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Examen des rôles de ministre de la Justice et de procureur général du Canada

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Préparé par L’honorable Anne McLellan, C.P., O.C., A.O.E 
Le 28 juin 2019


Table des matières


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Sommaire

Le 18 mars 2019, le premier ministre du Canada m’a désignée conseillère spéciale sur les rôles de ministre de la Justice et de procureur général du Canada.

Voici plus exactement le mandat qu’on m’a confié :

  1. évaluer la structure en place depuis la Confédération, dans le cadre de laquelle les rôles de ministre de la Justice et de procureur général sont exercés par une seule et même personne, afin de déterminer s’il convient d’y apporter des changements législatifs ou opérationnels;
  2. examiner les politiques et pratiques de fonctionnement au sein du Cabinet ainsi que le rôle des fonctionnaires et du personnel politique dans leurs interactions avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada.

Pour mener à bien ce mandat, j’ai consulté une vaste gamme d’experts : des universitaires, d’anciens représentants du gouvernement, des représentants toujours en poste, du personnel politique, des avocats, des fonctionnaires et des universitaires du Royaume-Uni et de l’Australie, ainsi que la plupart de ceux qui ont exercé les fonctions de procureur général du Canada au cours des 25 dernières années.

J’ai aussi examiné la littérature traitant du rôle de procureur général au Canada et ailleurs dans le monde.

À mon avis, il n’existe aucun système de gestion des décisions en matière de poursuite qui puisse nous protéger complètement d’une possible ingérence partisane tout en assurant une reddition de comptes au public.

Je ne crois pas qu’il faille apporter de nouvelles modifications à la structure au Canada pour protéger l’indépendance du poursuivant et favoriser la confiance du public dans le système de justice pénale. La législation, la formation, les protocoles, les normes culturelles, les principes constitutionnels et la transparence à l’égard du public ont tous un rôle à jouer. La Loi sur le directeur des poursuites pénales prévoit de solides protections structurelles contre l’ingérence politique. L’intégrité personnelle du procureur général est aussi essentielle. En fait, il s’agit probablement de l’élément le plus important d’un système qui vise à protéger la primauté du droit.

Le modèle prévoyant qu’une seule personne exerce à la fois les rôles de ministre de la Justice et de procureur général du Canada a été adopté délibérément à l’époque de la Confédération, et ce, pour de bonnes raisons. Notre système tire profit du fait de confier à une seule personne la responsabilité des principaux éléments du système de justice. En effet, la jonction des deux rôles crée d’importantes synergies. La personne qui les exerce obtient une perspective d’ensemble du système qui n’existerait pas si les rôles étaient divisés; il en est de même pour les avocats et experts en politique qui travaillent ensemble au ministère de la Justice.

Le fait d’exclure le procureur général du Cabinet aurait aussi une incidence sur la crédibilité et la qualité des conseils juridiques qu’il formule[1]. Selon moi, les membres du Cabinet sont plus susceptibles de porter attention aux conseils juridiques d’un procureur général qui est aussi membre du Cabinet, puisqu’ils savent que celui‑ci comprend le contexte politique dans lequel ils travaillent. De plus, les conseils du procureur général sont probablement plus éclairés et, par conséquent, plus utiles pour le Cabinet.

Je suis d’avis qu’on peut répondre à chacune des préoccupations liées à la jonction des rôles en établissant un protocole complet de consultation ministérielle sur l’intérêt public, en mettant sur pied un programme de formation sur le rôle de procureur général et les questions connexes à l’intention des ministres et d’autres employés, en formulant un nouveau serment professionnel pour le ministre de la Justice et procureur général du Canada qui tiendrait compte du rôle unique du procureur général, ainsi qu’en modifiant la Loi sur le ministère de la Justice, le manuel des procureurs fédéraux et le document Pour un gouvernement ouvert et responsable, qui sert de guide aux membres du Cabinet relativement à leurs rôles et responsabilités.

Recommandations :

J’ai formulé des conseils sur les détails de ce protocole dans mon rapport.

  1. Je recommande que le procureur général du Canada élabore un protocole détaillé régissant les consultations ministérielles menées dans le cadre de poursuites particulières. Ce protocole devrait s’appliquer aux ministres, à leur personnel, au Bureau du greffier du Conseil privé et à la fonction publique. Il devrait répondre aux questions suivantes :
    1. Qui est autorisé à lancer des consultations?
    2. Qui détermine le processus relatif à ces consultations?
    3. Où et quand ont lieu les consultations?
    4. Qui est autorisé à participer aux discussions de consultation?
    5. Quelle est la portée des discussions?
    6. Quelles sont les options et obligations du procureur général en réponse à de telles consultations?
  2. Je recommande que le Guide du Service des poursuites pénales du Canada et la directive de 2014 sur les avis en vertu de l’article 13 qu’il contient soient mis à jour afin d’apporter les clarifications suivantes :
    1. Les avis en vertu de l’article 13 sont protégés par privilège.
    2. Le procureur général peut communiquer des avis en vertu de l’article 13 au sous‑ministre de la Justice ou à d’autres personnes, afin d’obtenir des conseils sur la question de savoir s’il doit exercer son autorité pour donner une directive ou prendre en charge une poursuite, sans que cela n’ait d’incidence sur leur statut privilégié.
    3. Le procureur général peut demander des renseignements supplémentaires au directeur des poursuites pénales sur réception d’un avis en vertu de l’article 13.
    4. Le procureur général peut donner des directives précises ou prendre en charge une poursuite pour des motifs d’intérêt public ou s’il est d’avis qu’il n’existe aucune perspective raisonnable d’obtenir une déclaration de culpabilité.
  3. Je recommande que le procureur général soit encouragé à expliquer les raisons pour lesquelles il donne une directive ou prend en charge une poursuite, ou s’abstient de le faire, dans les cas qui soulèvent un important intérêt public. La façon de faire et le moment de le faire seront dictés par le contexte.
  4. Je recommande la création de deux programmes de formation. Tous les parlementaires devraient suivre une formation sur le rôle du procureur général. De plus, le premier ministre devrait s’assurer que les membres du Cabinet, leurs employés et les autres responsables concernés du gouvernement reçoivent une formation plus intensive, au cours de laquelle ils seront notamment appelés à étudier des cas pratiques. Cette formation devrait également être fournie aux nouveaux ministres et à leurs employés à la suite de remaniements ministériels et de mouvements de personnel. Elle devrait notamment aborder :
    1. Le rôle de chaque participant dans la protection et la promotion de la primauté du droit;
    2. La position unique du ministre de la Justice et procureur général du Canada;
    3. Le rôle du procureur général, du directeur des poursuites pénales et des procureurs individuels, particulièrement en ce qui concerne leur indépendance dans la prise de décisions à l’égard de poursuites en particulier;
    4. Les conséquences d’une ingérence liée au pouvoir discrétionnaire de la poursuite;
    5. L’approche à adopter pour consulter le procureur général du Canada et le directeur des poursuites pénales relativement à l’intérêt public lié à une poursuite en particulier.
  5. Je recommande que les modifications suivantes soient apportées à Pour un gouvernement ouvert et responsable :
    1. Placer à l’avant‑plan la question de la primauté du droit et le rôle unique du procureur général, y compris ses obligations au regard de la Charte des droits et libertés et son indépendance à l’égard des décisions en matière de poursuite.
    2. Expliquer plus clairement que pratiquement toutes les décisions en matière de poursuite sont prises par le directeur des poursuites pénales et ses agents désignés, sans que le procureur général prenne part au processus.
    3. Insister sur le fait que, bien que le procureur général ait le pouvoir de donner des directives dans des cas particuliers ou de prendre en charge une poursuite, ce pouvoir n’est exercé que dans des circonstances exceptionnelles et n’a en fait jamais été exercé à l’échelle fédérale.
    4. Expliquer également que, légalement, à des fins de protection de l’indépendance du poursuivant et de responsabilité politique, l’exercice de tels pouvoirs par le procureur général doit se faire en toute transparence, par l’intermédiaire d’un avis public écrit qui sera publié dans la Gazette du Canada. On s’attend à ce que le procureur général puisse répondre de sa décision d’exercer ses pouvoirs devant le Parlement.
    5. Remplacer la description actuelle des consultations ministérielles par le protocole que je recommande.
  6. Je recommande que le serment professionnel du ministre de la Justice et procureur général du Canada soit modifié afin de faire précisément référence au rôle unique du procureur général en ce qui concerne le maintien de la primauté du droit, la formulation de conseils juridiques indépendants et la prise de décisions en toute indépendance à l’égard des poursuites.
  7. Je recommande que des modifications soient apportées à la Loi sur le ministère de la Justice afin de faire explicitement mention de l’indépendance constitutionnelle du procureur général dans l’exercice de ses pouvoirs en matière de poursuite, du fait que ses conseils juridiques au Cabinet doivent être exempts de toute considération partisane et du fait que ces obligations ont préséance sur ses autres fonctions.
  8. Je recommande que le titre « ministère de la Justice » soit remplacé par « ministère de la Justice et Bureau du procureur général du Canada ». Cette modification devrait également être prise en compte dans le titre de la Loi sur le ministère de la Justice.

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Introduction

Depuis la Confédération, la personne qui occupe le poste de ministre de la Justice au sein du gouvernement fédéral occupe aussi celui de procureur général du Canada. Le procureur général du Canada joue un rôle unique et extrêmement important. En tant que personne chargée de défendre la primauté du droit, il est le noyau d’un gouvernement responsable; il veille à ce que toutes les mesures prises par le gouvernement respectent la Constitution, y compris la Chartre des droits et libertés.

Compte tenu de cette responsabilité, et en raison des préoccupations du public quant à la capacité de notre système d’éviter une éventuelle ingérence dans les décisions du poursuivant, le premier ministre m’a nommée en tant que conseillère spéciale sur les rôles de ministre de la Justice et de procureur général du Canada.

Voici plus exactement le mandat qu’on m’a confié :

  1. évaluer la structure en place depuis la Confédération, dans le cadre de laquelle les rôles de ministre de la Justice et de procureur général du Canada sont exercés par une seule et même personne, afin de déterminer s’il convient d’y apporter des changements législatifs ou opérationnels;
  2. examiner les politiques et pratiques de fonctionnement au sein du Cabinet ainsi que le rôle des fonctionnaires et du personnel politique dans leurs interactions avec le ministre de la Justice et procureur général du Canada.

J’ai réalisé cet examen en tenant compte de certains éléments.

Premièrement, je ne procède pas à une enquête sur l’affaire SNC-Lavalin. Cependant, je suis consciente que ce mandat m’a été donné en raison du manque apparent de clarté quant à la relation entre le gouvernement et le ministre de la Justice et procureur général dans cette affaire. Ainsi, je me concentrerai principalement sur les questions touchant les poursuites criminelles. Étant donné que les responsabilités du procureur général et ministre de la Justice ne se limitent pas aux poursuites, je ferai également des commentaires sur ces autres fonctions qu’il exerce.

Deuxièmement, j’adresse au premier ministre des conseils en matière de politique et d’organisation gouvernementale à l’égard des deux questions qu’il m’a demandé d’examiner, plutôt que de présenter une analyse juridique détaillée.

Troisièmement, d’autres juridictions ont choisi des façons différentes de structurer les fonctions de procureur général et de ministre de la Justice. Ces choix reflètent l’histoire, les politiques et les traditions juridiques de ces juridictions. Il n’est pas judicieux de simplement transplanter un modèle dans un contexte différent.

Quatrièmement, tous les gouvernements réorganisent les fonctions des ministères de temps en temps afin de s’adapter à des exigences changeantes. Toutefois, il faut reconnaître que ces changements ont des coûts en termes d’efficacité. Il peut s’écouler de nombreuses années avant qu’ils soient complètement mis en œuvre. L’on ne saurait entreprendre de changement sans avoir une idée précise du résultat espéré.

Cinquièmement, lors de la création du Bureau du directeur des poursuites pénales (DPP) en 2006, on a procédé au plus important changement organisationnel du système de justice fédéral des 50 dernières années[2]. Les consultations que j’ai menées ont démontré un haut niveau de satisfaction à l’égard de l’organisme distinct chargé des poursuites pénales, qui est maintenant indépendant du ministère de la Justice. Mes recommandations ont été conçues afin d’être cohérentes avec le modèle du DPP.

Sixièmement, je suis d’avis que toute proposition de changement doit être évaluée en fonction des objectifs suivants :

  • Est-ce que la proposition renforce l’indépendance de la fonction de poursuivant et la perception d’indépendance?
  • Est-ce que la proposition clarifie les rôles et les responsabilités en matière de poursuites?
  • Est-ce que la proposition renforce un système de gouvernance qui favorise la primauté du droit?

Enfin, je crois qu’il est important d’examiner une variété d’instruments qui peuvent contribuer à l’atteinte de ces objectifs, notamment des réformes organisationnelles, législatives, stratégiques ou en matière de formation.

Pour m’aider au cours de cet examen, j’ai réuni une petite équipe : un ancien sous‑ministre de la Justice du Canada, une ancienne sous-ministre déléguée de la Justice du Canada, spécialiste du rôle de procureur général, ainsi qu’une avocate qui a de l’expérience en matière d’examens de l’administration de la justice. Leurs notices biographiques se trouvent à l’annexe A.

J’ai aussi décidé qu’avant de formuler des recommandations, je devais tenir de vastes consultations. Mon équipe et moi avons passé plusieurs semaines à discuter avec des professeurs de droit, des chercheurs en sciences politiques, des fonctionnaires fédéraux et provinciaux, anciens ou actuels, du personnel politique, des avocats, ainsi que d’autres experts qui nous ont généreusement consacré du temps et nous ont fait profiter de leur sagesse. Cet important groupe d’experts comprenait plusieurs anciens procureurs généraux du Canada. J’ai énuméré à l’annexe B les personnes que nous avons consultées. Durant ces consultations, nous avons reçu l’appui significatif de M. Kent Roach, professeur à la faculté de droit de l’Université de Toronto, et de M. Adam Dodek, doyen de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Ils ont tous deux généreusement accepté d’animer conjointement avec moi une table ronde d’experts à leur faculté de droit. Ces tables rondes, qui ont duré toute la journée, ont été l’occasion de tenir des discussions animées sur le rôle de procureur général, la signification et l’importance de l’indépendance du poursuivant et de la primauté du droit, le risque de conflits et d’ingérence, l’historique des efforts déployés pour se protéger contre l’ingérence, ainsi que les répercussions qu’auraient d’autres changements structurels sur la fonction et l’efficacité des ministères. Ces discussions m’ont beaucoup aidée à comprendre les facteurs que je dois prendre en considération pour formuler mes recommandations.

Pour comprendre comment d’autres pays ont trouvé un équilibre entre les principes d’indépendance et de responsabilité, j’ai pris connaissance d’études internationales sur le sujet et j’ai parlé à des experts d’autres pays. M. Philip C. Stenning, un des grands experts sur les approches utilisées au Canada et à l’étranger pour protéger l’indépendance du poursuivant, nous a parlé à plusieurs reprises. La haute-commissaire du Canada au Royaume-Uni et son personnel ont gentiment organisé diverses conversations avec des fonctionnaires du Royaume-Uni et de l’Australie.

Je dois aussi souligner que j’ai indiqué à toutes les personnes consultées que la « règle de Chatham House » s’appliquait, afin de les inciter à parler librement[3]. Cela signifie que je ferai part des points de vue sans les associer à qui que ce soit, sauf si la personne concernée m’a expressément donné la permission de le faire.

Mon équipe et moi avons aussi réalisé un examen exhaustif de la littérature et de la jurisprudence canadienne portant sur les questions pertinentes pour mon mandat. L’annexe C dresse une liste des articles, livres, lois et guides que nous avons consultés.

Ces diverses sources d’information m’ont été très utiles. Cependant, je suis la seule responsable des opinions et des recommandations formulées dans le présent rapport.


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Le cadre canadien actuel

Les démocraties de partout dans le monde ont adopté différentes approches pour concilier l’indépendance du processus décisionnel en matière de poursuites et la responsabilité politique. Le professeur canadien John Edwards, qui était l’un des experts les plus renommés quant au rôle de procureur général, a souligné qu’il existe un [traduction] « nombre déconcertant » de façons de définir les rôles de procureur général, de ministre de la Justice et de directeur des poursuites pénales (lorsque cette fonction existe)[4]. Le professeur Edwards affirme que la différence entre les approches reflète les [traduction] « aspirations politiques, l’expérience et l’attachement aux idéaux démocratiques » de chaque pays et soutient que ces différences mettent en lumière les dangers de la recherche d’une solution simpliste à des problèmes réels ou perçus dans l’administration de la justice au Canada[5].

Les rôles du ministre de la Justice et procureur général du Canada

Le ministre qui occupe le poste de ministre de la Justice a toujours occupé le poste de procureur général du Canada et a toujours été membre du Cabinet. De même, le titulaire de cette charge publique fédérale a toujours eu une formation juridique, et je crois qu’il est important de poursuivre cette tradition.

Bien que les deux postes soient souvent désignés comme des postes fusionnés ou conjoints, il est plus exact de dire qu’il s’agit de postes distincts occupés par une seule personne.

On dit de la personne occupant ces deux postes qu’elle est chargée de promouvoir et de protéger la primauté du droit[6]. La Cour suprême du Canada a défini la primauté du droit comme assurant aux citoyens et aux résidents « une société stable, prévisible et ordonnée » qui fournit aux personnes un rempart contre l’arbitraire de l’État[7]. Cela signifie que l’État ne peut exercer son pouvoir à l’encontre de personnes qu’en conformité avec la loi. La primauté du droit requiert également que l’État rende compte au public de la manière dont il exerce ces pouvoirs. 

Certaines responsabilités relèvent manifestement du ministre de la Justice, alors que d’autres relèvent manifestement du procureur général. Toutefois, lors de mes consultations, j’ai constaté que les opinions diffèrent sur les fonctions liées à chaque rôle – procureur général du Canada ou ministre de la Justice. L’élaboration de politiques en matière de justice incombe au ministre de la Justice, tandis que la conduite des litiges relève du procureur général du Canada. Cependant, d’autres responsabilités qui ont traditionnellement été considérées comme relevant du procureur général du Canada, y compris la prestation d’avis juridiques au Cabinet et de conseils sur la conformité de certaines mesures gouvernementales ou de certains projets de loi à la Charte relèvent en fait de la responsabilité du ministre de la Justice en vertu de la Loi sur le ministère de la Justice.

Le procureur général du Canada

Le poste de procureur général a vu le jour il y a plusieurs siècles en Angleterre, et la personne occupant ce poste était chargée de représenter le roi dans des instances judiciaires. Pour cette raison, le procureur général est souvent appelé le premier conseiller juridique de la Couronne[8].

Le procureur général est chargé de fournir des conseils juridiques au gouvernement et de mener des litiges civils. Une partie essentielle du portefeuille du procureur général du Canada est la surveillance de la fonction fédérale de poursuivant. Je parlerai davantage de cette fonction plus loin.

Dans son rôle de premier conseiller juridique de la Couronne, le procureur général n’est pas redevable à un gouvernement en particulier. Il est tenu d’agir conformément à la loi et à l’intérêt public général, et non en fonction d’intérêts personnels ou partisans. 

