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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Monsieur le Président,

La veille de la dernière séance de la Chambre, les Canadiens ont appris que l’un des grands de la politique canadienne nous avait quittés.

Le premier ministre Brian Mulroney a siégé dans cette enceinte pendant une décennie, mais il a été au service du Canada toute sa vie. Il aimait le pays de tout son cœur et savait que nous étions capables de grandes choses.

Il voyait que la plus grande force du pays résidait dans nos valeurs communes, comme « l’égalité des chances, l’équité et la justice pour tous ».

Mais il comprenait également que la réussite n'est pas automatique, et qu’elle demande beaucoup de travail.

C'est grâce à son éthique de travail que le fils d’un ouvrier de Baie-Comeau a pu faire des études en droit, diriger la Compagnie minière IOC et devenir premier ministre de notre grand pays.

Fièrement Québécois, fièrement bilingue, il n'a jamais oublié d'où il venait. Il était toujours heureux de serrer la main de tout le monde avec le même enthousiasme, que vous soyez travailleur ou monarque.

La dernière fois que j’ai eu la chance de rencontrer le premier ministre Mulroney, c’était à son alma mater, l’Université St. FX, l’année dernière.

Brian et Mila m’ont fait visiter Mulroney Hall, un magnifique édifice qui abrite un institut de gouvernance portant son nom.

Nous nous sommes assis dans une réplique du bureau du premier ministre de l'édifice du Centre. J’ai évoqué non seulement les années que j’ai passées dans ce bureau, mais aussi les visites que j’y ai rendues à mon père, ce qui nous a amené à parler de nos familles et des répercussions que cette vie a sur elles.

Ensuite, en nous promenant, nous avons parlé de la perle de sagesse que mon père et lui avaient en commun— à savoir que le leadership consiste fondamentalement à bien faire les choses les plus importantes.  Quelle que soit notre appartenance politique ou quel que soit notre style, c’est là notre travail.

À l’une des occasions où il a parlé aux funérailles d’un président américain, il a souligné qu’il y a plusieurs personnes aux talents et aux compétences variés qui ont dirigé le pays, et qu’il y en aura beaucoup d’autres à l'avenir.

Mais une chose est sûre, les historiens vont voir que, dans l’histoire du Canada, Brian Mulroney a su diriger avec vision et détermination.

Nous le savons parce qu’il a accompli bien de grandes choses.

Nous le voyons dans son bilan sur l’apartheid. En effet, il a travaillé sans relâche pour qu'on mette fin à ce racisme institutionnalisé. Et il a tiré parti de la position du Canada au sein du Commonwealth pour mener les efforts qui ont permis de libérer Nelson Mandela de la prison de Robben Island.

Nous le voyons dans l’héritage qu’il a laissé en matière d’environnement. Il a compris la responsabilité des gouvernements de lutter contre la dégradation de l’environnement, et il a négocié avec les États-Unis un accord historique sur la qualité de l’air pour lutter contre les pluies acides. Et, avec des partenaires mondiaux, il a négocié le Protocole de Montréal pour réparer le trou dans la couche d’ozone. Ces accords n’étaient pas juste essentiels dans le moment, ils sont devenus d’importants modèles de coopération environnementale à l’heure où la communauté internationale est confrontée à la crise climatique.

L’un de ses plus grands legs est peut-être la conclusion d'un accord de libre-échange avec notre plus proche allié, les États-Unis.

Le premier ministre Mulroney, homme des plus perspicaces, avait perçu, même dans les années 1980, la montée du protectionnisme américain. Il a eu la sagesse de comprendre que la meilleure façon de contrer cette tendance était de s’allier à nos amis. Il a imaginé une relation de libre-échange et, en travaillant à concrétiser cette vision, il a tissé des liens d’amitié à vie avec deux présidents des États-Unis.

Avec la création de l’ALENA, Brian Mulroney a établi la plus grande zone de libre-échange du monde — et amélioré les conditions de vie de centaines de millions de personnes — ce qui a profité à des gens de partout au Canada pendant des décennies.

Mais Brian savait aussi qu’il ne fallait rien tenir pour acquis. Il disait qu’il faut travailler tous les jours, et tous les jours suivants. Et c’est dans ce même esprit qu’il est intervenu quand l’ALENA a été menacé, il y a quelques années.

Brian a joué un double rôle : celui de conseiller pour mon cabinet et moi-même, ainsi qu’un rôle de défenseur du Canada auprès de ses amis et contacts dans l’élite politique et d’affaires des États-Unis. Il était très important pour moi, mais encore plus pour le Canada, que Brian donne aux républicains des États-Unis l’assurance qu’ils pouvaient avoir confiance en ce premier ministre libéral.

Et malgré les pressions politiques partisanes qui étaient exercées ici, au Canada, il a toujours su que le plus important était d’obtenir un bon accord pour le Canada et pour les Canadiens.

Dans les nombreuses conversations que nous avons eues pendant cette période difficile, il s’est montré courtois, généreux, perspicace et déterminé à faire en sorte que le Canada sorte gagnant de ce processus.

La création de l’ALENA, tout comme sa renégociation, se fondait sur l’espoir. Non seulement que ce pays continue de faire des progrès sur le plan économique, mais aussi que nous accordions encore la priorité à nos valeurs communes — comme celles de promouvoir l’égalité des chances pour tous, de se concentrer sur les moyens de subsistance, plutôt que sur les manœuvres stratégiques, et de placer les intérêts du pays avant les intérêts politiques.

La vie politique n’est pas facile.

En juin dernier, après m’avoir fait visiter des expositions de l’institut qui a été créé en son nom, Brian a prononcé une allocution dans laquelle il a dit :

« Avec le temps, j’ai appris que l’histoire ne se soucie pas des anecdotes, des propos orduriers, des rumeurs ou des commérages qui circulent au Parlement. Elle ne retient que les grandes réalisations qui façonnent le pays. »

Prenons tous un moment pour réfléchir à ce qu’on veut accomplir. Rappelons-nous à quel point c’est important de prendre des bonnes décisions, indépendamment des tendances populaires, des décisions qui résistent à l’épreuve du temps.

Évidemment, on ne se présente pas aux élections sans vouloir gagner – Brian Mulroney savait comment gagner, et adorait la victoire. Cela dit, il était conscient qu'en se présentant aux élections, il s’exposait à des attaques et à des critiques qui piquent au vif.

Pour l’avoir vécu de près, Mila, Caroline, Ben, Mark et Nicholas savaient à quel point cela pouvait être difficile. Toutefois, ils savaient également que, par rapport à ces grandes choses, il refusait de succomber aux pressions temporaires. Il était motivé par le service. Et ces grandes choses qu’il a accomplies résistent à l’épreuve du temps depuis maintenant quatre décennies.

Aujourd’hui, nous lui rendons hommage à la Chambre, et cette fin de semaine, les Canadiens de partout au pays lui diront au revoir. Néanmoins, ce ne sera pas la dernière semaine que les Canadiens le citeront, qu’ils se souviendront de sa vie exemplaire et qu’ils seront inspirés par son service.

Il n’y a pas que sa voix de baryton qui retentira à jamais à la Chambre; il y a aussi ses valeurs et son leadership.

Nous disons au revoir à l’homme, mais pas à sa conviction de faire passer le pays avant la politique, à sa conviction de créer des opportunités et à sa confiance dans les possibilités infinies du Canada.

Les principes de Brian Mulroney ont contribué à façonner un pays meilleur et un monde meilleur. Et tous, nous perpétuerons cette œuvre.