvait dans un camp de prisonniers de guerre à Petawawa, portant un uniforme indiquant qu'il était interné. Sur le dos de l'uniforme figuraient une cible et le numéro 770.
Deux années se sont écoulées avant que Giuseppe ne revienne à la maison.
Deux années durant lesquelles ses sept enfants avaient besoin de leur père.
Deux années durant lesquelles son épouse ne savait pas comment elle arriverait à les nourrir et à les loger.
Deux années durant lesquelles cette mère seule a dû tenir bon sans argent et sans pouvoir demander de l’aide aux membres de la famille puisqu’ils avaient peur des représailles.
Monsieur le Président, cette histoire n'est pas celle d'un seul homme ou d'une seule famille.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, 31 000 Italo-Canadiens ont été désignés « sujets d'un pays ennemi ». On a pris leurs empreintes digitales, on les a scrutés et on les a obligés à se présenter devant des registraires locaux une fois par mois.
Un peu plus de 600 hommes ont été arrêtés et envoyés dans des camps d'internement, et quatre femmes ont été détenues et envoyées en prison.
Ils étaient des propriétaires d'entreprises, des travailleurs, des médecins.
Des pères, des filles, des amis.
Lorsque les autorités se sont présentées à leur porte, lorsqu'ils ont été détenus, aucune accusation officielle n'a été portée contre eux. Ils n'ont pas eu la possibilité de se défendre dans le cadre d'un procès ouvert et équitable, ni de présenter des preuves ou de réfuter celles qui avaient été utilisées contre eux.
Et pourtant, on les a emmenés à Petawawa ou à Fredericton, à Kananaskis ou à Kingston.
À leur arrivée dans un camp, la durée de leur peine n'était pas déterminée.
Parfois, l'internement durait quelques mois.
Et parfois, il durait des années.
Mais les impacts, eux, ont duré toute une vie.
Des réputations ont été ruinées.
Des entreprises ont été démantelées.
Des familles se sont retrouvées sans moyens de subsistance.
Des enfants ont été rejetés par leurs amis ou retirés de l’école.
Ces histoires, à cause de la honte et de la peur, sont passées sous silence pendant trop longtemps.
Pour de trop nombreuses générations, cette injustice a été lourde à porter.
Le 10 juin 1940, lorsque la Chambre des communes a déclaré la guerre au régime fasciste de Mussolini en Italie, le Canada n'a pas eu à déclarer la guerre aux Italo-Canadiens.
Se dresser contre le régime italien qui s'était rangé du côté de l'Allemagne nazie, c’était la bonne chose à faire.
Mais faire porter le blâme aux Italo-Canadiens respectueux de la loi ne l’était pas.
Monsieur le président, alors qu’on demandait aux Canadiens de s’unir pour soutenir l’effort de guerre, alors qu’on rappelait aux gens de faire leur part, certains étaient traités comme des ennemis, même s’ils n’avaient commis aucun crime.
La politique d’internement était injuste.
Elle allait à l’encontre des valeurs qu’on était parti défendre à la guerre.
Elle allait à l’encontre des valeurs que les Italo-Canadiens s’enrôleraient pour protéger malgré le fait que des membres de leur famille avaient été internés dans ces camps.
Et elle allait à l’encontre des valeurs qui faisaient la force de notre pays, comme l’équité, l’application régulière de la loi et l’égalité dans le système de justice – des valeurs qui allaient plus tard être inscrites dans notre Charte.
La façon dont le gouvernement a traité les Italo-Canadiens était inacceptable, et ce traitement a causé de réels préjudices.
Et pas seulement aux hommes et aux femmes qui ont été internés, et à leurs familles, mais aussi aux générations qui ont vécu avec cet héritage de discrimination.
Il est temps de faire amende honorable.
Monsieur le Président, Signor Presidente,
Je me lève devant la Chambre aujourd’hui pour présenter des excuses officielles au nom du gouvernement du Canada pour l'internement d'Italo-Canadiens pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Aux hommes et aux femmes qui ont été emmenés dans des camps de prisonniers de guerre ou envoyés en prison sans qu'aucune accusation ne soit portée contre eux – des personnes qui ne sont plus parmi nous pour entendre ces excuses – aux dizaines de milliers d'Italo-Canadiens innocents qui ont été désignés sujets d'un pays ennemi, aux enfants et petits-enfants qui ont porté la honte et la douleur d'une génération passée et à leur communauté, une communauté qui a tant donné à notre pays : nous sommes désolés.
Chiediamo scusa.
À tous ceux qui ont été touchés par ce chapitre de notre histoire, nous sommes désolés.
Votre famille et votre communauté ne méritaient pas cette injustice.
Et malgré tout, malgré ce moment sombre, vous continuez de regarder vers l’avant.
J'ai entendu vos histoires. Nous avons entendu vos histoires.
Comment, après leur libération, vos parents ou grands-parents ont travaillé fort pour redonner à leur pays, et ce, malgré la façon dont le gouvernement les avait traités.
Chaque entreprise prospère que ces hommes et ces femmes ont rebâtie ou chaque organisme de bienfaisance local qu'ils ont mis sur pied témoignait de leur engagement envers le Canada.
Tous ceux qui sont devenus membres des Forces armées canadiennes ou représentants du gouvernement ont démontré leur dévouement envers leurs concitoyens.
Quelle meilleure façon pour eux de montrer que l'injustice dont ils avaient été victimes était une erreur?
Quelle meilleure façon de prouver qu'ils aimaient le pays où ils avaient choisi de faire leur vie?
Il aurait été si facile pour eux de tourner le dos au Canada. Au lieu de cela, ils se sont consacrés à le bâtir.
Voilà leur héritage. Et c'est un héritage qui perdure aujourd'hui.
À tous ceux qui ont eu le courage de parler de ce chapitre douloureux de notre histoire, à des personnes comme Anita qui m'a raconté comment son père n'a jamais cessé d'aimer ce pays, ou Zita et sa fille qui ont parlé de la résilience de leur famille : vous rendez hommage à vos parents et grands-parents, et incarnez les valeurs qu’ils vous ont enseignées.
Aux membres de mon propre caucus qui ont travaillé sans relâche pour que justice soit rendue à la communauté italo-canadienne, et aux organisations partout au pays qui ont œuvré pour concrétiser ce moment, vous nous faites avancer sur une voie meilleure.
Et à tous les Italo-Canadiens qui enrichissent nos communautés, de St. John’s jusqu’à Vancouver, de Montréal jusqu’au Grand Nord, vous nous rappelez que la diversité fera toujours notre force.
Le courage, la résilience, et une conviction inébranlable qu’on est plus forts ensemble.
Voilà quelques-unes des valeurs que les Italo-Canadiens ont toujours incarnées.
Monsieur le Président,
Il y a environ 80 ans, après que Giuseppe est revenu du camp de prisonniers de guerre pour rejoindre sa famille, il a travaillé fort pour se forger une vie meilleure.
Il a acheté une maison, a vu ses enfants grandir et leur a appris à être des citoyens exemplaires qui aiment leur pays.
Le courage, la résilience, et une conviction inébranlable qu’on est plus forts ensemble.
C'est la voie qu'il a choisie.
Et c'est la voie qu'on doit continuer de choisir aujourd'hui.
La via giusta è stata dimostrata dagli internati e le loro famiglie: integrità, unità, fede, e fidelità al Canada.
Per questo, tutto il paese è riconoscente.
Grazie di cuore.
Les internés et leurs familles ont montré la voie à suivre : intégrité, solidarité, foi et loyauté envers le Canada. Et notre pays leur en est reconnaissant.
Merci.
Grazie.