La définition d’« intérêt partisan » est importante. Le professeur Edwards décrit l’intérêt partisan de la manière suivante :

[Les considérations partisanes constituent] tout ce qui s’inspire du souci d’avancement, de la sympathie que le procureur général porte à un collègue en politique ou aux aléas de son parti ou du gouvernement au pouvoir[9].

Les intérêts non partisans s’entendent notamment « [du] maintien de relations internationales harmonieuses, [de] la réduction des conflits entre les groupes ethniques, [du] maintien de la paix industrielle et, en général, [de] l’intérêt public […] »[10]. Ils comprennent les intérêts du public au sens large et vont au-delà de ceux d’un seul groupe politique.

La définition d’« intérêt public » est propre au contexte. Le Guide du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), le manuel destiné aux procureurs fédéraux, comprend des exemples de considérations d’intérêt public, notamment l’incidence sur les victimes et la nature du préjudice causé par l’infraction alléguée[11]. L’intérêt public au sens large peut également inclure l’incidence d’une poursuite sur les relations internationales ou la sécurité nationale. Il n’existe aucune définition unique de l’intérêt public, étant donné que cette notion dépend du contexte propre à un cas donné[12]. Comme l’a affirmé la baronne Hale de Richmond dans la décision R (Corner House Research) c. Director of the Serious Fraud Office, [traduction] « l’"intérêt public" est souvent invoqué, mais il n’est pas facile de le définir de façon précise. Il doit s’agir d’une question importante pour le public dans son ensemble, et non simplement pour un particulier. »[13]

Je prends note du commentaire du professeur Stenning selon lequel [traduction] « même si cette distinction [entre l’intérêt partisan et l’intérêt public] peut sembler superficiellement attrayante et simple, en pratique, elle n’est pas toujours facile à appliquer à des situations données »[14]. Il en est ainsi parce que, dans bien des cas, l’approche adoptée peut profiter au public tout en servant des intérêts partisans. L’opinion publique sera l’arbitre final pour déterminer si la principale motivation est non partisane.

L’ancien procureur général de l’Ontario Roy McMurtry a affirmé que les procureurs généraux sont avant tout des [traduction] « serviteurs de la loi, chargés de protéger et d’améliorer l’administration juste et impartiale de la justice, de protéger les droits civils et de maintenir la primauté du droit »[15].

Un autre procureur général de l’Ontario, Ian Scott, a mis l’accent sur le fait que le rôle du procureur général – c’est‑à‑dire l’obligation de faire respecter la primauté du droit – passe toujours en premier :

[traduction] [L]e procureur général est avant tout le premier conseiller juridique de la Couronne et […] les pouvoirs et les devoirs de cette fonction ont préséance sur toute autre fonction qui pourrait découler de son rôle additionnel de ministre de la Justice et membre du Cabinet[16].

De plus, l’intégrité personnelle du procureur général revêt une grande importance. Durant mes consultations, il a souvent été mentionné que l’intégrité personnelle du procureur général était essentielle à son rôle. Cela signifie que le procureur général doit faire preuve de courage dans la prestation d’avis juridiques, peu importe les conséquences. Le professeur Edwards a souligné que le caractère du procureur général est également essentiel pour se protéger contre l’ingérence partisane :

[traduction] Compte tenu de mon examen de l’administration de la justice dans un vaste échantillon de pays du Commonwealth […], je suis convaincu que, peu importe les garanties constitutionnelles bien établies, en dernière analyse, c’est la force de caractère, l’intégrité personnelle et l’engagement profond à l’égard des principes d’indépendance et de représentation impartiale de l’intérêt public des titulaires de la charge de procureur général qui revêtent la plus grande importance[17].

Le ministre de la Justice

Aux termes de la Loi sur le ministère de la Justice, le ministre de la Justice est le conseiller juridique du gouverneur général, ce qui signifie qu’en pratique, il est le conseiller juridique du Cabinet[18]. De plus, le ministre de la Justice est responsable de l’élaboration de la politique en matière de justice.

Le ministre de la Justice est également le chef administratif du ministère de la Justice du Canada. L’organigramme du ministère de la Justice figure à l’annexe D.

Le ministère de la Justice a pour mandat de soutenir la double fonction de ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est responsable de l’élaboration de politiques, comme la politique juridique applicable aux Autochtones, la réforme du droit pénal, le droit de la famille et l’accès à la justice, pour ne nommer que ceux‑là. Il est également chargé de rédiger des lois et des règlements, de mener des litiges, de fournir des avis juridiques à d’autres ministères, ainsi que d’examiner des questions internationales, dont l’extradition et l’entraide juridique mutuelle.

Le ministre de la Justice est également responsable de plusieurs agents indépendants et organismes liés à la justice, comme le commissaire à la protection de la vie privée et la Commission canadienne des droits de la personne[19]. Le ministre de la Justice est aussi chargé de recommander des nominations à la magistrature.

En 1985, la Loi sur le ministère de la Justice a été modifiée pour conférer au ministre de la Justice la responsabilité d’examiner les projets de loi afin de déterminer s’il y a une incompatibilité entre ceux‑ci et la Charte canadienne des droits et libertés et de signaler toute semblable incompatibilité à la Chambre des communes[20]. En outre, le ministère de la Justice fournit au Parlement des énoncés expliquant pourquoi un projet de loi est conforme à la Charte[21].

Le ministre de la Justice peut être perçu comme ayant des obligations différentes de celles des autres ministres du Cabinet. Comme l’énoncent les notes du Cahier d’information à l’intention du ministre de la Justice, le ministre de la Justice doit « être libre d’exercer son jugement politique à titre de membre du Cabinet, sauf en ce qui a trait à la prestation de conseils juridiques, qui doivent être indépendants et non partisans »[22].

Le procureur général et le Service des poursuites pénales du Canada

Le procureur général du Canada est responsable des poursuites pénales fédérales[23]. Le pouvoir du procureur général d’intenter des poursuites est délégué au directeur des poursuites pénales (DPP), le chef du SPPC. Selon la Cour suprême du Canada, le rôle du procureur général en matière de poursuites « reflète, de par sa fonction de poursuivant, l’intérêt de la collectivité à faire en sorte que justice soit adéquatement rendue […] [et] consiste non seulement à protéger le public, mais également à honorer et à exprimer le sens de justice de la collectivité »[24].

Les gouvernements provinciaux intentent les poursuites relativement à la vaste majorité des infractions au Code criminel. Nombre de poursuites pénales fédérales sont intentées en vertu de lois réglementaires fédérales, comme la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la concurrence et la Loi sur les pêches. Pour certaines infractions au Code criminel, comme le terrorisme, le crime organisé et le blanchiment d’argent, la compétence d’intenter des poursuites est partagée avec les provinces. Le SPPC intente les poursuites relativement aux infractions au Code criminel au nom des gouvernements territoriaux des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du Yukon[25].

Indépendance du poursuivant

Bien que la police dépose habituellement les accusations criminelles, le poursuivant a le pouvoir de les retirer, de les reporter ou de les modifier. Il décide également de la peine à recommander au juge lorsqu’une déclaration de culpabilité est prononcée. Bien que le critère exact varie d’une province à l’autre, le poursuivant fédéral ne peut déposer d’accusations qu’après avoir répondu à deux questions. Il doit d’abord se demander si, au vu de la preuve, il y a une possibilité raisonnable d’obtenir une déclaration de culpabilité. S’il est d’avis de répondre par l’affirmative, il doit ensuite se demander s’il est dans l’intérêt public d’intenter des poursuites. En effet, à elle seule, la possibilité raisonnable d’obtenir une déclaration de culpabilité ne signifie pas que des poursuites seront intentées.

Ce pouvoir de prendre des décisions en matière de poursuites, qui est appelé le « pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite », emporte une grande responsabilité. Comme l’explique le Manuel de la poursuite de la Couronne de l’Ontario[26] :

Décider de continuer ou de cesser une poursuite peut constituer l’une des décisions les plus difficiles que doit prendre [le poursuivant]. Ce dernier doit faire preuve d’objectivité, d’indépendance et d’équité dans chaque cas afin qu’une décision de principe soit prise. Il faut mettre en équilibre les intérêts concurrents, donc ceux du public, de la partie accusée et de la victime.

Comme le poursuivant est tenu de prendre des décisions de façon équitable, objective et dans le respect des règles juridiques, les décisions en matière de poursuites sont souvent qualifiées de « quasi‑judiciaires ». Ces décisions commandent une grande déférence en cas de contrôle judiciaire[27].

Au Canada, le procureur général a le pouvoir d’infirmer les décisions des poursuivants, bien qu’en pratique, ce pouvoir n’a été exercé que dans des circonstances exceptionnelles. À l’instar des poursuivants, le procureur général exerce des fonctions quasi‑judiciaires lorsqu’il prend des décisions en matière de poursuites[28]. C’est pourquoi il doit prendre ces décisions de façon indépendante.

La Cour suprême assimile le principe de l’indépendance du poursuivant à un principe constitutionnel :

L’importance du pouvoir d’intenter et de gérer des poursuites, ainsi que d’y mettre fin, qui est au cœur du rôle du procureur général, fait en sorte que l’on s’attend à ce qu’il soit libre, à cet égard, de toute pression politique de la part du gouvernement […]

Dans notre pays, un principe constitutionnel veut que le procureur général agisse indépendamment de toute considération partisane lorsqu’il supervise les décisions d’un procureur du ministère public[29].

Dans les pays où l’indépendance du poursuivant n’est pas respectée, la police et les poursuivants peuvent être tenus de poursuivre les adversaires politiques du gouvernement ou de mettre un terme aux poursuites contre les amis du gouvernement, ou peuvent subir des pressions en ce sens[30].

Sir Hartley Shawcross, qui a été procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles, est la source la plus souvent citée pour expliquer comment appliquer le principe d’indépendance. En 1951, il a déclaré ce qui suit :

[traduction] À mon avis, le principe applicable peut s’énoncer de la façon suivante. Pour décider s’il y a lieu d’autoriser la poursuite, le procureur général doit se familiariser avec tous les faits pertinents, par exemple, l’effet que la poursuite, qu’elle réussisse ou non, est susceptible d’avoir sur le moral de la population et l’ordre public, ainsi qu’avec tout autre aspect touchant l’intérêt public.

Pour ce faire, il peut – sans y être tenu à mon avis – consulter l’un ou l’autre de ses collègues au gouvernement; en fait, comme l’a dit un jour lord Simon, il serait même imprudent de ne pas le faire dans certains cas. Mais ses collègues peuvent seulement l’informer d’éléments particuliers susceptibles d’influer sur sa décision; leur assistance ne consiste pas (et ne doit pas consister) à lui dire quelle devrait être sa décision. La responsabilité d’une décision éventuelle incombe au procureur général et celui‑ci ne doit pas être, et n’est pas, sujet à des pressions de la part de ses collègues à cet égard.

Le procureur général ne peut pas non plus, il va sans dire, se décharger sur ses collègues de la responsabilité de prendre une décision. Si des considérations politiques se présentent et, au sens large que j’ai indiqué, influent sur le gouvernement d’un point de vue théorique, c’est le procureur général qui doit en être le seul juge et les aborder d’un point de vue judiciaire[31].

Le juge Marc Rosenberg a expliqué le « principe Shawcross », tel qu’il est désormais connu, de la façon suivante :

[traduction] Premièrement, le procureur général doit tenir compte de tous les faits pertinents, y compris de l’effet que la poursuite, qu’elle réussisse ou non, pourrait avoir sur l’opinion et l’ordre publics – que l’on appellerait probablement aujourd’hui l’intérêt public. Deuxièmement, le procureur général n’est pas tenu de consulter ses collègues du Cabinet, mais il a le droit de le faire. Troisièmement, l’aide de ses collègues du Cabinet doit se limiter à des conseils, et non à des directives. Quatrièmement, la responsabilité d’une décision incombe au procureur général et à lui seul; le gouvernement ne doit pas exercer de pressions sur lui. Cinquièmement, et fait tout aussi important, le procureur général ne peut pas faire porter la responsabilité de la décision au Cabinet[32].

Comme l’a expliqué en 1978 l’ancien procureur général du Canada Ron Basford, le procureur général doit s’assurer de faire fi de toute considération basée sur des vues étroites et partisanes et de faire abstraction des conséquences politiques pour lui-même ou pour d’autres[33].

Ce principe a été accepté par les procureurs généraux fédéraux et provinciaux. Il a également été étayé par la jurisprudence et par de nombreux articles portant sur le rôle du procureur général dans les poursuites pénales[34].

Obligation de rendre compte

L’autre principe essentiel qui entre en ligne de compte dans l’examen du rôle du procureur général est l’obligation de rendre compte[35]. Dans une démocratie, les membres du gouvernement qui exercent le pouvoir de l’État doivent rendre compte de leurs actes au public. Compte tenu du pouvoir discrétionnaire large dont jouissent les poursuivants, la confiance du public dans le système de justice commande qu’ils rendent des comptes lorsqu’ils exercent ce pouvoir[36].

L’obligation de rendre compte se présente sous de nombreuses formes. D’une part, le DPP rend compte au procureur général. D’autre part, le procureur général rend compte au public par l’entremise du Parlement[37]. Le professeur Edwards a expliqué que cette responsabilité politique était aussi importante que le principe de l’indépendance du poursuivant[38].

Les décisions de politique générale du gouvernement sont considérées comme étant la responsabilité collective de tous les membres du Cabinet. Toutefois, étant donné que, dans des poursuites en particulier, le procureur général prend des décisions à lui seul et de façon indépendante, la responsabilité à l’égard de ces décisions est personnelle.

L’obligation de rendre compte est nécessaire pour garantir le droit démocratique des citoyens de déterminer si les pouvoirs de l’État sont exercés correctement. Cette obligation sert aussi à protéger et à promouvoir l’indépendance du poursuivant. Les procureurs généraux sont moins susceptibles de prendre des décisions pour des raisons partisanes s’ils doivent rendre compte publiquement de ces décisions. Ils sont également moins susceptibles d’abuser de cette indépendance en rendant des décisions en matière de poursuites dans leur intérêt personnel ou à d’autres fins abusives.

Le juge Rosenberg a fait observer que les principes de l’indépendance du poursuivant et de l’obligation de rendre compte [traduction] « sont essentiels pour une bonne administration de la justice », mais qu’ils ne sont pas toujours bien compris, même par les membres du Cabinet[39].

Indépendance du poursuivant en pratique

Traditionnellement, le Canada a préservé l’indépendance du processus décisionnel en matière de poursuites au moyen de principes, de conventions, d’arrangements institutionnels, de guides écrits et de normes de comportement qui se renforcent les uns les autres.

Le premier et le plus important, bien entendu, est le principe constitutionnel selon lequel les poursuivants, y compris le procureur général, sont indépendants et doivent être libres de toute ingérence ou directive politique partisane.

Deuxièmement, presque toutes les décisions en matière de poursuites sont prises soit par les poursuivants du ministère public, soit par leurs supérieurs dans le service des poursuites. Il est très exceptionnel que le procureur général prenne part aux décisions en matière de poursuites. Cela protège l’indépendance du processus décisionnel en matière de poursuites, et protège aussi le procureur général contre des accusations d’intervention injustifiée.

L’indépendance est aussi protégée par une convention administrative, aux termes de la laquelle les hauts fonctionnaires protègent les poursuivants d’une ingérence par le procureur général ou le personnel politique[40]. Le juge Rosenberg a fait observer que cette convention [traduction] « est peut‑être aussi importante que toute convention constitutionnelle sur l’indépendance du poursuivant à l’égard des influences partisanes indues[41] ».

Dans le contexte fédéral, le Guide du SPPC explique en détail les principes de l’indépendance du poursuivant, de l’obligation de rendre compte du procureur général et des mécanismes institutionnels et administratifs au moyen desquels ces principes sont préservés. Les procureurs fédéraux sont tenus de suivre les politiques énoncées dans le Guide[42].

Je me suis entretenue avec la plupart de ceux qui ont occupé le poste de procureur général du Canada au cours des 25 dernières années[43] et avec bon nombre d’anciens chefs et de chefs actuels des services des poursuites pour le Canada et les provinces. Il y a eu un large consensus selon lequel les décisions en matière de poursuites ont été prises de façon indépendante. Les anciens procureurs généraux étaient tous d’accord sur le fait qu’il n’était pas approprié pour eux d’infirmer les décisions des chefs de la poursuite dans des cas précis, à moins de circonstances exceptionnelles.

La Loi sur le directeur des poursuites pénales

En 2006, le gouvernement fédéral a apporté un changement important à la structure du système fédéral de poursuites en édictant la Loi sur le directeur des poursuites pénales (la Loi sur le DPP)[44], qui a pour modèle des lois similaires édictées en Nouvelle-Écosse, au Québec, en Colombie-Britannique et en Australie[45].

Le ministre de la Justice de l’époque, l’honorable Vic Toews, a expliqué la raison d’être de la loi en ces termes :

Le projet de loi vise à […] assurer non seulement que les décisions d’un procureur du ministère public sont à l’abri de préoccupations partisanes, mais aussi qu’elles paraissent manifestement et indubitablement l’être.

Nous n’insinuons pas que l’indépendance du ministère public fédéral a été compromise. Les hommes et les femmes du Service fédéral des poursuites ont préservé fidèlement cette indépendance. Nous ne sommes pas ici pour corriger des problèmes qui se sont déjà posés, mais pour prévenir ceux qui pourraient survenir à l’avenir. Cette stratégie semble être plus prudente, et nous voulons assurer à la population canadienne que le Service fédéral des poursuites est indépendant[46].

La Loi sur le DPP a retiré au ministère de la Justice le service fédéral des poursuites pénales pour en faire un organisme indépendant dirigé par le DPP. Ce dernier occupe le rang de sous-ministre. Il est nommé sur recommandation d’un comité de sélection constitué de représentants de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, de chacun des partis politiques reconnus à la Chambre des communes, du sous-ministre de la Justice, du sous-ministre du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, ainsi que d’une personne choisie par le procureur général[47].

Le DPP est nommé pour une période de sept ans, et son mandat ne peut être renouvelé. Il s’agit d’une mesure de protection importante qui permet au DPP de résister à toute ingérence inappropriée[48].

Il est difficile, mais pas impossible, de révoquer le DPP. La révocation doit être motivée et appuyée par la majorité de la Chambre des communes[49] (au Québec, la loi exige la majorité des deux tiers de l’Assemblée nationale pour que soit révoqué le directeur du service de poursuites de la province)[50]. Même un gouvernement majoritaire attirerait grandement l’attention du public en tentant de révoquer le DPP; il est donc peu probable que cela se produise en l’absence d’incompétence, de comportement inapproprié ou d’incapacité du DPP.

Le DPP donne des directives aux poursuivants fédéraux sur la conduite générale des poursuites, conseille les organismes d’enquête comme la Gendarmerie royale du Canada et communique avec les médias et le public relativement aux poursuites fédérales.

Les poursuivants qui font partie du service fédéral des poursuites relèvent du DPP, qui a le pouvoir de les embaucher, de les renvoyer et de leur imposer des mesures disciplinaires. Le DPP peut aussi embaucher des experts et des avocats externes pour mener les poursuites, sans avoir à obtenir l’approbation du procureur général. Le DPP est tenu de présenter un rapport annuel au procureur général, lequel est ensuite déposé au Parlement.

