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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

La dernière fois que j’ai parlé ici, à la Basilique Notre-Dame de Montréal, c’était il y a 24 ans, aux funérailles de mon père. 

Alors tout naturellement, aujourd’hui, mes pensées vont aux enfants de Brian : Ben, Mark, Nicolas et Caroline, qui vient de livrer un éloge très touchant. 

Pour tout le monde, Brian Mulroney, c’était « Monsieur le premier ministre », mais, pour vous, c’était « papa ».

Et bien sûr, pour Mila, c’était un époux, un confident et un partenaire inébranlable. 

Brian a déjà dit qu’à l’Université Laval, il n’y avait pas de cours « PM 101 » pour le préparer à ses futures fonctions.

Cela dit, après son départ de la politique, si ce cours avait existé, il aurait été la personne idéale pour l’enseigner.

L’une des premières leçons qu’il aurait enseignées, c’est que c’est important de gagner et que c’est légitime de s’en réjouir. 

Toutefois, le but ultime ne doit pas être de gagner simplement pour gagner. 

Ce qui motivait Brian, c’est d’abord et avant tout le désir de servir. 

Il était motivé par le leadership, par le désir de mener les grands dossiers à bon port. 

De grands dossiers comme le libre-échange : lutter pour élever le niveau de vie des Canadiens et de millions de personnes, d’abord dans le cadre de l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis, puis de l’ALENA.

De grands dossiers comme la dénonciation de l’apartheid en Afrique du Sud.

Brian, qui savait être très persuasif, s’est appuyé sur sa position au sein du Commonwealth afin de mener la charge qui a contribué à la libération de Nelson Mandela.

Brian a aussi accompli de grandes choses pour l’environnement, entre autres pour lutter contre les pluies acides et pour réparer le trou dans la couche d’ozone. 

Réparer la couche d’ozone…

Cela montre que pour Brian, le ciel n’était pas la limite : il nous a dirigés avec l’ambition nécessaire pour, en fait, réparer le ciel. 

Oui, il voyait grand, mais le p’tit gars de Baie-Comeau savait garder les deux pieds sur terre.

Que ce soit en faisant des longs shifts comme ouvrier ou camionneur pour payer ses études, ou en négociant un accord de libre-échange avec le pays le plus puissant au monde, il travaillait toujours aussi fort.   

Bien entendu, de toutes les grandes choses qu’il a accomplies, rien ne l’a rendu plus fier et heureux que la famille aimante qu’il a bâtie avec Mila, ancrée dans les valeurs que constituent le travail acharné, la gratitude et la résilience. 

La résilience étant particulièrement importante…  

Parce que, comme ses opposants le savaient bien, Brian n’avait jamais peur d’aller au combat, même s’il savait qu’il lui faudrait encaisser des critiques et des attaques acerbes.

Sa famille a vu tout cela de près. Mais, comme il le disait lui-même :

« Les dirigeants doivent avoir une vision et trouver le courage de se battre pour les politiques qui vont leur permettre de concrétiser cette vision. Les dirigeants ne doivent pas gouverner pour profiter de grands titres flatteurs dans 10 jours, mais pour profiter d’un Canada meilleur dans 10 ans. »

Et même dans les périodes difficiles, Brian est toujours resté généreux, charmant et très drôle.

Il a déjà raconté une fois où, pour réconforter Ronald Reagan, qui avait essuyé une baisse de popularité, il lui avait dit : 

« Ron, je ne sais pas comment te le présenter, mais les cotes de Margaret Thatcher, d’Helmut Kohl et la mienne mises ensemble n’atteignent pas ton taux d’approbation de 59 pour cent! »

Nous savons tous à quel point Brian aimait gagner, mais les victoires qui le satisfaisaient le plus étaient cependant ses victoires non partisanes – les moments où le véritable gagnant est le Canada en soi. 

Parce qu’il aimait notre pays de tout son cœur. 

Et il n’aimait pas seulement le Canada de manière abstraite; il aimait les Canadiens. 

Il aimait entendre leurs histoires. 

Il aimait le contact avec les gens. 

Il était extrêmement généreux avec tout le monde. 

En fait, en repensant à tout cela cette semaine, ma mère m’a confié qu’il l’avait appelé à l’occasion au fil des décennies pour avoir des discussions amicales et sincères. 

Je ne le savais absolument pas, mais cela ne m’a pas surpris le moins du monde.

Parce que cette authenticité dans les nombreuses conversations que nous avons eues et dans les conseils qu’il me donnait a toujours été extrêmement précieuse pour moi. 

Brian me conseillait souvent pendant qu’on renégociait l’ALENA, dans des moments très incertains. 

Au milieu d’une semaine particulièrement houleuse, il m’a encouragé à garder le cap. 

Je l’entends encore me dire au téléphone : « Justin, souviens-toi de ce que ton père disait : que c’est en fin de soirée qu’on reconnaît les meilleurs danseurs. » 

C’était une leçon de discipline, de détermination, et de persévérance.

Aujourd’hui, c’est la fin de la soirée d’un géant. 

Mais on va toujours se souvenir que, grand danseur et chorégraphe, il a tracé la voie pour les générations à venir. 

C’est la fin de la soirée d’un géant, mais la musique continue. 

En sa mémoire, c’est à nous tous, chacun à notre manière, de poursuivre le travail vers un Canada toujours plus ambitieux, toujours meilleur. 

Merci.