 

Avis prévus à l’article 13 de la Loi sur le DPP

L’article 13 de la Loi sur le DPP exige que le DPP informe le procureur général de toute poursuite ou intervention « soulevant d’importantes questions d’intérêt général[51] » qu’il se propose de faire. Ces avis servent un double objectif. D’une part, ils fournissent au procureur général des renseignements sur les dossiers importants. D’autre part, ces renseignements permettent au procureur général de décider d’exercer ou non son pouvoir de prendre la poursuite en charge.

Kathleen Roussel, la directrice des poursuites pénales actuelle, m’a expliqué qu’elle avait envoyé 62 avis de cette nature en 2018. Le DPP envoie aussi des notes de service non officielles à propos des dossiers qui, bien qu’ils ne comportent pas de question remplissant le critère de l’intérêt général à proprement parler, comportent des questions sur lesquelles le procureur général pourrait être interrogé à la Chambre des communes.

La Loi sur le DPP ne prévoit aucune règle quant aux renseignements qui doivent figurer dans les avis prévus à l’article 13. Madame Roussel nous a expliqué que les avis étaient habituellement courts et qu’ils énonçaient les principaux faits du dossier, la décision rendue et les motifs de cette décision. Dans certains cas, le DPP envoie plusieurs notes sur la même affaire, à différentes étapes de la poursuite.

On m’a aussi expliqué que la majorité des avis prévus à l’article 13 n’invitent pas le procureur général à prendre des mesures supplémentaires. Celui-ci peut néanmoins communiquer avec le DPP pour en savoir plus sur la preuve au dossier ou sur les motifs de la décision rendue par le DPP. Le procureur général peut demander des conseils au sous-ministre de la Justice relativement à ses options ou au bien-fondé de la position du DDP. À la demande du procureur général, le sous-ministre peut communiquer avec le DPP en son nom. Le procureur général peut, à sa discrétion, demander une deuxième opinion, soit au ministère de la Justice, soit à un expert externe dont les services ont été retenus à cette fin[52].

Les avis prévus à l’article 13 de la Loi sur le DPP sont considérés comme des documents privilégiés, ce qui signifie qu’ils ne sont normalement pas divulgués à l’accusé.

Il n’y a aucune directive uniforme au Canada ou dans d’autres juridictions quant au nombre de communications qu’il devrait y avoir, le cas échéant, entre le procureur général et le DDP, hormis les avis prévus à l’article 13 de la Loi sur le DPP. Bien que la fréquence et les modes de communication puissent varier, les personnes que j’ai consultées ont souligné l’importance d’établir une relation de confiance entre le procureur général et le DPP.

 

Directives sur des poursuites en particulier

En vertu de la Loi sur le DPP, le procureur général peut donner des directives pour intenter ou reporter des poursuites en particulier, ou pour y mettre fin. Toute directive en ce sens doit être faite par écrit et doit être publiée dans la Gazette du Canada[53]. Le procureur général ou le DPP peut reporter la publication de la directive si l’administration de la justice l’exige, mais la publication ne peut pas être reportée au-delà du terme de la poursuite[54]. La Loi sur le DPP ne précise pas les éléments qui devraient figurer dans la directive.

Il est indiqué dans le Guide du SPPC que cette disposition est l’un des piliers de l’indépendance parce qu’elle assure la transparence dans le domaine public, ce qui « sert de puissant moyen de dissuasion contre l’influence et la pression politiques partisanes à l’égard du processus décisionnel lié aux poursuites[55] ».

Lors de mes consultations, on m’a constamment répété que cette transparence était importante. Il apparaît clairement que le procureur général doit être prêt à rendre des comptes au public s’il décide d’infirmer la décision du DPP.

L’exigence relative aux directives n’empêche pas le procureur général et le DPP de discuter de la décision de ce dernier. Ces discussions pourraient porter sur de nouveaux faits ou sur des considérations relatives à l’intérêt public. À la suite de ces discussions, le DPP pourrait prendre l’initiative de réexaminer sa décision[56].

Les directives sur des poursuites en particulier sont rares dans les juridictions canadiennes et du Commonwealth qui les rendent possibles[57]. Aucun procureur général du Canada n’a publié de directive dans une affaire donnée depuis que la Loi sur le DPP a été promulguée en 2006. Cela donne à penser que la culture de non-ingérence du procureur général qui avait été établie avant 2006 a été préservée.

 

Prise en charge d’une poursuite

En vertu de la Loi sur le DPP, le procureur général peut prendre en charge la conduite d’une poursuite (habituellement en embauchant un agent externe qui mène la poursuite en son nom). Il doit cependant consulter le DPP avant d’aller de l’avant, en plus de lui remettre un avis d’intention de prendre en charge la poursuite[58]. Comme pour les directives sur des poursuites en particulier, l’avis doit être publié dans la Gazette du Canada, et le procureur général ou le DPP peut reporter la publication de l’avis si « l’administration de la justice l’exige »[59]. Il s’agit sans doute du pouvoir le plus important que confère la Loi sur le DPP au procureur général, mais ce pouvoir n’a jamais été exercé dans aucune juridiction canadienne où le rôle du DPP est prévu par la loi.

 

Directives générales

Selon la Loi sur le DPP, le procureur général peut, après avoir consulté le DPP, émettre des directives relativement à l’introduction ou à la conduite des poursuites en général[60]. Comme les autres directives, celles-ci doivent être faites par écrit, être publiées dans la Gazette du Canada et être intégrées dans le Guide du SPPC.

Les personnes que j’ai consultées étaient d’avis que ce pouvoir d’émettre des directives est un outil positif qui aide les poursuivants à cerner l’intérêt public. Il peut être utilisé pour énoncer les priorités du gouvernement en matière de droit pénal, pour souligner l’importance du respect des décisions judiciaires et pour expliquer l’interprétation que donne le gouvernement à une loi. Des directives ont été données à l’échelle fédérale dans des poursuites relatives au terrorisme, au VIH et aux erreurs judiciaires, ainsi que sur la conduite des poursuites en général[61].


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Évaluation du modèle actuel

Le professeur Edwards a décrit six modèles différents quant à la structure et au rôle du procureur général[62]. Ceux-ci peuvent être regroupés en trois grandes catégories. Dans certains pays, la personne ayant le pouvoir ultime sur les décisions en matière de poursuites est un fonctionnaire. Il n’existe aucun mécanisme permettant aux représentants élus d’annuler sa décision sur une poursuite en particulier, et il est difficile de le destituer de ses fonctions.

Dans d’autres pays, la personne ayant le pouvoir ultime en matière de poursuites est un politicien, est membre du Cabinet et peut intervenir[63] dans toute poursuite. Les juridictions canadiennes s’inscrivent dans ce modèle. La plupart donnent les portefeuilles de ministre de la Justice et de procureur général à la même personne.

L’approche adoptée en Angleterre et au Pays de Galles est un troisième modèle, où le procureur général est ministre, mais ne siège pas au sein du Cabinet. En outre, depuis 2009, le procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles ne peut donner de directives aux poursuivants que pour des raisons de sécurité nationale[64].

Le professeur Stenning a soigneusement rédigé pour nous une note de service expliquant les fonctions, les caractéristiques et les pouvoirs en matière de poursuites des procureurs généraux dans les pays de common law, qui complète et actualise les six modèles du professeur Edwards. On trouvera cette note de service à l’annexe E[65].

Compte tenu du contexte qui a donné lieu à mon mandat, je concentrerai mon analyse sur le rôle du procureur général en matière de poursuites criminelles. J’ai entendu des suggestions au sujet des rôles du ministre de la Justice et du procureur général en ce qui concerne des questions non liées aux poursuites, que je vais aborder séparément.

Suggestions de changements structurels en ce qui concerne la fonction de poursuivant

Les critiques de la structure actuelle au Canada ont laissé entendre qu’une réforme s’impose pour les raisons suivantes :

  1. Il est irréaliste de penser qu’un procureur général qui est aussi le ministre responsable de la politique en matière de justice peut exercer un jugement indépendant lorsqu’il prend des décisions concernant des poursuites en particulier.
  2. Le fait que les deux rôles soient tenus par une seule personne peut prêter à confusion quant à ce dont il est permis de discuter avec cette personne.

    La réforme suggérée pour répondre à ces deux premières préoccupations consiste à confier chacun des rôles à un ministre distinct du Cabinet.
  3. Même si les rôles étaient assumés par deux personnes différentes, tant que le procureur général siège au Cabinet, il pourrait se laisser influencer à exercer son pouvoir dans des poursuites en particulier afin de promouvoir le programme politique du Cabinet et/ou d’améliorer les perspectives électorales du gouvernement.

    La réforme suggérée consiste à exclure le procureur général du Cabinet.
  4. Certains soutiennent que tant que la personne qui a le pouvoir ultime sur des poursuites en particulier est un politicien, il y a un risque que celui-ci prenne des décisions fondées sur des préoccupations partisanes.

    La réforme suggérée consiste à retirer au procureur général le pouvoir de donner des directives dans des cas donnés et à laisser le pouvoir ultime à un fonctionnaire nommé. Par ailleurs, la fonction de procureur général pourrait faire l’objet d’une nomination non politique.

La perception qu’a le public de l’existence d’un conflit est une considération importante, même en l’absence de conflit réel. Il ne doit pas seulement y avoir justice, mais il doit aussi y avoir apparence de justice. Toutefois, à mon avis, s’engager dans un changement structurel pour cette seule raison pourrait créer un faux sentiment de sécurité au sein de la population tout en n’atténuant pas le risque d’ingérence dans les poursuites. Cela pourrait également réduire la vigilance du public et les exigences en matière de responsabilité qui sont essentielles au bon fonctionnement de la démocratie et à la protection de la primauté du droit.

Permettez-moi de répondre à un autre argument que j’ai entendu. Je ne trouve pas que la charge de travail soit un argument convaincant pour attribuer les rôles à des personnes distinctes. Aucun des anciens procureurs généraux que j’ai consultés n’a indiqué que la charge de travail justifiait une séparation des rôles. Au contraire, plus d’un ancien procureur général a fait remarquer que sa charge de travail dans un autre portefeuille était plus lourde.

Préoccupations découlant du fait que la même personne occupe le poste de ministre de la Justice et le poste de procureur général du Canada

Conflit

La préoccupation relativement à ce point est que le titulaire des postes de procureur général et de ministre de la Justice peut être tenté de prendre en charge une poursuite en particulier dans le but de réaliser les objectifs stratégiques du ministère de la Justice. Par exemple, un ministre de la Justice dans un gouvernement qui voudrait faire preuve de fermeté sur la question du terrorisme pourrait être tenté d’écarter une décision du DPP de retirer une accusation de terrorisme, même en l’absence de preuve à l’appui de l’accusation.

Il serait très peu probable qu’un ministre agisse de la sorte dans un dossier précis. La Loi sur le DPP exigerait que ce pouvoir soit exercé de manière ouverte et transparente, et il n’a jamais été utilisé depuis la création du poste de DPP. Son utilisation susciterait une grande attention de la part du public et de la classe politique. Cette mesure de protection découragerait de façon importante tout écart à la longue tradition de non-ingérence de la part du procureur général dans les décisions en matière de poursuites. En outre, un procureur général qui n’est pas ministre de la Justice, mais qui est tout de même député du gouvernement, ne serait pas à l’abri des inquiétudes du public à l’égard du terrorisme.

Durant mes consultations, l’idée qu’un procureur général ne serait pas capable d’agir de façon indépendante dans l’exercice de son pouvoir en matière de poursuites en raison de son rôle additionnel de ministre de la Justice n’a pas suscité de préoccupations. La grande majorité des personnes à qui j’ai parlé n’ont pas indiqué que les rôles conjoints constituaient un obstacle au fait de pouvoir intenter des poursuites de façon indépendante, et comme l’ont mentionné plusieurs personnes, séparer les rôles pour cette raison est une « solution en quête d’un problème ».

Confier les rôles à deux ministres distincts ne réduirait pas de façon importante le risque de conflit dans le contexte des poursuites. De plus, la personne chargée d’élaborer des politiques pour le système de justice ne disposerait pas de la vue d’ensemble sur le système de justice pénale que procure le fait d’occuper les deux fonctions.

 

Confusion

Il a été dit que le fait que les fonctions de procureur général et de ministre de la Justice soient occupées par la même personne peut créer de la confusion chez les membres du Cabinet et les fonctionnaires. De plus, certains collègues du Cabinet et certains fonctionnaires peuvent penser qu’ils peuvent discuter de préoccupations partisanes relativement à une poursuite en particulier, puisque le procureur général fait partie du Cabinet. Je crois qu’une telle confusion découle d’un manque de compréhension du rôle de procureur général à titre de décideur indépendant en matière de poursuites pénales.

Selon moi, il y a risque de confusion tant que le procureur général fait partie du Cabinet, peu importe qu’il occupe ou non la fonction de ministre de la Justice. Par conséquent, je vais me pencher sur cette préoccupation dans la section qui suit.

Préoccupations suscitées par l’appartenance au Cabinet

Conflit

Il a été proposé que le procureur général ne fasse pas partie du Cabinet, parce que l’on craint qu’il puisse être influencé par des conversations qui ont lieu au Cabinet relativement des poursuites en particulier.

Pour que ce risque se traduise par la directive déraisonnable de s’opposer à la décision du DPP, il faudrait qu’il y ait violation du principe constitutionnel selon lequel le procureur général ne peut pas agir en fonction de considérations partisanes. De plus, il faudrait que ses collègues du Cabinet discutent d’une poursuite en particulier, ce qui est interdit. Enfin, le procureur général agirait en sachant que la directive écartant la décision du DPP sera rendue publique et qu’il devra la justifier.

Je le répète, le risque est minime. En outre, je ne crois pas que l’exclusion du procureur général du Cabinet mettrait celui-ci à l’abri de cette influence. Durant nos consultations, j’ai appris que, ces dernières années, les procureurs généraux en Angleterre et au Pays de Galles, même s’ils ne sont pas membres du Cabinet, participent régulièrement aux réunions du Cabinet. On m’a expliqué que cela découle du fait que bon nombre de politiques gouvernementales soulèvent des questions juridiques. À titre de conseiller juridique du Cabinet, le procureur général peut être plus efficace s’il est présent pour cerner les questions juridiques et y répondre à mesure qu’elles sont soulevées.

La deuxième source de conflit possible est que, même s’ils connaissent les conventions et les règles, les membres du Cabinet ou le premier ministre pourraient néanmoins ordonner au procureur général d’écarter une décision du DPP ou exercer des pressions sur lui en ce sens.

Dans ce cas, l’intégrité du procureur général devient cruciale. Le procureur général doit rappeler à ses collègues que cela est inadmissible sur le plan constitutionnel et refuser de se plier à leur demande.

L’exclusion du procureur général du Cabinet n’éliminerait pas le risque qu’il subisse des pressions de la part du premier ministre ou d’autres membres du Cabinet, ou que ceux-ci lui donnent des directives. Je souscris à l’opinion de ceux qui ont fait valoir que, tant que le procureur général exerce ses fonctions au gré du premier ministre, il risque de subir des pressions ou de recevoir des directives.

Cette réalité a été illustrée par les événements qui se sont produits au cours des deux dernières décennies en Angleterre et au Pays de Galles, où des préoccupations ont été soulevées à propos de l’indépendance du procureur général, malgré que celui-ci soit exclu du Cabinet. Dans un cas, ces préoccupations ainsi que d’autres préoccupations ont mené à l’enquête Chilcot, qui a duré sept ans[66].

L’enquête Chilcot portait sur la décision prise par le gouvernement en 2003 d’entrer en guerre avec l’Iraq. Le procureur général d’alors, Lord Goldsmith, avait d’abord fourni une opinion juridique qui interdisait au Royaume-Uni de se rallier aux forces de la coalition. Après avoir entendu certaines personnes, il a changé d’opinion. Les critiques croyaient qu’il avait été influencé non pas par un argument juridique, mais par des pressions exercées par Tony Blair, le premier ministre qui l’avait nommé[67].

Puis, en 2006, une enquête sur le BAE Systems Plc relativement à une affaire de corruption portant sur la vente d’armes à l’Arabie saoudite a été interrompue à la suite de communications entre le procureur général et d’autres personnes concernées, dont le premier ministre. On a laissé entendre que le procureur général et le directeur du Serious Fraud Office avaient cédé à des pressions politiques visant à mettre un terme à l’enquête[68]. Cela a mené à un litige, et la Chambre des lords a déterminé que le Serious Fraud Office avait agi conformément à la loi[69].

Sans donner à penser que le procureur général a agi de façon partisane, dans chacun de ces cas, l’exclusion du procureur général du Cabinet n’a pas suffi à dissiper la perception par certains membres du public que des pressions indues avaient été exercées.

Ce qui s’est produit en Angleterre et au Pays de Galles démontre que l’exclusion du procureur général du Canada du Cabinet ne le mettrait pas à l’abri de la possibilité d’ingérence, qu’elle soit réelle ou perçue. Un certain nombre de personnes m’ont dit que la véritable source d’ingérence possible est que le procureur général est tributaire du premier ministre en ce qui concerne son poste de ministre et son statut de candidat à une réélection[70].

La création du poste de DPP a contribué de façon très importante à atténuer les préoccupations concernant la présence du procureur général au Cabinet. La Commission de réforme du droit du Canada a souligné en 1990 que le retrait du procureur général du Canada du Cabinet pourrait théoriquement favoriser l’indépendance du poursuivant, mais elle a conclu qu’« il importe avant tout de bien comprendre le principe [de non-partisanerie] et d’y adhérer[71] ». La Commission n’a pas recommandé l’exclusion du Cabinet, mais elle a recommandé la création du poste de DPP[72].

Préoccupations découlant de la nomination politique du procureur général

Dans les faits, la possibilité que le procureur général intervienne dans les décisions en matière de poursuites ne peut pas être éliminée complètement, dans la mesure où la personne qui a le dernier mot sur les poursuites est un politicien. Je crois qu’il s’agit là de la véritable source de préoccupations en ce qui concerne l’indépendance réelle et perçue du processus décisionnel en matière de poursuites.

Un autre possible changement structurel consisterait ainsi à faire en sorte que le rôle de procureur général soit complètement indépendant de la sphère politique. Pour ce faire, le procureur général pourrait être nommé dans le cadre d’une nomination apolitique pour un mandat qui se poursuivrait au‑delà d’un changement de gouvernement, et il ne pourrait pas recevoir d’ordres du pouvoir exécutif. Cette approche est similaire à celle adoptée en Israël[73].

Puisque le DPP possède déjà la plupart de ces caractéristiques, le plus simple serait de modifier la Loi sur le DPP afin qu’elle ne confère plus au procureur général le pouvoir de prendre en charge les poursuites ou de donner des directives précises.

Cette approche a d’ailleurs été proposée récemment par les professeurs Martine Valois et Maxime St‑Hilaire :

[traduction] L’indépendance du poursuivant est un principe constitutionnel reconnu au Canada. Son application laisse toutefois à désirer. À notre humble avis, le Canada devrait mieux harmoniser sa pratique avec les normes internationales en abrogeant le paragraphe 10(1) et l’article 15 de la Loi sur le directeur des poursuites pénales. Ainsi, le procureur général pourrait assumer le rôle qu’il doit remplir à titre de conseiller juridique du gouvernement et de ministre de la Couronne, et une ligne de démarcation très nette pourrait être tracée entre les personnes qui conseillent le gouvernement sur les questions juridiques et les personnes qui mènent les poursuites criminelles. Le principe de l’indépendance du poursuivant et, en fait, la primauté du droit elle‑même exigent qu’une ligne de démarcation plus claire soit tracée entre ces rôles[74].

Selon chacune de ces approches, un représentant élu ne peut écarter une décision du DPP. Par conséquent, il incombe aux représentants non élus de prendre les décisions qui ont une incidence importante sur l’intérêt public[75]. Comme me l’a dit un ancien procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles, plus l’incidence d’une décision sur l’intérêt public est grande, plus il est important qu’un représentant élu assume la responsabilité de cette décision.

Je souscris aux conclusions tirées par la Commission de réforme du droit en 1990 selon lesquelles il est préférable que le procureur général continue d’avoir le pouvoir résiduel de donner des directives au DPP plutôt que de lui retirer ce pouvoir, car cela évite que le bureau du procureur général « [perde] toute signification concrète, le titulaire étant [traduction] “incapable de s’acquitter intégralement des obligations ressortissant au principe de la responsabilité ministérielle” »[76].

De plus, un DPP qui, comme l’a expliqué le professeur Kent Roach, est [traduction] « indépendant sur le plan politique […] peut prendre des décisions en matière de poursuites sans disposer des renseignements nécessaires sur l’incidence générale qu’ont ces décisions sur, par exemple, les organismes du renseignement nationaux et étrangers. »[77] Le professeur Roach mentionne également les difficultés qui se présenteraient si le DPP, plutôt que le procureur général, avait la responsabilité d’entendre les observations des ministres du Cabinet quant à l’intérêt public :

[traduction] Cependant, si le DPP est ainsi informé, il y a également un risque qu’il ne soit pas sur le même pied que le procureur général (qui siège au Cabinet ou qui assiste aux réunions du Cabinet à l’instar de son homologue du Royaume-Uni) pour examiner et remettre en doute les renseignements fournis par les ministres et les ministères compétents et pour y donner suite. Paradoxalement, un DPP indépendant et protégé pourrait être plus susceptible que le procureur général de croire des affirmations exagérées selon lesquelles une poursuite menacerait les intérêts nationaux[78].

Une autre option serait de permettre au procureur général de conserver son pouvoir de donner des directives, mais de restreindre considérablement ce pouvoir. En Angleterre et au Pays de Galles, ce pouvoir se limite aux questions de sécurité nationale. À mon sens, il est tout à fait légitime pour le procureur général de conserver son pouvoir résiduel d’intervenir sur d’autres questions en plus des questions de sécurité nationale[79]. On peut imaginer des situations où une poursuite pourrait avoir des répercussions négatives sur des négociations internationales délicates. De plus, les poursuivants peuvent prendre de mauvaises décisions en faisant preuve d’une vision trop étroite[80], pour des motifs racistes[81] ou sur la base de stéréotypes concernant l’accusé ou les victimes[82]. Ce genre de situation arrive rarement, mais reste possible. À mon avis, restreindre considérablement ou éliminer le pouvoir du procureur général d’intervenir dans les poursuites ne serait pas la bonne façon de réduire la pression exercée sur lui.

Conclusion concernant les changements structurels proposés à la fonction de poursuivant

Il m’est apparu évident qu’aucun système de gestion des décisions en matière de poursuites ne permet à la fois une protection absolue contre la possibilité d’ingérence politique dans des poursuites en particulier et le respect de l’obligation de rendre des comptes au public. La recherche du professeur Edwards a révélé que, quel que soit le modèle utilisé, les décisions en matière de poursuites peuvent faire l’objet de pressions indues[83].

La Commission de réforme du droit a exprimé le même point de vue

[Les systèmes] où l’indépendance du ministère public est officiellement réduite à sa plus simple expression, tout autant que ceux où il jouit d’une indépendance totale paraissent susceptibles de garantir l’impartialité nécessaire. Ce qui est crucial, pourrait-on alors conclure, ce ne sont pas les mécanismes institutionnels, mais bien l’adhésion aux grands principes qui viennent d’être évoqués[84].

Enfin, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’apporter des changements structurels supplémentaires au Canada pour protéger l’indépendance du poursuivant et favoriser la confiance du public dans le système de justice pénale. Les lois, la formation, les protocoles, les normes culturelles, la transparence et les conventions constitutionnelles ont tous un rôle à jouer dans l’atteinte de ce but et se sont tous avérés efficaces jusqu’à maintenant. La Loi sur le DPP prévoit de solides protections structurelles contre l’ingérence politique. L’intégrité personnelle du procureur général est également essentielle; en effet, il s’agit probablement de l’élément le plus important d’un système qui vise à protéger la primauté du droit.

Le modèle prévoyant qu’une seule personne exerce à la fois les rôles de ministre de la Justice et de procureur général du Canada a été adopté délibérément à l’époque de la Confédération, et ce, pour de bonnes raisons. Notre système tire profit du fait de confier à une seule personne la responsabilité des principaux éléments du système de justice. En effet, la jonction des deux rôles crée d’importantes synergies. La personne qui les exerce obtient une perspective d’ensemble du système qui n’existerait pas si les rôles étaient divisés; il en est de même pour les avocats et experts en politique qui travaillent ensemble au ministère de la Justice.

Le fait d’exclure le procureur général du Cabinet aurait aussi une incidence sur la crédibilité et la qualité des conseils juridiques qu’il formule. Selon moi, les membres du Cabinet sont plus susceptibles de porter attention aux conseils juridiques d’un procureur général qui est aussi membre du Cabinet, puisqu’ils savent que celui‑ci comprend le contexte politique dans lequel ils travaillent. De plus, ces conseils sont probablement plus éclairés et, par conséquent, plus utiles pour le Cabinet.

Suggestions de changements relativement aux fonctions autres que celle de poursuivant

Même si la plupart de mes consultations ont porté sur l’indépendance de la fonction de poursuivant en matière pénale, j’ai également discuté de l’indépendance du procureur général dans le cadre de ses fonctions autres que celle de poursuivant. Parmi ces fonctions, mentionnons la prestation d’avis juridiques au Cabinet, la gestion des instances non pénales et l’identification des lois qui ne sont pas conformes à la Charte.

Il existe une distinction entre l’indépendance du procureur général dans les poursuites à titre de décideur ayant une responsabilité personnelle et l’indépendance du procureur général à titre de conseiller juridique et de prestataire de services juridiques. Ce deuxième type d’indépendance n’est pas absolu. Le Cabinet peut faire abstraction des conseils du procureur général, mais cette décision ne devrait pas être prise à la légère, comme l’a déclaré S.C. Silkin, ancien procureur général anglais[85] :

[traduction] Les conseillers juridiques de la Couronne ont le devoir de donner des avis juridiques à leurs homologues ministres et aux ministères gouvernementaux, tant en ce qui concerne le droit que la Constitution. Ils sont chargés de recommander à leurs collègues ce qui peut être fait dans le cadre de la loi. Les décisions appartiennent à leurs collègues. Mais ceux‑ci ne rejetteront pas à la légère les avis donnés par les conseillers juridiques sur des questions relevant de la responsabilité de ces derniers.

Cela est particulièrement vrai à l’ère de la Charte, où les considérations constitutionnelles occupent une partie vraiment importante de l’élaboration des politiques.

Plusieurs préoccupations ont été soulevées relativement au conflit d’intérêts et à l’indépendance dans le contexte autre que celui des poursuites. Comme l’a écrit le doyen Dodek, on craint que la personne responsable d’élaborer des propositions de politiques en matière de justice ne soit pas en mesure de fournir au Cabinet une évaluation impartiale des risques juridiques liés à ces politiques[86]. Dans la même veine, on craint également que le procureur général ne sera pas en mesure de faire preuve de courage dans la prestation de conseils juridiques à ses collègues du Cabinet sur le programme politique global du gouvernement. Le point central de cet argument réside dans le fait qu’il n’est pas réaliste de penser qu’un politicien partisan puisse mettre de côté ses opinions de manière à fournir les meilleurs conseils indépendants et non partisans[87].

J’ai écouté avec attention ces préoccupations.

Je ne crois pas que le défi de créer une nouvelle organisation pour répondre à ces préoccupations soit irréalisable. Bien que la Loi sur le ministère de la Justice comporte des zones grises en matière de responsabilité, celles-ci pourraient être précisées au moyen d’une nouvelle loi. Par exemple, le ministre de la Justice pourrait être responsable des politiques en matière de justice, notamment de la réforme du droit de la famille et du droit pénal, des droits de la personne, ainsi que de l’accès à la justice, et il pourrait également être chargé de recommander les nominations à la magistrature et de gérer le portefeuille de la justice en général[88]. Tous les services fournis par les avocats du Ministère aux autres ministères, les litiges, voire même la rédaction des règlements et des lois, pourraient relever du procureur général[89].

Le procureur général dirigerait son propre ministère, mais ne jouerait pas un rôle relatif aux politiques au sein du gouvernement. Il pourrait être membre du Cabinet, ou bien nous pourrions suivre le modèle britannique sous le régime duquel le procureur général n’est pas membre du Cabinet, mais est invité à participer aux réunions du Cabinet, au besoin[90].

Ce n’est pas parce qu’il est possible de scinder le ministère de la Justice que nous devrions nécessairement le faire. La vaste majorité des personnes que j’ai consultées déconseillaient de modifier la structure dans le contexte autre que celui des poursuites. Les personnes qui possédaient une expérience directe au sein du gouvernement étaient particulièrement préoccupées par les conséquences qu’un tel changement pourrait entraîner, surtout en raison du fait que la structure organisationnelle a toujours été intégrée. Comme je l’ai déjà mentionné, un tel changement structurel diminuerait la crédibilité des conseils juridiques du procureur général et entraînerait la perte de la perspective d’ensemble que les rôles conjoints apportent à la personne qui les occupe.

C’est pourquoi je ne recommande pas de scinder le Ministère en deux ou d’exclure le procureur général du Cabinet en raison de perceptions de conflit dans les activités autres que celles de poursuite. Dans mes recommandations, cependant, j’ai énoncé des changements qui répondent à certaines des préoccupations soulevées dans ce contexte.

Si jamais le gouvernement envisageait de procéder à un changement organisationnel, il devrait se prémunir contre les conséquences négatives imprévues. Voici quelques questions sur lesquelles il faudrait se pencher :

  1. Le changement organisationnel constitue-t-il le meilleur moyen de prévenir les conflits d’intérêts?
  2. Le changement organisationnel favoriserait‑il une culture de respect à l’égard du procureur général dans son rôle autre que celui de poursuivant?
  3. Quelles mesures faudrait‑il prendre pour s’assurer que les politiques en matière de justice proposées par le ministre de la Justice et les avis juridiques donnés par le procureur général aient le même poids au sein du Cabinet et du gouvernement si les rôles étaient séparés?
  4. Comment deux plus petits ministères pourraient‑ils continuer d’exercer suffisamment d’influence pour s’assurer de recevoir les ressources adéquates?
  5. Quelles mesures faudrait‑il prendre pour atténuer les coûts du changement organisationnel, notamment la perte de synergies apportées par les rôles conjoints?

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Proposition d’une approche canadienne à l’égard du rôle du procureur général

Mes recommandations peuvent être regroupées en deux grandes catégories : fournir plus de directives sur les consultations ministérielles dans des poursuites en particulier, et favoriser une meilleure compréhension du rôle unique du procureur général et un plus grand respect pour ce rôle.

Plus grande indépendance du procureur général dans les poursuites individuelles

J’estime qu’une réforme structurelle n’est pas nécessaire. Cependant, nous pouvons prendre des mesures concrètes pour renforcer l’indépendance du procureur général.

Protocole applicable aux consultations ministérielles sur l’intérêt public

Ma nomination à titre de conseillère spéciale découle notamment de questions portant sur la façon dont se déroulent les communications des ministres, de leur personnel politique et du greffier du Conseil privé avec le procureur général et son bureau concernant une poursuite en particulier. La deuxième partie de mon mandat reflète cet élément.

Comme je l’ai déjà mentionné, les poursuivants déterminent d’abord, sur le fondement de la preuve, s’il existe une possibilité raisonnable d’obtenir une déclaration de culpabilité et, le cas échéant, s’il est dans l’intérêt public d’intenter la poursuite.

Pour déterminer ce qui est dans l’intérêt public, le DPP et le poursuivant peuvent décider de consulter des fonctionnaires de ministères et d’organismes fédéraux qui possèdent de l’information ou une expertise qui peut présenter un intérêt dans des poursuites en particulier. La consultation interministérielle est importante parce que les ministères se partagent la responsabilité d’appliquer les lois fédérales. Les politiques régissant les procureurs fédéraux comportent une directive générale du procureur général sur la consultation à l’intérieur de l’appareil gouvernemental, publiée en 2014. Elle indique ce qui suit :

Dans certains cas, les décisions en matière de poursuite, par exemple la question de savoir s’il est dans l’intérêt public d’engager une poursuite, si les accusations devraient être suspendues ou si une position particulière devrait être adoptée à propos de la peine prononcée, peuvent exiger des consultations auprès des intervenants qui peuvent fournir l’information pertinente et une expertise au procureur de la Couronne[91].

Si le DPP est d’avis qu’il serait opportun d’obtenir des observations de ministres afin de déterminer ce qui est dans l’intérêt public, il devrait présenter une demande au procureur général. Ce processus est prévu dans le protocole du Royaume-Uni[92].

D’après les consultations que j’ai menées auprès d’anciens procureurs généraux et de chefs des services des poursuites, anciens et actuels, il semble qu’il soit rare que des procureurs généraux du Canada procèdent à des consultations pour déterminer ce qui est dans l’intérêt public dans des poursuites individuelles. Presque toujours, c’est plutôt le DPP qui mène de telles consultations sur l’intérêt public. Cependant, suivant le principe Shawcross, les procureurs généraux peuvent choisir de consulter d’autres personnes, y compris d’autres membres du gouvernement, au sujet de l’intérêt public pour décider s’il convient d’écarter une décision du DPP. Le principe de l’indépendance du poursuivant exige que ces consultations ne servent pas à intimider le procureur général ou à lui donner des directives.

La pratique de consultation par le procureur général du Canada est reconnue dans le manuel du Cabinet intitulé Pour un gouvernement ouvert et responsable, publié par le gouvernement actuel après son arrivée au pouvoir à la fin de 2015 :

Le procureur général et le directeur des poursuites pénales sont liés au principe constitutionnel qui veut que la fonction de poursuite soit exercée indépendamment de toute considération partisane. Le procureur général peut néanmoins consulter les membres du Cabinet avant d’exercer ses pouvoirs en vertu de la Loi sur le directeur des poursuites pénales dans le cadre de toute poursuite judiciaire au criminel, de façon à évaluer pleinement les considérations pertinentes relatives à l’intérêt public pour les décisions en matière de poursuites[93].

La directive générale transmise au service des poursuites par le procureur général en 2014 indique qu’« il est tout à fait approprié que le procureur général consulte ses collègues du Cabinet avant d’exercer ses pouvoirs en vertu de la Loi sur le DPP relativement à toute poursuite pénale. D’ailleurs, il sera même parfois important de le faire, afin de prendre connaissance des perspectives pangouvernementales[94]. »

Aucune disposition de la Loi sur le DPP ne fait référence à la capacité du procureur général de consulter d’autres membres du Cabinet[95].

C’est peut-être parce que le procureur général participe si rarement à des consultations sur l’intérêt public qu’il existe peu d’indications sur la manière dont le processus de consultation ministérielle devrait se dérouler. Lord Shawcross et le procureur général Basford, entre autres, ont parlé du droit du procureur général de consulter d’autres membres du pouvoir exécutif, mais n’ont pas expliqué le processus à suivre pour mener de telles consultations. En effet, comme je l’ai entendu à plusieurs reprises lors de mes propres consultations, le principe Shawcross ne répond pas aux questions suivantes relativement au déroulement de ces consultations : « qui », « quoi », « quand », « où » et « comment »?

Sans protocole, il n’existe pas de norme permettant d’évaluer si les consultations ministérielles sur l’intérêt public se déroulent de façon appropriée. J’estime que pour préserver la confiance du public dans le système de justice, les paramètres de ces consultations – rares, mais possibles – ne devraient pas être établis de façon ponctuelle. Il est temps de remplacer le principe Shawcross par une approche canadienne.

Par suite des controverses survenues en Angleterre et au Pays de Galles dont il a été question précédemment, ainsi que des examens du rôle du procureur général qui ont eu lieu subséquemment, un protocole a été élaboré dans cette juridiction en 2009. Ce protocole, qui a été modifié en 2019[96], comporte des règles régissant les consultations ministérielles sur l’intérêt public et souligne que ces consultations devraient être menées [traduction] « de façon appropriée ».

Je propose d’élaborer un protocole au Canada visant à régir les consultations dans des poursuites en particulier. Un protocole détaillé donnerait l’assurance aux Canadiens qu’il existe des règles claires concernant la manière de mener des consultations sur l’intérêt public.

Le protocole n’interdirait pas les discussions animées pour déterminer où réside l’intérêt public, mais indiquerait clairement que la décision finale revient au procureur général uniquement. Le procureur général du Canada devrait élaborer un protocole qui s’appliquerait aux ministres, à leur personnel, au greffier du Conseil privé et à la fonction publique. Ces règles devraient répondre aux questions suivantes :

  1. Qui est autorisé à lancer des consultations?
  2. Qui détermine le processus relatif à ces consultations?
  3. Où et quand ont lieu les consultations?
  4. Qui est autorisé à participer aux discussions de consultation?
  5. Quelle est la portée des discussions?
  6. Quelles sont les options et obligations du procureur général en réponse à ces consultations?

Il revient au procureur général de répondre à ces questions. Le procureur général sera la personne chargée de déterminer si des consultations sont nécessaires. Les autres ministres ne devraient pas pouvoir s’immiscer dans le processus décisionnel en demandant de consulter le procureur général. Selon l’énoncé initial du principe Shawcross, c’est au procureur général de décider de consulter ou non. Cet énoncé est conforme à l’idée qu’il n’y a aucune obligation de consultation et qu’une consultation n’a lieu que lorsque le procureur général y voit une certaine utilité.

Je crois toutefois qu’il y a des cas où un autre ministre pourrait avoir de l’information, inconnue du procureur général, qui pourrait lui être utile pour prendre sa décision concernant l’intérêt public dans une poursuite en particulier. Par conséquent, dans ces cas, un autre ministre pourrait demander la consultation. Il s’agit du processus qui avait été appliqué dans l’affaire BAE, même avant l’élaboration du protocole de 2009. Les demandes de consultations dont il était question avaient été acceptées par le procureur général[97].

Le procureur général devrait disposer de suffisamment d’information pour déterminer s’il faut mener une consultation. Par conséquent, le ministre qui demande la consultation devrait fournir une description de la nature des observations à faire.

Le procureur général devrait déterminer le processus. Dans la plupart des cas, les consultations devraient se faire au moyen d’observations écrites, de sorte qu’aucune considération non pertinente n’est abordée. Cela permettra également au procureur général d’analyser le bien-fondé des observations faites. Celles-ci pourraient devoir être complétées par des discussions en personne, qui devraient toutefois être consignées par écrit. Dans certains cas, ces comptes rendus pourraient devoir être classifiés. Le fait de documenter ces discussions permettrait au procureur général d’évaluer leur bien-fondé et diminuerait le risque de suggestions partisanes. Plusieurs experts, dont un ancien procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles, m’ont dit qu’il est important de veiller à ce que toutes les observations soient documentées et consignées. 

Ces discussions ne devraient pas avoir lieu devant le Cabinet. Le Cabinet ne joue aucun rôle dans les poursuites particulières, et ces dernières ne devraient jamais faire l’objet de discussions devant le Cabinet. Lord Peter Goldsmith, ancien procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles, a souligné que, dans l’affaire BAE, de façon délibérée, il n’a pas discuté de l’intérêt public au Cabinet[98]. Par ailleurs, une discussion au Cabinet pourrait donner l’impression que le procureur général sera influencé par des considérations partisanes ou fera l’objet de pressions indues. Seuls les ministres ayant de l’information précise sur l’intérêt public ainsi que leurs sous‑ministres (qui sont susceptibles d’avoir les détails précis pertinents pour l’affaire) devraient participer à ces consultations. Tenir ces discussions à l’extérieur du Cabinet souligne également le fait que le procureur général ne prend pas des décisions sur l’intérêt public à titre de membre du Cabinet, mais plutôt à titre de premier conseiller juridique de l’État agissant de façon indépendante.

Lors de mes consultations avec des avocats et de grandes sommités au sujet du rôle du procureur général, un fort consensus s’est dégagé sur le fait que le personnel politique exempté ne devrait pas participer au contenu des consultations. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire ou recommandé que ces personnes assistent à ces consultations, qui se tiendront rarement. J’ai entendu dire qu’en Ontario, par exemple, le personnel politique n’est invité à aucune discussion concernant une poursuite en particulier. En dernière analyse, il revient au procureur général de décider qui devrait être présent à ces consultations.

La portée des discussions devrait se limiter aux répercussions de la poursuite sur l’intérêt public. Les préoccupations partisanes, telles que l’incidence possible d’une décision au sujet de la poursuite en question sur l’avenir électoral du parti au pouvoir, d’un député ou du procureur général, ne doivent pas faire l’objet de discussions. Il ne devrait pas non plus y avoir de discussions au sujet des répercussions d’une telle décision sur le poste du procureur général au sein du Cabinet ou sur sa relation avec le premier ministre ou d’autres membres du Cabinet.

Lord Shawcross a souligné que le procureur général ne devrait jamais faire l’objet de directives ou de « pressions » lors de telles consultations. Le professeur Edwards ajoute quant à lui que pour protéger l’indépendance, les poursuivants, y compris le procureur général, ne devraient pas faire l’objet de pressions politiques – à savoir des pressions pour que des décisions soient prises au sujet d’affaires précises à des fins partisanes[99]. À mon avis, par « pressions », on entend des menaces, implicites ou explicites, selon lesquelles la décision du procureur général pourrait entraîner des conséquences négatives pour ce dernier – par exemple, que son poste au sein du Cabinet ou du parti pourrait être en péril. Les pressions pourraient aussi prendre la forme de déclarations par lesquelles on ferait miroiter ou promettrait un avantage. L’insistance serait aussi un facteur dont il faudrait tenir compte. Le terme « pression » ne renvoie toutefois pas au type de discussions vigoureuses qui sont courantes entre les membres du gouvernement, et sont en fait souhaitables pour cerner complètement l’intérêt public.

Une autre façon de comprendre le terme « pression » est de se demander si une personne raisonnable croirait que le procureur général pourrait être incité à changer sa position pour des motifs qui n’ont pas de lien avec l’intérêt public, par suite de commentaires ou de suggestions formulés de façon explicite ou implicite. Des déclarations qui pourraient avoir cet effet ne seraient pas permises pendant les consultations.

Il appartient au procureur général, et à lui seul, de prendre la décision finale au sujet du bien-fondé des observations formulées et de leur incidence sur l’intérêt public. Le procureur général devrait examiner les renseignements qui lui sont fournis et vérifier le bien-fondé des affirmations factuelles et leur pertinence pour l’intérêt public. Étant donné la complexité des situations dans lesquelles on aura recours au protocole, il est approprié que le procureur général, s’il choisit de le faire, ait des conversations supplémentaires avec les ministres concernés. Il peut aussi discuter avec le DPP et/ou le sous-ministre de la Justice des renseignements qu’il a reçus dans le cadre des consultations.

Une fois que le procureur général a pris sa décision, il convient de faire savoir aux ministres qui ont participé aux consultations qu’une décision a été prise. À partir de ce moment, ces derniers ne devraient plus communiquer avec le procureur général sur la question. Il n’y aurait exception à ce principe qu’en cas de nouveaux faits. Pour que de nouvelles consultations aient lieu, il faudrait alors qu’une nouvelle demande écrite, dans laquelle seraient précisés ces nouveaux faits, soit présentée.

Le protocole devrait être accessible au public et largement diffusé. Dans le cadre des consultations sur le protocole, le gouvernement pourrait examiner la question de savoir si ce document devrait aussi être inclus dans la Loi sur le ministère de la Justice et la Loi sur le DPP.

Précisions à apporter au Guide du SPPC

Lors de mon examen, j’ai noté des points susceptibles d’être améliorés dans le Guide pour les procureurs fédéraux et la directive générale de 2014 donnée par le procureur général relativement aux avis prévu à l’article 13.

Le Guide et la directive précisent que les avis en vertu de l’article 13 « s’adressent au procureur général en personne »[100]. Cela risque de créer de l’incertitude quant à savoir s’il est approprié pour le sous-ministre de la Justice ou les autres conseillers du procureur général de consulter ces avis. Je crois qu’un procureur général qui souhaite consulter le sous-ministre de la Justice ou un avocat externe au sujet d’une poursuite en particulier devrait avoir le droit de communiquer l’avis prévu à l’article 13 à cette fin. En même temps, il importe de s’assurer que ces avis demeurent privilégiés, puisqu’ils font partie du dossier sur lequel se fonde le procureur général lorsqu’il décide de prendre ou non des mesures dans une affaire en particulier. Les avis prévus à l’article 13 devraient donc être communiqués uniquement lorsqu’il est nécessaire que le procureur général reçoive des conseils quant à l’exercice de son autorité dans une poursuite en particulier.

Le Guide reste silencieux au sujet du pouvoir du procureur général de demander au DPP des renseignements supplémentaires dès réception de l’avis visé à l’article 13. Il me semble que ce pouvoir est bien compris, mais il pourrait être utile d’en faire expressément mention dans le Guide.

Le Guide relève en outre un seul motif pour lequel le procureur général peut prendre en charge une poursuite ou donner une directive dans une affaire donnée : à savoir, pour des raisons d’intérêt public. En fait, le procureur général est autorisé à prendre ce genre de mesure en vertu de l’un ou l’autre des deux motifs de décisions liées à des poursuites : sa conception de l’intérêt public ou son évaluation de la probabilité raisonnable d’obtenir une déclaration de culpabilité. Il serait exceptionnel qu’un procureur général soit en désaccord avec les poursuivants quant à la suffisance de la preuve pour obtenir une déclaration de culpabilité, mais cette possibilité devrait néanmoins être prévue dans le Guide.

Je recommande donc la mise à jour du Guide et de la directive pour préciser ce qui suit :

  1. Les avis en vertu de l’article 13 sont protégés par privilège;
  2. Le procureur général peut communiquer des avis en vertu de l’article 13 au sous-ministre de la Justice ou à d’autres personnes, afin d’obtenir des conseils sur la question de savoir s’il doit exercer son autorité pour donner une directive ou prendre en charge une poursuite, sans que cela n’ait d’incidence sur leur statut privilégié;
  3. Le procureur général peut demander des renseignements supplémentaires au DPP dès la réception d’un avis en vertu de l’article 13;
  4. Le procureur général peut donner des directives précises ou prendre en charge une poursuite pour des motifs d’intérêt public ou s’il est d’avis qu’il n’y a pas de perspective raisonnable de déclaration de culpabilité.

Plus grande transparence des décisions en matière de poursuites

J’ai parlé de l’importance de la responsabilité à l’égard du public pour ce qui est des décisions prises au sujet de poursuites en particulier. Cette responsabilité se présentera généralement sous la forme de demandes d’explication de ces décisions. À mon avis et de l’avis de bon nombre d’autres personnes, les politiciens et les chefs des services des poursuites devraient être moins hésitants à discuter de leurs décisions[101]. Les déclarations publiques renforcent la crédibilité des décisions liées aux poursuites et elles sont susceptibles d’avoir un effet positif sur la compréhension qu’a le public de la nature particulière du bureau du procureur général.

Il y aura bien sûr des restrictions quant à ce qu’on peut précisément dire, surtout à l’égard d’une décision de continuer à donner suite à une poursuite. Par-dessus tout, il ne faut rien dire qui puisse conduire les citoyens à conclure que le gouvernement a une opinion quant à la culpabilité ou à l’innocence de la personne en cause. Même lorsque la poursuite a pris fin, il peut y avoir des limites à ce qui constitue un commentaire approprié. Par exemple, on ne doit pas porter atteinte à la vie privée des victimes. Cependant, je crois qu’il est possible et souhaitable d’avoir une plus grande transparence quant aux décisions en matière de poursuites.

Lorne Sossin et Valerie Crystal font valoir que, [traduction] « lorsque des poursuites judiciaires se rapportent à des mesures gouvernementales, le fait que le gouvernement ne rende pas de comptes au public au sujet de ses activités est préjudiciable. En pareille situation, la possibilité qu’un commentaire du public soit perçu comme une tentative d’ingérence dans le pouvoir judiciaire devrait être mise en balance avec l’importance de la responsabilité envers le public. »[102]

Ils affirment également qu’il est convenable pour les fonctionnaires de commenter des poursuites criminelles en cours, mais qu’ils devraient procéder avec prudence, sans donner l’apparence de prendre position quant à l’issue souhaitée et sans faire référence à la preuve au dossier dans l’affaire en question[103].

Je suis d’accord. Je recommande donc que le procureur général motive sa décision lorsqu’il donne une directive ou qu’il prend en charge, ou refuse de prendre en charge, une poursuite dans des dossiers qui comportent un élément important d’intérêt public. Évidemment, le contenu d’un tel énoncé peut devoir être limité ou devoir attendre la conclusion de la poursuite.

Je me suis demandée si je devais formuler des recommandations quant au contenu de l’avis qui serait publié dans la Gazette, dans les rares cas où un procureur général exerce ses pouvoirs de donner des directives précises ou de prendre en charge une poursuite. Je ne suis pas disposée à préciser le contenu de cet avis, puisque celui‑ci variera en fonction du type d’affaire en cause. L’avis devrait fournir des renseignements qui aideraient le public à comprendre pourquoi le procureur général a pris sa décision. La publication de ces renseignements devrait favoriser la confiance du public. Il faut cependant faire attention de ne pas compromettre une poursuite en cours.

Mieux comprendre le rôle de procureur général

Malgré la mise en place de protocoles et de politiques, l’indépendance du procureur général sera vulnérable à l’ingérence si le rôle de ce dernier est incompris.

Formation

Il n’existe aucun programme officiel pour renseigner les nouveaux ministres et le personnel politique au sujet du rôle unique du procureur général du Canada et des règles entourant le principe de l’indépendance du poursuivant. Une telle formation a parfois été assurée au moyen de présentations données par les sous-ministres dans les débuts de nouveaux gouvernements. Le guide Pour un gouvernement ouvert et responsable aborde également brièvement ces principes.

Les politiciens et ceux qui travaillent pour eux n’ont probablement reçu aucune formation juridique sur le rôle du procureur général, et ses fonctions sont souvent mal comprises, même chez les avocats. Comme un ancien représentant du gouvernement avec qui je me suis entretenue l’a expliqué, les élus ne sont généralement pas des professeurs de droit et on ne peut pas s’attendre d’eux qu’ils comprennent les normes du système judiciaire. Il a aussi souligné le rôle important que joue la fonction publique dans l’explication et la préservation de cette indépendance et a affirmé que ce savoir institutionnel n’est pas transmis à la relève.

Le juge Rosenberg a également indiqué que la majorité des tentatives par des politiciens de s’ingérer dans des poursuites est vraisemblablement motivée par l’ignorance[104]. Il ne faut pas présumer que tous les acteurs gouvernementaux qui ont un intérêt dans une poursuite en particulier possèdent une bonne compréhension des lois, des conventions et principes constitutionnels, des arrangements institutionnels et des normes de comportement qui renforcent l’indépendance du poursuivant et la responsabilité politique du procureur général[105].

Par conséquent, je recommande que deux programmes de formation portant sur ces questions soient élaborés. Tous les parlementaires doivent être renseignés sur le rôle du procureur général. De plus, le premier ministre doit s’assurer que les membres du Cabinet, leur personnel et les autres représentants du gouvernement concernés reçoivent une formation intensive, au cours de laquelle ils seront notamment appelés à étudier des cas pratiques. Bien sûr, cette formation doit également être donnée aux nouveaux ministres et membres du personnel en cas de remaniements ministériels et de changements de personnel.

Cette formation devrait porter sur les points suivants :

  1. Le rôle de chaque participant dans la protection et la promotion de la primauté du droit;
  2. Les rôles uniques du ministre de la Justice et procureur général;
  3. Les rôles du procureur général, du DPP et des poursuivants, particulièrement en ce qui a trait à leur indépendance dans la prise de décisions concernant les poursuites;
  4. Les conséquences de l’ingérence dans le pouvoir discrétionnaire de la poursuite;
  5. La façon de consulter le procureur général du Canada en ce qui a trait à l’intérêt du public au sujet d’une poursuite en particulier et les limites à respecter.

Amélioration du guide Pour un gouvernement ouvert et responsable

Le guide Pour un gouvernement ouvert et responsable vise à énoncer les principes relatifs aux rôles et responsabilités des membres du Cabinet ainsi qu’aux relations qu’ils entretiennent entre eux et avec le premier ministre. J’estime que la version actuelle de ce document ne décrit pas adéquatement l’importance de la primauté du droit, les obligations du procureur général à l’égard de la Charte des droits et libertés et le principe de l’indépendance du poursuivant. Il ne définit pas non plus de manière appropriée les rôles et les obligations de chaque membre du gouvernement par rapport aux poursuites particulières.

Le guide comprend actuellement une section portant sur le rôle de ministre de la Justice et procureur général, laquelle énonce les responsabilités du procureur général à l’égard des décisions en matière de poursuites et explique brièvement le mécanisme relatif aux directives. Le guide ne précise pas que de telles directives sont exceptionnelles :

La Loi sur le directeur des poursuites pénales comprend des dispositions en vertu desquelles le procureur général fournit au Bureau les orientations relatives à la fonction de poursuite en général ou à des poursuites particulières, et ce, d’une façon qui est publiquement transparente. Le procureur général peut également intervenir dans une poursuite ou la prendre en charge (pour défendre la constitutionnalité d’une loi fédérale, par exemple)[106].

Il serait raisonnable pour un lecteur de présumer que ces directives sont courantes.

La description du processus de consultation du procureur général, que j’ai décrite précédemment, ne précise pas non plus que la décision de prendre part à des consultations relatives à l’intérêt public avec d’autres ministres revient entièrement au procureur général.

Par conséquent, je recommande que le guide Pour un gouvernement ouvert et responsable soit modifié de la façon suivante :

  1. Placer à l’avant‑plan la question de la primauté du droit et le rôle unique du procureur général, y compris ses obligations au regard de la Charte des droits et libertés et son indépendance à l’égard des décisions en matière de poursuite.
  2. Expliquer plus clairement que pratiquement toutes les décisions en matière de poursuite sont rendues par le directeur des poursuites pénales et ses agents désignés, sans que le procureur général prenne part au processus.
  3. Insister sur le fait que, bien que le procureur général ait le pouvoir de donner des directives dans des cas particuliers ou de prendre en charge une poursuite, ce pouvoir n’est exercé que dans des circonstances exceptionnelles et n’a en fait jamais été exercé à l’échelle fédérale.
  4. Expliquer également que, légalement, à des fins de protection de l’indépendance du poursuivant et de responsabilité politique, l’exercice de tels pouvoirs par le procureur général doit se faire en toute transparence, par l’intermédiaire d’un avis public écrit qui sera publié dans la Gazette du Canada. On s’attend à ce que le procureur général puisse répondre de sa décision d’exercer ses pouvoirs devant le Parlement.
  5. Remplacer la description actuelle des consultations ministérielles par le protocole que je recommande.

Serment professionnel distinct pour le procureur général

À l’heure actuelle, le ministre de la Justice et procureur général prête le même serment d’office que tous les autres ministres. Il serait utile de mettre en place un serment additionnel qui reconnaît le rôle unique et distinct du procureur général.

Il existe un serment distinct pour le procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles. Ce serment, vieux de plusieurs siècles, est libellé de façon obscure et ne mentionne pas expressément la primauté du droit[107]. Je propose que soit élaboré un serment canadien qui renvoie expressément au rôle unique du procureur général pour ce qui est de maintenir la primauté du droit, de donner des avis juridiques et de prendre des décisions au sujet des poursuites, et ce, de manière indépendante. Cela permettrait de clarifier le rôle du procureur général non seulement dans son esprit, mais aussi dans celui de ses collègues du Cabinet et du public.

J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas uniquement d’un geste symbolique. Le procureur général serait lié par ce serment et pourrait devoir démissionner s’il ne le respectait pas.

Modification de la Loi sur le ministère de la Justice afin de tenir compte du rôle du procureur général

La législation qui régit la fonction de procureur général et ministre de la Justice doit mettre en évidence le rôle de premier conseiller de la Couronne du procureur général, dont les responsabilités ont préséance sur celles du ministre de la Justice et du membre du Cabinet[108].

Je recommande que la Loi sur le ministère de la Justice soit modifiée afin d’énoncer clairement l’indépendance constitutionnelle du procureur général dans l’exercice de ses pouvoirs de poursuite. De manière plus générale, elle doit indiquer que les avis juridiques donnés au Cabinet doivent être impartiaux.

Modification du nom du ministère de la Justice

Le titre du ministère, qui est dirigé par le ministre de la Justice et procureur général du Canada, ne fait pas référence à la fonction de procureur général. Je suis d’avis qu’il serait avantageux de renommer le ministère afin de mettre l’accent sur le portefeuille double de son ministre. L’appellation « Ministère de la Justice et Bureau du procureur général du Canada » rappellerait à tous les membres du gouvernement ainsi qu’au public que le rôle de procureur général est distinct de celui de ministre de la Justice et qu’il n’est pas subordonné à celui-ci. Il va sans dire que le titre de la Loi elle‑même devrait être modifié[109].


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Conclusion

On m’a demandé d’examiner la structure dont le Canada s’est doté depuis la Confédération, où une seule personne occupe les fonctions de ministre de la Justice et de procureur général du Canada, et d’examiner les politiques et pratiques actuellement en place en qui concerne les communications entre le procureur général et les autres membres du gouvernement.

La structure que nous possédons établit un équilibre entre l’indépendance du procureur général et l’obligation de rendre compte sur le plan politique. Elle protège contre l’ingérence dans les décisions en matière de poursuite en confiant les poursuites à un fonctionnaire nommé de façon permanente. Elle exige que, dans les rares cas où un procureur général décide d’exercer son pouvoir d’intervention, cela soit fait de façon transparente.

Comme je l’ai constaté à maintes reprises dans le cadre de nos consultations et de notre revue de la littérature, toute structure peut être vulnérable à des problèmes d’ingérence et à des décisions fondées sur des considérations inadmissibles. Tel que l’a expliqué Bruce MacFarlane, ancien sous‑ministre de la Justice du Manitoba :

[traduction] À mon avis, l’indépendance du poursuivant peut être assurée de nombreuses façons. Certains pays ont choisi, avec plus ou moins de succès, un modèle structurel fondé sur la législation. Cette approche a parfois soulevé des questions concernant la responsabilité publique, sinon l’excès de zèle, de la part de la partie poursuivante. En fin de compte, chaque nation doit mettre au point une approche en matière d’indépendance qui a du sens dans le contexte de son propre cadre législatif et constitutionnel, ainsi que des traditions, des pratiques et de l’histoire de son système de justice […].

Dans le contexte de la tradition canadienne, l’indépendance n’exige pas nécessairement des mécanismes législatifs; au contraire, les politiques, les pratiques ou les lois qui mettent l’accent sur la responsabilité par la transparence publique peuvent permettre d’atteindre le niveau d’indépendance et de responsabilité en matière de poursuites qui est requis pour veiller à ce que le public ait confiance dans les décisions qui sont prises[110].

J’ai recommandé une série de mesures, y compris un protocole solide pour régir les consultations ministérielles sur l’intérêt public, de la formation, une réforme législative et un nouveau serment d’office. Ces mesures souligneront et appuieront le rôle unique et central du procureur général. J’espère qu’elles accroîtront la confiance des Canadiens dans le système de justice.

Le respect de la primauté du droit ne peut être la responsabilité d’une seule personne. Il s’agit de la responsabilité du premier ministre, du Cabinet, de tous les parlementaires, des représentants nommés, du greffier du Conseil privé, des fonctionnaires et des représentants de l’appareil judiciaire. Quelle que soit la structure en place, une démocratie ne peut prospérer que si tous ceux qui la gouvernent s’engagent à respecter la primauté du droit. J’espère que les recommandations que j’ai formulées refléteront et appuieront cet engagement.


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Annexe A : biographies

Morris Rosenberg

Morris Rosenberg a connu une longue et remarquable carrière à la fonction publique fédérale. Il a travaillé au ministère de la Justice de 1979 à 1989, pour ensuite être nommé sous‑ministre adjoint au ministère de la Consommation et des Affaires commerciales. De 1993 à 1997, il a occupé le poste de secrétaire adjoint du Cabinet, Politique du développement économique et régional, au Bureau du Conseil privé. En 1996, il a commencé à exercer les fonctions de sous‑secrétaire du Cabinet (Opérations). Deux ans plus tard, il a été nommé sous‑ministre de la Justice et sous‑procureur général du Canada, poste qu’il a occupé pendant six ans. De 2004 à 2010, il a exercé les fonctions de sous‑ministre de Santé Canada, et il a ensuite été nommé sous‑ministre des Affaires étrangères. En 2013, M. Rosenberg a décidé de prendre sa retraite et de quitter la fonction publique fédérale. Il a agi à titre de président et chef de la direction de la Fondation Trudeau de 2014 à 2018.

M. Rosenberg a été nommé membre de l’Ordre du Canada en 2015 « pour son engagement soutenu à l’égard de notre pays et pour son leadership efficace et éthique en tant que haut fonctionnaire ».

Lori Sterling

Lori Sterling est titulaire d’un baccalauréat en droit de l’Université de Toronto et d’une maîtrise en droit de l’Université Cambridge. À partir de 1988, elle a plaidé devant toutes les instances judiciaires pour le gouvernement de l’Ontario relativement à des affaires constitutionnelles. En 2004, elle a été nommée sous‑procureure générale adjointe à la division des services juridiques et, en 2008, elle a commencé à exercer les fonctions de sous‑ministre au sein du ministère des Affaires autochtones du gouvernement de l’Ontario. Pendant qu’elle occupait ce poste, le Ministère s’est vu décerner par les Nations Unies un prix pour le service public en reconnaissance de son travail visant l’établissement de relations avec les peuples autochtones. En 2012, Mme Sterling a été embauchée au gouvernement fédéral, où on lui a offert le poste de sous‑ministre déléguée de la Justice. Elle a été nommée sous‑ministre du Travail et sous‑ministre déléguée de l’Emploi et du Développement social en 2014, et elle a occupé ce poste jusqu’à sa retraite et à son départ de la fonction publique, en 2018. Elle occupe actuellement un poste d’avocate‑conseil au sein du cabinet d’avocats Bennett Jones.

Mme Sterling a siégé à de nombreux conseils et comités, notamment au comité des appels en matière d’aide juridique, au comité des règles de la Société du Barreau du Haut‑Canada, à l’institut sur la gouvernance autochtone de l’Université Ryerson, à l’Institut de plaidoirie devant la Cour suprême du Canada, à l’organisme Pro Bono Law Ontario et au collège Pearson. De plus, elle a publié des articles sur le rôle de procureur général ainsi que sur diverses questions touchant le droit constitutionnel et le droit autochtone, et elle a enseigné le droit constitutionnel à la faculté de droit de l’Université de Windsor et à l’Institut national de la magistrature. 

Kate Kehoe

Kate Kehoe est titulaire d’un baccalauréat en droit de l’Université de Toronto. Après plusieurs années d’exercice du droit, elle a travaillé pendant dix ans à l’Institut national de la magistrature, à Ottawa, où elle était responsable des programmes de formation de la magistrature portant sur des sujets comme la Charte des droits et libertés, la prévention des erreurs judiciaires et le droit de la preuve. Elle a également codirigé le Symposium en l’honneur de l’honorable juge Mark Rosenberg avec la faculté de droit Osgoode Hall. Mme Kehoe a ensuite été détachée auprès de la Commission d’enquête Motherisk, qui avait pour mandat d’examiner les erreurs judiciaires dans le contexte de la protection de l’enfance en Ontario.

Mme Kehoe pratique actuellement le droit à Ottawa. Elle agit à titre de représentante pour le Groupe de la révision des condamnations criminelles au sein du ministère de la Justice, et elle évalue les demandes concernant des erreurs judiciaires en vertu de l’article 696.1 du Code criminel. Elle est également professeure à temps partiel à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa.


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Annexe B: participants aux consultations

Le professeur Bruce Archibald, Université Dalhousie, faculté de droit Schulich

Daniel Bellemare, sous-procureur général adjoint et dirigeant du Service fédéral des poursuites, 1993 – 2006

Le professeur Benjamin Berger, faculté de droit Osgoode Hall, Université York

L’honorable Ian Binnie, C.C., c.r., sous-ministre délégué de la Justice, Canada, 1982 –1986

L’honorable Pierre Blais, C.P., ministre de la Justice et procureur général du Canada, 1993

Margaret Bloodworth, C.M., secrétaire adjointe du Cabinet, 1994 – 1999; secrétaire associée du Cabinet, 2006 – 2008

Son Excellence l’honorable George Brandis, c.r., haut-commissaire de l’Australie au Royaume-Uni, 2018 - aujourd’hui; procureur général de l’Australie, 2013 – 2017

Ian Brodie, chef de Cabinet du très honorable Stephen Harper, 2006 – 2008

L’honorable Michael Bryant, procureur général de l’Ontario, 2003 – 2007

La professeure Anne Marie Boisvert, Université de Montréal, faculté de droit

Michel Bouchard, sous-ministre et sous-procureur général, Québec, 1993 – 2003, 2007 – 2010; sous-ministre délégué à la Justice du Canada, 2003 – 2007

L’honorable Eric Bowie, sous-procureur général adjoint du Canada, 1987 – 1992, sous‑ministre délégué de la Justice, 1992 – 1995

La très honorable Kim Campbell, C.P., C.C., O.B.C, c.r., ministre de la Justice et procureure générale du Canada, 1990 – 1993

Mel Cappe, O.C., greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, 1999 – 2002

L’honorable Martin Cauchon, C.P., ministre de la Justice et procureur général du Canada, 2002 – 2003

Ann Chaplin, avocate générale principale, Secteur du droit public et des services législatifs

Le professeur Gordon Christie, faculté de droit Allard, Université de la Colombie-Britannique

Stanley Cohen, avocat général principal, ministère de la Justice du Canada, 1995 – 2015, coordonnateur, projet relatif à la procédure criminelle, Commission de réforme du droit du Canada, 1985 – 1992

W. Brent Cotter, c.r., sous-ministre de la Justice et sous-procureur général de la Saskatchewan, 1992 – 1997

L’honorable Irwin Cotler, C.P., O.C., ministre de la Justice et procureur général du Canada, 2003 – 2006

Dre Emma Cunliffe, Université de la Colombie-Britannique, faculté de droit Allard

François Daigle, sous-ministre délégué, Justice Canada

Le doyen Adam Dodek, Université d’Ottawa, faculté de droit

Nathalie Drouin, sous-ministre de la Justice, Canada, 2017 – aujourd’hui

Charles Falconer, baron Falconer de Thoroton, C.P., c.r., lord grand chancelier de Grande-Bretagne, 2003 – 2007, secrétaire d’État aux Affaires constitutionnelles, 2003 – 2007, secrétaire d’État à la Justice, 2007

Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada

Robert Frater, c.r., premier avocat général, ministère de la Justice, Canada

Le professeur Craig Forcese, Université d’Ottawa, faculté de droit

Le professeur émérite Martin Friedland, C.C., c.r., Faculté de droit, Université de Toronto

Eddie Goldenberg, C.M., conseiller principal en politiques du très honorable Jean Chrétien, 1993 – 2003

Dominic Grieve, c.r., C.P., procureur général pour l’Angleterre et le Pays de Galles, 2010 – 2014

Le professeur Sakej Henderson, Native Law Centre of Canada, Université de la Saskatchewan

Le professeur Matthew Hennigar, Département des sciences politiques, Université Brock

Martin Herschorn, c.r., directeur par intérim du Service des poursuites publiques, Nouvelle‑Écosse, 1998 – 2001; directeur du Service des poursuites publiques, Nouvelle‑Écosse, 2001 – aujourd’hui

Alex Himelfarb, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, 2002 – 2006

Le professeur émérite Peter Hogg, C.C., c.r., MSRC, faculté de droit Osgoode Hall, Université York

Le professeur Alexander Horne, University College London

Mark Jewett, c.r., sous-ministre adjoint principal, Politiques publiques, ministère de la Justice du Canada, 1999 – 2001

Anil Kapoor, Kapoor Barristers

Myles Kirvan, sous-ministre de la Justice, Canada, 2010 – 2012

Le professeur Philippe Lagassé, Université Carleton, Norman Paterson School of International Affairs

Pierre Lapointe, procureur en chef, Québec, 2000 – 2015

L’honorable Patrick Lesage, C.M., O.Ont, c.r., juge en chef de la Cour supérieure de l’Ontario 1999 – 2002, ancien directeur des procureurs de la Couronne, ministère du Procureur général (Ontario)

Le professeur Darcy Lindberg, faculté de droit, Université de l’Alberta

L’honorable Peter MacKay, C.P., c.r., ministre de la Justice et procureur général du Canada, 2013 – 2015

Bruce MacFarlane, c.r., sous-procureur général adjoint du Canada, 1989-1993, sous-ministre de la Justice et sous‑procureur général du Manitoba, 1993 – 2005

Joanne Marceau, procureure en chef, Bureau de la directrice, Directrice des poursuites criminelles et pénales, Québec

Le professeur Andrew Martin, Université de la Colombie-Britannique, faculté de droit Allard

L’honorable Roy McMurtry, O.C., O.Ont, procureur général de l’Ontario, 1975 – 1985

Le professeur Errol Mendes, Université d’Ottawa, faculté de droit

Patrick Michel, procureur en chef, Bureau du service juridique, Directrice des poursuites criminelles et pénales, Québec

Dr R.M. Morris, C.V.O., associé de recherche principal honoraire, Unité de la constitution, University College London

Annick Murphy, Ad. E., directrice des poursuites criminelles et pénales, Québec, 2015 – aujourd’hui

Tim Murphy, chef de Cabinet du très honorable Paul Martin, 2003 – 2006

Le professeur Joshua Nichols, faculté de droit, Université de l’Alberta

L’honorable Robert Nicholson, C.P., c.r., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, 2007 – 2013

Nancy Othmer, sous-ministre adjointe de la Justice, Secteur du droit public et des services législatifs

John Pearson, directeur du Service des poursuites publiques, Nouvelle-Écosse, 1990 – 1994

L’honorable Geoff Plant, c.r., procureur général de la Colombie-Britannique, 2001 – 2005

Chantal Proulx, avocate générale principale, ministère de la Justice du Canada; directrice adjointe des poursuites pénales par intérim, Services des poursuites pénales du Canada, 2006 – 2012

La professeure Jennifer Quaid, Université d’Ottawa, faculté de droit

Le professeur Kent Roach, C.M., MSRC, Université de Toronto, faculté de droit

L’honorable Allan Rock, C.P., O.Ont, c.r., ministre de la Justice et procureur général du Canada, 1993 – 1997

Kathleen Roussel, Directrice adjointe des poursuites pénales, Canada, 2013 – 2017; Directrice des poursuites pénales, Canada, 2017 – aujourd’hui

Leo Russomanno, Russomanno Criminal Law

L’honorable Doug Rutherford, sous-procureur général adjoint du Canada, 1980 – 1986; sous-ministre délégué du ministère de la Justice du Canada, 1986 – 1991

Elizabeth Sanderson, sous-ministre de la Justice, Nunavut, 2014 – 2016 ; sous-procureure générale adjointe, Affaires autochtones, 2005 – 2010

Brian Saunders, c.r., Directeur des poursuites pénales par intérim, Canada, 2006 – 2009; Directeur des poursuites pénales, Canada, 2009 – 2016

Ian D. Scott, Ian D. Scott & Associates, Directeur, Unité des enquêtes spéciales (Ontario), 2008 – 2013

Murray Segal, sous-procureur général adjoint et procureur en chef de l’Ontario, 1997 – 2004; sous-procureur général de l’Ontario, 2004 – 2012

John Sims, C.M., c.r., sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, 2004 – 2010

Le professeur Philip C. Stenning, Université Griffith, Griffith Criminology Institute

Le professeur Patrick Taillon, Université Laval, faculté de droit

George Thomson, sous-procureur général de l’Ontario, 1991 – 1994; sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, 1994 – 1998

La professeure Lori Turnbull, Université Dalhousie, Département des sciences politiques

La professeure Martine Valois, Université de Montréal, faculté de droit

Ivan Whitehall, c.r., premier avocat général, ministère de la Justice du Canada, 1999 – 2003

L’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., c.r., députée, ministre de la Justice et procureure générale du Canada, 2015 – 2019

Laurie-Catherine Wright, sous-ministre adjointe principale, Secteur des politiques, ministère de la Justice

L’honorable Wayne Wouters, C.P., O.C., greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, 2009 – 2014


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Annexe C : sources

Livres et articles dans des publications

Aviad Bakshi, « Legal Advisers and the Government: Analysis and Recommendations » Shevat 5776 – février 2016, document d’orientation no 10

Michael Code, « Crown Counsel’s Responsibilities When Advising the Police and the Pre-Charge Stage » (1998) 40 Crim. L.Q. 326

Adam Dodek, « The impossible position: Canada’s attorney-general cannot be our justice minister » (Globe & Mail, 22 février 2019)

Adam Dodek, « The Unique Role of Government Lawyers in Canada » (2016) 49 Isr. L. Rev. 23

John LI J. Edwards, « Criminal Law and its Enforcement in a Permissive Society » (1970) 12 Crim. L.Q. 417

John LI J. Edwards, « La responsabilité ministérielle en matière de sécurité nationale dans la mesure où elle concerne les charges de Premier ministre, de Procureur général et de Solliciteur général du Canada – Une étude préparée pour la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada » (Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services, 1980)

John Ll. J. Edwards, « The Charter, Government and the Machinery of Justice », (1987) 36 R.D.U.N.-B. 41

John Ll. J. Edwards, The Law Officers of the Crown (London: Sweet & Maxwell, 1964)

Gordon F. Gregory, « The Attorney General in Government » (1987) 36 R.D.U.N.-B. 59

James (Sákéj) Youngblood Henderson, « Aboriginal Attorney General » (2003) 22 Recueil annuel de Windsor d’accès à la justice 265

James B. Kelly & Matthew A. Hennigar, « The Canadian Charter of Rights and the Minister of Justice: Weak Form Review within a Constitutional Charter of Rights » (2012) 10 Int’l J. Const. L. 35

Matthew A. Hennigar, « Conceptualizing Attorney General Conduct in Charter Litigation: From Independence to Central Agency » (2008) 51 Administration publique du Canada 192

Grant Huscroft, « Reconciling Duty and Discretion: The Attorney General in the Charter Era » (2009) 34 Queen’s L.J. 773

Bruce A. MacFarlane, « Sunlight and Disinfectants: Prosecutorial Accountability and Independence through Public Transparency » (2001) 45 Crim. L.Q. 272

Heather MacIvor, « The Wilson Raybould Affair and The Importance of Being Appropriate » The Lawyers Daily, 4 avril, 2019

Andrew Flavelle Martin, « The Attorney General’s Forgotten Role as Legal Advisor to the Legislature: A Comment on Schmidt v. Canada (Attorney General) » (2019) 52 U.B.C.L. Rev. 201

L’honorable R. Roy McMurtry, « The Office of the Attorney General » dans Derek Mendes da Costa (éd.), The Cambridge Lectures (Toronto: Butterworths, 1981)

Debra Parkes & Emma Cunliffe, « Women and Wrongful Conviction: Concepts and Challenges » (2015) 11:3 International Journal of Law in Context 219

Kent Roach, « Not Just the Government’s Lawyer: The Attorney General as Defender of the Rule of Law » (2006) Queen’s L.J. 598

Kent Roach, « Prosecutorial Independence and Accountability in Terrorism Prosecutions » (2010) 55 Crim. L.Q. 486

Marc Rosenberg, « The Attorney General and the Administration of Criminal Justice » (2009) 34(2) Queen’s L.J. 813

Marc Rosenberg, « The Ethical Prosecutor in the Canadian Context », document présenté à la Conférence des procureurs fédéraux (1991)

Elizabeth Sanderson, Government Lawyering: Duties and Ethical Challenges of Government Lawyers (LexisNexis: Toronto, 2018)

Baronne Patricia Scotland, « The Rule of Law at the Heart of Government », discours prononcé au Thomas More Institute, 14 mai 2008

Ian Scott, « The Role of the Attorney General and the Charter of Rights » (1987) 29 Crim. L.Q. 187

Ian Scott, « Law, Policy, and the Role of the Attorney General: Constancy and Change in the 1980s » (1989) 39 U.T.L.J. 109

Lorne Sossin et Valerie Crystal, « A Comment on "No Comment: The Sub Judice Rule and the Accountability of Public Officials in the 21st Century » Dalhousie Law Journal 36.2 (2013): 535-580.

Phillip C. Stenning, « Prosecutions, Politics and the Public Interest: Some Recent Developments in the U.K., Canada and Elsewhere » (2010) 55 Crim. L.Q. 449

Lori Sterling et Heather Mackay, “The Independence of the Attorney General in the Civil Law Sphere” (2009) 34(2) Queen’s L.J. 891

Maxime St. Hilaire et Martine Valois, « The Problem with Prosecutorial Independence in Canada » Advocates for the Rule of Law (en ligne), 20 février 2019

Rapports d’enquête et de commissions

De solides assises : rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique. John C. Tait, c.r., président (Ottawa, Centre canadien de gestion, 1996)

Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la Couronne. (Ottawa, Commission de réforme du droit du Canada, 1990)

L’innocence en péril : la nécessité de vigilance continue afin de prévenir les condamnations injustifiées au Canada (Sous-comité fédéral, provincial et territorial des chefs des poursuites pénales sur la prévention des erreurs judiciaires, 2018)

Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. L’honorable juge Marion Buller, commissaire en chef; Michèle Audette, Brian Eyolfson et Qajaq Robinson, commissaires (Vancouver, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019)

Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II – Le ministère public. (Commission européenne pour la démocratie par le droit, 2010)

Rapport de la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada. D.C. McDonald, président (Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services, 1980)

Rapport de la Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin. L’honorable Fred Kaufman, président. (Toronto, Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin, 1998)

Report of the Iraq Inquiry. Sir John Chilcot (président), Sir Lawrence Freeman, Sir Martin Gilbert, Sir Roderic Lyne, Baronne Usha Prashar, commissaires (Chambre des communes 264, 2016)

Report of the Royal Commission Inquiry into Civil Rights. L’honorable juge en chef J.C. McRuer, président (Toronto : Imprimeur de la Reine, Ontario, 1968)

Rapport sur la Commission royale d’enquête sur l’organisation du gouvernement. J. Grant Glassco, président. (Ottawa : juillet 1962.)

Report of the Royal Commission on the Donald Marshall, J., Prosecution. Le juge en chef T. Alexander Hickman, juge en chef adjoint Lawrence A. Poitras, l’honorable M. Gregory T. Evans, c.r., présidents (Halifax : Imprimeur de la Reine, 1989)

Documents gouvernementaux canadiens et internationaux

Canada, Pour un gouvernement ouvert et responsable (Bureau du Conseil privé : 2015)

Canada, Service des poursuites pénales du Canada, Guide du Service des poursuites pénales du Canada (2014)

Canada, Service des poursuites pénales du Canada, Livre de transition (sans date)

Canada, ministère de la Justice, Cahier d’information à l’intention de la ministre (2019)

Les Origines et les fondements de l’institution du DPCP (Québec, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2019) 

Ontario, ministère du Procureur général. Manuel de poursuite de la Couronne (sans date)

Gouvernement du R.-U., « The Governance of Britain – A Consultation on the Role of the Attorney General » (2007)

Gouvernement du R.-U., « The Government’s Response to the Constitutional Affairs Select Committee Report on the Constitutional Role of the Attorney General » (avril 2008)

Comité des affaires constitutionnelles de la Chambre des communes du R.-U., cinquième rapport de session, « Constitutional Role of the Attorney General », présenté au Parlement par le procureur général (avril 2008)

Gouvernement du R.-U., Framework Agreement between the Law Officers and the Director of Public Prosecutions (13 mars 2019)

Gouvernement du R.-U., « Protocol Between the Attorney General and Prosecuting Departments » (juillet 2009)

Gouvernement du R.-U., « Attorney General’s Office Business Plan: 28-2019 » (août 2018)

Témoignages

Canada, Parlement, Sénat, Comité permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, Délibérations, 39e lég., 1re sess., n3 (29 juin, 2006)

Canada, Parlement, Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, délibérations, 42e lég., 1re sess. (21 février, 25 février, 27 février, 6 mars, 2019)

Jurisprudence

British Columbia (Attorney General) c. Davies, 2009 BCCA 337

Krieger c. Law Society of Alberta, [2002] 3 RCS 372

Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217

R (on the application of Corner House Research and others) c. Director of the Serious Fraud Office, [2008] UKHL 60

R. c. Patrick Ouellet, Cour du Québec, 505-01-130169-150, le 21 novembre 2017

R. c. Anderson, [2014] 2 RCS 167

R. c. Cawthorne, [2016] 1 RCS 983

R. c. Kyres, 2018 QCCS 4671

R. c. Power, [1994] 1 RCS 601


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Annexe D : organisation du ministère de la Justice Canada

Voir la version agrandie dans un nouvel onglet

L'organigramme de la structure organisationnelle montre comment le département est organisé, avec les noms des personnes occupant des postes de direction clés.

 

Version texte

Ministre, L'hon David Lametti, C.P, député

  • L'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, Heidi Illingworth
  • Sous-ministre, Nathalie G. Drouin, Ad. E.
    • Sous-ministre délégué, A. François Daigle
    • Premier avocat général, Robert Frater, c. r.
    • Dirigeant principal des résultats et de l'exécution, Stephen Mihorean
    • Chief Audit and Evaluation Executive, Anne Patenaude
    • Directrice générale Communications, Shirley Anne Off
    • SMAP, Secteur des politiques, Laurie-Catherine Wright
    • SMA, Portefeuille des affaires autochtones, Laurie Sargent
    • SMA, Portefeuille de la sécurité publique, de la défense et de l'immigration, Elisabeth Eid
    • SMA, Portefeuille des services du droit fiscal, Lynn Lovett
    • SMA, Portefeuille du droit des affaires et du droit réglementaire, Andrew Saranchuk
    • SMA, Portefeuille des organismes centraux, Isabelle T. Jacques
    • SPGA, Secteur national du contentieux, Geoffrey Bickert, c.r.
    • SMA, Secteur du droit public et des services législatifs, Nancy Othmer
    • SMA et DPF, Secteur de la gestion, Johanne Bernard

SMAP - Sous-ministre adjoint principal
SMA - Sous-ministre adjoint
SPGA - Sous-procureur générale adjoint
DPF - Dirigeante principale des finances


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Annexe E : les procureurs généraux dans les pays de common law

Defining the role, responsibilities, duties and key characteristics of the Office of Attorney General in common law countries - A ‘pick-and-mix’ (‘buffet’) approach

Ceci est une traduction d’un document remis par Philip Stenning à l’honorable Anne McLellan le 26 mai 2019
aux fins d’examen par cette dernière

Commentaires généraux

  1. Le Bureau du procureur général peut être défini par n'importe quelle combinaison de l'une ou l'autre des caractéristiques et des options énoncées ci‑après. En effet, différents pays ont défini le Bureau en fonction de différentes combinaisons de ces caractéristiques et options. Il n'existe donc pas de modèle unique définitif pour le Bureau parmi les juridictions du Commonwealth et les autres pays de common law (comme les États-Unis) où le Bureau existe. Bien que la tradition et les conventions constitutionnelles aient joué un rôle important dans la définition du Bureau dans la plupart des juridictions, il est également vrai que la définition du Bureau a changé avec le temps dans plusieurs, voire la plupart, de ces juridictions. Le regretté professeur John Edwards a rédigé deux ouvrages faisant autorité sur le sujet, à savoir The Law Officers of the Crown (1964) et The Attorney General, Politics and the Public Interest (1984), dans lesquels il présente les meilleurs exemples de telles évolutions (au Royaume-Uni et dans certains pays du Commonwealth) ainsi que les explications et les raisons qui les sous-tendent.
  2. Les rôles clés du Bureau du procureur général dans les pays de common law ont changé depuis l'évolution historique des bureaux des « avocats de la Couronne » (procureur général et solliciteur général) à partir du 13e siècle en Angleterre et au Pays de Galles (voir Edwards [1964] pour connaître l'histoire de ces bureaux). De nos jours, dans les pays de common law, le Bureau du procureur général assume la plupart ou la totalité des responsabilités suivantes :
    1. Responsabilité globale et ultime des poursuites, de la politique en matière de poursuites et du service des poursuites. 
    2. Conseiller juridique principal du gouvernement (ministres et ministères), du Cabinet, du Parlement et du chef d'État (souverain, gouverneur général, gouverneur, président, etc.), et responsabilité des services juridiques du gouvernement. Toutefois, dans plusieurs juridictions, une partie ou la totalité de ces responsabilités sont attribuées à un cabinet distinct de celui du ministre de la Justice (qui peut ou non être occupé par la même personne qui assume les fonctions de procureur général).
    3. Responsabilité à titre de « gardien de l'intérêt public ».
    4. Chef en titre du Barreau ou de la Law Society.
    5. Responsabilité du maintien de l'ordre et des services de police (mais seulement si le procureur général est un ministre du gouvernement).
    6. Responsabilité de veiller à ce que les activités du gouvernement soient menées dans le respect de la primauté du droit (à l’échelon national et international).
    7. Toute autre responsabilité conférée par la loi ou à la discrétion du premier ministre ou des premiers ministres provinciaux.
  3. Tous les aspects du rôle, des responsabilités, des fonctions et des principales caractéristiques du Bureau peuvent être :
    1. définis dans le droit (c.-à-d. dans la constitution de la juridiction, comme c'est le cas dans certains pays; par une loi et/ou des instruments réglementaires, comme c'est le cas dans la plupart des juridictions; par des décisions judiciaires faisant autorité, comme dans certaines juridictions; ou par une combinaison de certaines ou de toutes ces options);
    2. définis par des conventions constitutionnelles (comme il est prévu dans la soi‑disant doctrine « Shawcross »);
    3. définis dans des documents de politique gouvernementale ou des protocoles (auquel cas ils peuvent changer d'un gouvernement à l'autre);
    4. laissés à la discrétion d'un président ou d'un premier ministre en exercice;
    5. définis par une combinaison quelconque des options a), b), c) ou d).

Dans bien des juridictions, il est prescrit par une règle de droit que le Bureau « est investi des pouvoirs et fonctions afférents de par la loi ou l’usage à la charge de procureur général d’Angleterre, dans la mesure où ces pouvoirs et ces fonctions s’appliquent au » pays concerné (comme c’est le cas du Canada, paragraphe 5(a) de la Loi sur le ministère de la Justice). Dans de tels cas, les responsabilités a), b), c) et d) énoncées au paragraphe 2 ci-dessus sont les responsabilités et les fonctions auxquelles on réfère habituellement.

Dans de nombreuses juridictions, on a eu tendance à ne pas combiner la responsabilité du maintien de l'ordre et des services de police avec la responsabilité des poursuites et du service des poursuites au sein d'un seul bureau. Au Canada, l'enquête Dorion (1965) sur l'affaire Rivard a préconisé une telle séparation et a mené à la création du Bureau du solliciteur général en tant que ministre du gouvernement distinct du ministre de la Justice au niveau fédéral. Cette tendance s’est poursuivie dans certaines provinces du Canada et dans de nombreux autres pays de common law, le ministre responsable ayant souvent le titre de ministre des Services de police, de ministre de la Sécurité publique ou de ministre de l'Intérieur. En Angleterre et au Pays de Galles, la responsabilité du maintien de l'ordre et des services de police revient au ministre de l'Intérieur.

Il est évident que la définition du rôle aura tendance à être plus stable et plus durable (survivant à différents gouvernements) et « exécutoire » (p. ex. par la contestation devant les tribunaux) si elle est prescrite par une règle de droit (surtout la constitution de la juridiction) que si elle est enchâssée d'une autre façon.  Toutefois, dans la pratique, bon nombre de ces caractéristiques du Bureau n'ont pas été définies dans le droit dans de nombreux pays du Commonwealth et d'autres juridictions de common law.

La façon dont le rôle, les responsabilités, les fonctions et les principales caractéristiques sont définis est donc une question de choix politique, et il serait juste de dire qu'aucune « meilleure pratique » définitive à cet égard n'a été élaborée par les pays du Commonwealth et les autres juridictions de common law où le Bureau existe.

Principales caractéristiques et options du Bureau du procureur général

  1. Le procureur général peut (ou doit selon la loi) être un politicien élu ou nommé (p. ex. à une chambre haute du Parlement ou à la législature) ou un fonctionnaire nommé (non élu).
  • S'il s'agit d'un politicien, le titulaire de la charge de procureur général change normalement par suite d’un changement de gouvernement et peut être démis de ses fonctions pendant le mandat d'un gouvernement, habituellement à la discrétion du premier ministre.
  • S'il s'agit d'un fonctionnaire, le titulaire du poste peut ou non a) exercer un mandat d'une durée déterminée, renouvelable ou non renouvelable, ou b) occuper un poste « à titre amovible », ou c) changer normalement par suite d’un changement de gouvernement. 
  • Un procureur général qui est fonctionnaire se voit généralement accorder certaines dispositions relatives à la permanence (en ce qui concerne le congédiement, le salaire, etc.) visant à assurer son « indépendance » politique à l'égard du processus décisionnel en matière de poursuites.
  • En Israël et dans plusieurs pays africains, le procureur général est un fonctionnaire (souvent « indépendant ») et non un politicien élu ou nommé.
  • Certaines juridictions de common law (notamment l'Afrique du Sud depuis 1996) ont aboli le Bureau du procureur général, confiant la responsabilité des poursuites à un fonctionnaire « indépendant » (habituellement un directeur des poursuites pénales ou DPP) et les autres responsabilités traditionnelles du procureur général à un ministre de la Justice. Dans ces pays, le DPP peut être tenu de rendre des comptes sur le plan politique (au Parlement) par l’entremise du ministre de la Justice ou, dans certains cas, de rendre des comptes directement au président du pays.
  • Dans de nombreux autres pays de common law (y compris le Canada ainsi que l'Angleterre et le Pays de Galles depuis 1986), le bureau traditionnel du procureur général a été conservé, mais la responsabilité « quotidienne » des poursuites, de la politique et du service des poursuites a été confiée à un fonctionnaire « indépendant », généralement au moyen d’une loi. Dans la plupart de ces juridictions, le titulaire de la charge a le titre de directeur des poursuites pénales (DPP), mais en Nouvelle-Zélande, c'est le solliciteur général. Dans ces pays, le DPP doit rendre des comptes au procureur général, qui est habituellement un ministre du gouvernement qui conserve la responsabilité « ultime » et la responsabilité politique des poursuites, de la politique et du service des poursuites (c.-à-d. que le procureur général conserve son autorité traditionnelle en matière de poursuites), et peut être assujetti à ses directives. Dans certaines de ces juridictions, le droit du procureur général de donner des directives en matière de poursuites se limite aux directives générales concernant la politique en matière de poursuites à l'égard de certains types d'infractions, plutôt qu'aux directives concernant des poursuites particulières; ce droit est également assujetti à des exigences de publication (y compris la présentation de telles directives devant le Parlement). Dans certaines juridictions (comme l'Australie) où l'autorité quotidienne en matière de poursuites a été confiée à des DPP indépendants, le procureur général se réserve toutefois le droit de donner des directives concernant les poursuites dans des cas individuels, voire de les prendre en charge, même si l'on s'attend à ce que ce pouvoir ne soit exercé que rarement et dans des circonstances ou des cas « exceptionnels » (par exemple, si l’on juge que la poursuite porte sur une question importante ou d’intérêt national). Dans certaines de ces juridictions (y compris le Canada au niveau fédéral), le DPP est tenu d'informer le procureur général de tout cas exceptionnel de ce genre.   
  • Dans plusieurs juridictions du Commonwealth (y compris l'Angleterre et le Pays de Galles jusqu'en 1986), la responsabilité de la grande majorité des poursuites (c.-à-d. pour les infractions criminelles moins graves) revient aux services de police et non à un service des poursuites distinct. Dans de tels cas, le chef ou le commissaire de police est politiquement responsable de ces poursuites devant le ministre responsable des services de police, qui peut ne pas être le procureur général.
  • Dans la plupart des États des États-Unis, le chef du service des poursuites (habituellement appelé le procureur de district) est un représentant élu directement qui doit rendre des comptes sur le plan politique par l’entremise du procureur général de l'État. Les procureurs généraux aux États-Unis sont nommés par le président (dans le cas du procureur général fédéral) ou le gouverneur de l'État (dans le cas des procureurs généraux des États).
  • L'équivalent du Bureau du procureur général en Écosse est l’Office of the Lord Advocate. Comme le procureur général dans d'autres régions du Royaume-Uni, le Lord Advocate est décrit comme étant l'avocat en chef de la Couronne. Depuis le transfert des pouvoirs, le Lord Advocate est nommé par la Reine sur recommandation du gouvernement écossais et avec l'aval du Parlement écossais. Le Lord Advocate est membre d’office du gouvernement écossais, mais n'est ni un politicien élu directement ni un membre du Cabinet écossais, bien que, comme le procureur général d'Angleterre et du Pays de Galles, il puisse être invité à assister aux réunions du Cabinet lorsque, en sa qualité de conseiller juridique principal du gouvernement, ses conseils juridiques peuvent être requis. Il est responsable des poursuites, de la politique en matière de poursuites et du service des poursuites (les procurator-fiscals). Le titulaire de la charge de Lord Advocate change habituellement par suite d’un changement de gouvernement.
  1. Même s'il n’est pas un politicien élu ou nommé, dans certaines juridictions, le procureur général est nommé membre d'office de l'une ou l'autre des chambres du Parlement.
  • Cette pratique est en place, car on estime habituellement qu'elle renforcera la responsabilité politique du procureur général dans ses domaines de responsabilité.
  1. Le procureur général peut ou non être autorisé à occuper d'autres fonctions ou à exercer une autre profession.
  • Dans le cas d'un politicien élu ou nommé, il s'agit le plus souvent du Cabinet du ministre de la Justice, mais historiquement dans certaines juridictions (dont le Canada), il s'agit des cabinets du premier ministre ou des premiers ministres provinciaux, ou d'un autre portefeuille ministériel.
  • Dans le cas d'un fonctionnaire non élu, le procureur général peut ou non (mais c’est peu commun de nos jours), par exemple, être autorisé à pratiquer le droit dans un cabinet privé pendant son mandat.
  1. On peut exiger que le procureur général soit un avocat qualifié.
  • Si le procureur général est un politicien élu ou nommé, cela relève le plus souvent de la discrétion du chef du gouvernement. Il est un peu moins probable que ce soit le cas si le procureur général est un politicien élu ou nommé qui est autorisé ou appelé à occuper d'autres postes (comme celui de ministre de la Justice ou de responsable d'un autre portefeuille ministériel) pendant son mandat. Dans la pratique, toutefois, les procureurs généraux sont presque toujours des avocats qualifiés, bien qu'il y ait eu des exceptions historiques dans certaines juridictions.
  1. Le procureur général peut ou non être membre du Cabinet.
  • Dans certaines juridictions, cela est déterminé par une disposition de la Constitution (c'est-à-dire par une règle de droit), mais dans la plupart des cas, il s'agit soit d'une question de convention constitutionnelle, soit d'une question qui relève entièrement de la discrétion du premier ministre ou des premiers ministres provinciaux.
  • À ma connaissance, il n'y a aucun cas où un procureur général qui est un fonctionnaire plutôt qu'un politicien élu est membre du Cabinet.
  1. Même s'il n'est pas membre du Cabinet, le procureur général peut être invité régulièrement ou occasionnellement à assister aux réunions du Cabinet.
  • Le procureur général reçoit habituellement cette invitation à la discrétion du premier ministre ou des premiers ministres provinciaux, et le plus souvent dans le but d'être disponible pour fournir des conseils juridiques au Cabinet.
  1. Que le procureur général soit un politicien ou un fonctionnaire, et qu'il soit membre ou non du Cabinet, dans la plupart des juridictions de common law, on s'attend à ce qu'il exerce certaines de ses responsabilités officielles de façon « indépendante », c'est-à-dire sans être assujetti à des directives ou faire l’objet d’une influence indue, d’une « ingérence » ou de pressions de quiconque, notamment le premier ministre, les premiers ministres provinciaux ou d’autres ministres ou fonctionnaires.
  • Dans certaines juridictions, cette indépendance politique est prescrite par une règle de droit (prévue par la Constitution et/ou établie par la loi, telle qu'elle est interprétée et appliquée par les décisions judiciaires, ou imposée en vertu de décisions judiciaires). Le paragraphe 179(4) de la Constitution sud-africaine, tel qu'interprété par la Cour constitutionnelle du pays, en est un exemple. Mais dans la plupart des cas, il s'agit d'une convention constitutionnelle (telle qu’elle est énoncée, par exemple, dans la soi-disant doctrine « Shawcross »), qui peut également être interprétée et appliquée au moyen de décisions judiciaires (comme c’est le cas au Canada ainsi qu’en Angleterre et au Pays de Galles).
  • Cette attente/exigence s'applique le plus souvent à la prise de décisions concernant les enquêtes criminelles (lorsque le procureur général en est responsable) et les poursuites dans les « cas individuels ». Toutefois, comme l'illustre l'affaire SNC-Lavalin, la ligne de démarcation entre, d’une part, des suggestions ou des conseils non sollicités et, d’autre part, une mauvaise orientation, une influence indue, une « ingérence » ou des pressions ne fait pas toujours l’objet d’un consensus universel. Dans la plupart des juridictions, il est généralement convenu que cette convention ne s'applique pas à l'établissement de la politique générale en matière d'enquêtes ou de poursuites criminelles. Dans certains pays, toutefois, on a fait valoir qu'elle s'applique et que cette politique devrait être déterminée indépendamment par le procureur général (mais habituellement après avoir consulté le chef du service des poursuites (p. ex. un DPP), un organe directeur de la police ou un commissaire de police).
  1. Le pouvoir du procureur général de donner des directives au chef du service des poursuites, à la police ou à tout procureur ou agent de police en ce qui concerne la prise de décisions dans une « poursuite particulière », ou de prendre en charge  une « poursuite particulière », peut être restreint ou entièrement interdit par une règle de droit ou une convention.
  • Dans les pays qui ont établi, dans la constitution et/ou par la loi, un Bureau du directeur des poursuites pénales, dont le dirigeant est un fonctionnaire « indépendant » qui assume les fonctions de chef du service des poursuites, de telles restrictions ou interdictions sont généralement prévues par la loi. Dans d'autres pays, elles sont habituellement élaborées sous forme de coutumes ou de conventions, ou peuvent être inscrites dans des protocoles écrits (auquel cas elles peuvent varier en fonction du gouvernement au pouvoir). 
  1. Dans de nombreuses juridictions de common law, les poursuites relatives à certaines infractions nécessitent le consentement du procureur général.
  • Dans certaines des juridictions qui ont établi un Bureau du directeur des poursuites pénales indépendant, les anciennes exigences relatives au consentement du procureur général ont été abolies.

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[1] Le masculin a été utilisé tout au long de la version traduite du rapport (neutre en anglais).

[2] Le dernier changement significatif avait eu lieu dans les années 1960 après la publication du Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’organisation du gouvernement. J. Grant Glassco, président (Ottawa : juillet 1962.)

[3] Nous avons obtenu l’autorisation de nommer les personnes énumérées à l’annexe B.

[4] John Ll. J. Edwards, « The Charter, Government and the Machinery of Justice » (1987) 36 U.N.B.L.J. 41, à la p. 42.

[5] Edwards, « The Charter, Government and the Machinery of Justice », à la p. 42.

[6] L’al. 4a) de la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. (1985), ch. J-2, prévoit que le ministre de la Justice est chargé de veiller au respect de la loi dans l’administration des affaires publiques. Le procureur général a été décrit comme [traduction] « le défendeur de la primauté du droit Report of the Royal Commission Inquiry into Civil Rights. L’honorable J.C. McRuer, juge en chef, commissaire (Toronto : Queen’s Printer, Ontario, 1968), vol. 2, à la p. 945.

[7] Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217, au par. 70.

[8] Elizabeth Sanderson, Government Lawyering: Duties and Ethical Challenges of Government Lawyers (LexisNexis : Toronto, 2018), aux p. 17‑25. Pendant très longtemps, il y avait également un auxiliaire de justice de la Couronne, le solliciteur général. Pour obtenir un aperçu de l’historique du procureur général du Canada, voir Michael Code, « Crown Counsel’s Responsibilities When Advising the Police and the Pre-Charge Stage » (1998) 40 Crim. L.Q. 326.

[9] John LI J. Edwards, La responsabilité ministérielle en matière de sécurité nationale dans la mesure où elle concerne les charges de Premier ministre, de Procureur général et de Solliciteur général du Canada – Une étude préparée pour la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada (Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services, 1980) (la commission McDonald), à la p. 119.

[10] John LI J. Edwards, La responsabilité ministérielle en matière de sécurité nationale, à la p. 119.

[11] Canada, Service des poursuites pénales du Canada, Guide du Service des poursuites pénales du Canada (2014), aux p. 10‑11.

[12] À la page 11, le Guide du SPPC établit un certain nombre de points à prendre ou non en considération pour déterminer l’intérêt public.

[13] R (on the application of Corner House Research and others) c. Director of the Serious Fraud Office, [2008] UKHL 60, au par. 53.

[14] Phillip C. Stenning, « Prosecutions, Politics and the Public Interest: Some Recent Developments in the U.K., Canada and Elsewhere » (2010) 55 Crim. L.Q. 449, à la p. 459.

[15] L’honorable R. Roy McMurtry, « The Office of the Attorney General » dans Derek Mendes da Costa (ed), The Cambridge Lectures (Toronto : Butterworths, 1981), à la p. 7.

[16] Ian Scott, « Law, Policy, and the Role of the Attorney General: Constancy and Change in the 1980s » (1989) 39 U.T.L.J. 109, à la p. 122.

[17] John LL J. Edwards, The Attorney-General, Politics and the Public Interest (London : Sweet & Maxwell, 1984), à la p. 67, cité dans Elizabeth Sanderson, Government Lawyering: Duties and Ethical Challenges of Government Lawyer (Toronto : LexisNexis, 2018), à la p. 69.

[18] Loi sur le ministère de la Justice, art. 4.

[19] Pour obtenir une description des onze organismes du portefeuille de la Justice et de leur lien avec le ministre de la Justice et le ministère de la Justice, voir le ministère de la Justice, Cahier d’information à l’intention du ministre de la Justice, onglet 5, « Organismes au sein du portefeuille de la Justice ».

[20] Aucune incompatibilité avec la Charte n’a été rapportée au Parlement. L’article 3 de la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960 ch. 44, prévoit également que le ministre de la Justice doit examiner toute loi et tout règlement et signaler toute incompatibilité avec la Déclaration canadienne des droits.

[21] Le ministre de la Justice prépare les énoncés relatifs à la Charte afin d’éclairer le débat public et parlementaire relativement à un projet de loi proposé. Il identifie les droits et les libertés protégés par la Charte qui pourraient être visés par un projet de loi. Il peut également cerner les justifications possibles à toute limite aux droits et aux libertés qu’un projet de loi pourrait imposer. Ces énoncés seront exigés conformément au projet de loi C‑51, qui entrera en vigueur le 13 décembre 2019.

[22] Canada, ministère de la Justice, Cahier d’information à l’intention du ministre de la Justice (2019), onglet 2, « Rôles et responsabilités du ministre de la Justice et procureur général du Canada ».

[23] Certaines infractions criminelles ne peuvent faire l’objet de poursuites sans le consentement express du procureur général. Je ne me pencherai pas sur la question du consentement du procureur général dans le présent examen. Voir le Guide du SPPC, aux p. 12-13.

[24] R. c. Power, [1994] 1 R.C.S. 601, à la p. 616, la juge L’Heureux-Dubé.

[25] La description complète de la compétence pénale fédérale se trouve dans Canada, Service des poursuites pénales du Canada, Livre de transition – Service des poursuites pénales du Canada (sans date) sous « Poursuites ».

[26] Ontario, Ministère de la Procureur général. Manuel de poursuite de la Couronne (sans date), à la p. 16.

[27] Consulter l’arrêt R. c. Anderson, [2014] 2 RCS 167, pour voir comment le critère relatif à l’examen du pouvoir du poursuivant a été formulé récemment.

[28] Voir la discussion sur l’indépendance du poursuivant dans Les Origines et les fondements de l’institution du DCPC (Québec, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2019), aux p. 5-10. Cet ouvrage décrit les origines du principe et son application relativement au Cabinet, aux parlementaires et au public, ainsi qu’entre le procureur général et les poursuivants.

[29] Krieger c. Law Society of Alberta, [2002] 3 RCS 372, aux par. 29-30, les juges Iacobucci et Major; voir également R. c. Cawthorne, [2016] 1 RCS 983.

[30] Le rapport de 2019 sur l’indépendance du poursuivant rédigé par l’organe consultatif sur les questions constitutionnelles du Conseil de l’Europe comprend une analyse utile de l’ingérence partisane : « L’ingérence du pouvoir politique dans les poursuites est probablement aussi ancienne que la société elle‑même. De fait, dans les sociétés antiques, le pouvoir d’engager des poursuites appartenait entièrement aux princes qui pouvaient en user pour punir leurs ennemis et récompenser leurs amis […] L’ingérence du pouvoir politique ou les décisions erronées en matière de poursuites peuvent donner lieu à deux abus différents mais voisins. Le premier consiste à engager des poursuites qui n’ont pas lieu d’être, soit parce qu’il n’existe pas d’éléments de preuve, soit parce qu’une affaire repose sur des éléments de preuve altérés ou erronés. Le deuxième, plus insidieux et probablement plus courant, est observé lorsque le procureur n’exerce pas d’action alors qu’il le devrait ». Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II – Le ministère public. (Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) : 2010), aux p. 5-6.

[31] R.‑U., Débats de la Chambre des communes, vol 483, cols 683-84 (29 janvier 1951), extrait cité dans le Guide du SPPC, aux p. 4-5.

[32] Marc Rosenberg, « The Attorney General and the Administration of Criminal Justice » (2009) 34(2) Queen’s L.J. 813, à la p. 821.

[33] Canada, Débats de la Chambre des communes, vol. 4, à la p. 3881 (17 mars 1978).

[34] Je ne dresserai pas une liste des nombreuses sources qui étayent cette proposition. Il suffit de dire que la plupart des ouvrages universitaires, sinon tous, portant sur l’indépendance du procureur général dans les pays du Commonwealth renvoient au principe Shawcross. Le Guide du SPPC énumère certaines de ces sources aux notes de bas de page 13 et 14, à la p. 5.

[35] John Tait a expliqué les concepts connexes de l’obligation de rendre compte et de la responsabilité de la manière suivante : « Dans la plupart des situations, l’"obligation de rendre compte" évoque la sanction ou l’explication de la responsabilité. Ce terme est souvent utilisé comme synonyme du terme "responsabilité", car tous deux sont définis en fonction des pouvoirs du titulaire d’une charge; ils couvrent le même territoire. L’obligation de rendre compte suppose qu’on rend des comptes à une autorité, telle que le Parlement ou un supérieur, sur la façon dont on assume ses responsabilités et avec quel degré de succès; sur les mesures prises pour corriger les problèmes et s’assurer qu’ils ne se reproduisent pas; sur l’acceptation des conséquences personnelles, telles que les sanctions disciplinaires, s’il survient un problème qui aurait pu être évité si la personne avait pris des mesures appropriées ». John C. Tait, président. De solides assises : rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (Centre canadien de gestion, 1996), aux p. 9-10.

[36] British Columbia (Attorney General) c. Davies, 2009 BCCA 337, au par. 51.

[37] Pour une analyse de l’application du principe de l’obligation de rendre compte en matière de poursuites, voir Les Origines et les fondements de l’institution du DCPC, aux p. 9-13.

[38] John Ll. J. Edwards, The Law Officers of the Crown (London : Sweet & Maxwell, 1964), à la p. 225.

[39] Marc Rosenberg, « The Ethical Prosecutor in the Canadian Context », document présenté au Séminaire des procureurs de la Couronne de 1991 (1991), à la p. 4.

[40] Philip C. Stenning, Appearing for the Crown: A Legal and Historical Review of Criminal Prosecutorial Authority in Canada (Cowansville, Qc : Brown Legal Publications, 1986), à la p. 310, cité dans Code, « Crown Counsel’s Responsibilities When Advising Police at the Pre-Charge Stage », à la p. 355.

[41] Rosenberg, « The Attorney General and the Administration of Criminal Justice », à la p. 835.

[42] Guide du SPPC, préface.

[43] Je n’ai pas demandé de m’entretenir avec le juge Vic Toews, C.P., étant donné qu’il siège à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba.

[44] Loi sur le directeur des poursuites pénales, L.C. 2006, c. 9, art. 121 (la Loi sur le DPP).

[45] La Nouvelle-Écosse a créé le rôle de directeur des poursuites pénales en 1990, à la suite d’une enquête sur la condamnation injustifiée de Donald Marshall Jr. (voir la note 83). Le Québec a créé le rôle le directeur des poursuites criminelles et pénales en 2005. Les pouvoirs de ce fonctionnaire sont similaires à ceux du DPP fédéral : Public Prosecutions Act, 1990, c. 21, art. 1 (Nouvelle-Écosse); Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales, RLRQ c D-9.1.1 (Québec). En Colombie-Britannique, il n’y a pas de service de poursuites distinct, mais des directives relatives à des poursuites en particulier données par le procureur général ou le sous-procureur général à la direction de la justice pénale doivent être publiées dans la gazette : Crown Counsel Act, [RSBC 1996] C. 87, art. 5. Le Commonwealth d’Australie a créé le rôle de directeur des poursuites pénales en 1983. Comme au Canada, en Nouvelle-Écosse et au Québec, le procureur général en Australie peut donner des directives au DPP dans des poursuites en particulier; ces directives doivent être publiées dans la gazette et déposées au Parlement : Director of Public Prosecutions Act 1983, No. 113, 1983, art. 8.

[46] Canada, Parlement, Sénat, Comité permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, Délibérations, 39e lég., 1re sess., no 3 (29 juin 2006) (l’hon. Vic Toews).

[47] Loi sur le DPP, art. 3 et 4.

[48] Loi sur le DPP, art. 5.

[49] Loi sur le DPP, par. 5(1).

[50] Loi sur le directeur des poursuites criminelles et pénales, art. 6.

[51] Loi sur le DPP, art. 13.

[52] Sous le régime de la Loi sur le ministère de la Justice, le sous-ministre de la Justice est aussi le sous‑procureur général, sauf en ce qui concerne « les attributions que le directeur des poursuites pénales est autorisé à exercer en vertu […] de la Loi sur le directeur des poursuites pénales » : Loi sur le ministère de la Justice, par. 3(2).

[53] Loi sur le DPP, par. 10(1).

[54] Loi sur le DPP, art. 11.

[55] Guide du SPPC, à la p. 9.

[56] On en trouve un exemple aux paragraphes 34 et 35 de la décision R. c. Patrick Ouellet, Cour du Québec, 505-01-130169-150, 21 novembre 2017. À la suite d’une discussion entre le procureur général du Québec et la directrice des poursuites criminelles et pénales (DPCP), celle-ci a décidé de mettre sur pied un comité d’examen externe chargé de se pencher sur la décision de ne pas poursuivre un policier impliqué dans un accident de voiture dans lequel un enfant a été tué. À la suite de cet examen, Patrick Ouellet a été accusé de conduite dangereuse causant la mort. Aucune directive n’a été donnée par le procureur général. Le juge — qui a rejeté la déclaration de M. Ouellet selon laquelle l’accusation découlait d’une ingérence politique inconvenante — a conclu que la discussion entre le procureur général et la DPCP était appropriée. Il n’a trouvé aucun élément de preuve démontrant que le procureur général avait ordonné à la DPCP de changer sa décision initiale.

[57] Nous avons obtenu les cinq directives sur des poursuites en particulier qui ont été publiées dans des provinces canadiennes. L’une d’entre elles a été publiée en Nouvelle-Écosse, et les quatre autres (dont trois portaient sur la même affaire) ont été publiées en Colombie-Britannique.

[58] Loi sur le DPP, par. 15(1).

[59] Loi sur le DPP, par. 15(1) et 15(3).

[60] Loi sur le DPP, par. 10(2).

[61] Les directives sont intégrées dans le Guide du SPPC.

[62] Dans le rapport qu’il a préparé à l’intention de la commission McDonald en 1980, le professeur Edwards a relevé six structures générales utilisées dans les démocraties :

  1. Le procureur général est un fonctionnaire. Il exerce les fonctions de directeur des poursuites pénales sans relever d’aucune autre personne ou autorité.
  2. La nomination du procureur général est de nature politique; le procureur général est membre du gouvernement et ministre, mais il ne siège pas en tant que membre du Cabinet. (Comme le professeur Edwards l’a mentionné, l’Angleterre et le Pays de Galles est le seul pays du Commonwealth à avoir adopté ce modèle.)
  3. Le procureur général est membre du gouvernement et du Cabinet. Bien souvent, il exerce aussi la fonction de ministre de la Justice. (Il s’agit bien entendu du modèle adopté au Canada. Dans certains pays, le directeur des poursuites pénales relève du procureur général.)
  4. Le directeur des poursuites pénales est un fonctionnaire qui ne relève d’aucune autre personne ou autorité. (Le professeur Edwards a décrit ce modèle comme le « type classique de charge » dans le Commonwealth, qui est utilisé dans plusieurs anciennes colonies du continent africain, par exemple.)
  5. Le directeur des poursuites pénales est un fonctionnaire qui relève exclusivement du président. (C’est le modèle qui était utilisé dans les années 1960 en Tanzanie et au Ghana.)
  6. Le directeur des poursuites pénales est un fonctionnaire. Si le DPP est d’’avis qu’une affaire soulève des considérations générales d’intérêt public, il doit la soumettre à l’attention du procureur général. Le procureur général peut ensuite donner des instructions au DPP.

Edwards, « La responsabilité ministérielle en matière de sécurité nationale », aux p. 117–119.

[63] Le terme « intervenir » renvoie au fait de donner des directives ou de prendre en charge une poursuite, et non à l’intervention visée à l’article 14 de la Loi sur le directeur des poursuites pénales.

[64] C’est ce que prévoit l’entente-cadre régissant les relations entre le procureur général et le DPP au R.‑U. La disposition traite du pouvoir dont dispose le procureur général de donner des directives [traduction] « [e]xceptionnellement, et seulement s’il juge que cela est nécessaire pour préserver la sécurité nationale ». UK Government, Framework Agreement between the Law Officers and the Director of Public Prosecutions (13 mars 2019), articles 52-55. Cette entente‑cadre prévoit également que, dans des cas exceptionnels, si le DPP estime qu’il est souhaitable de consulter le gouvernement, ou s’il doit obtenir le consentement du procureur général, ce dernier peut, dans l’intérêt public, lancer une consultation (articles 56-58).

[65] La note de service figurant à l’annexe E est en anglais seulement.

[66] Report of the Iraq Inquiry (Chilcot Inquiry). Sir John Chilcot (président), Sir Lawrence Freeman, Sir Martin Gilbert, Sir Roderic Lyne, Baronne Usha Prashar, commissaires (House of Commons 264, 2016).

[67] Stenning, « Prosecutions, Politics and the Public Interest », p. 462, notes de base de page 43 et 44.

[68] Voir la discussion concernant l’affaire BAE dans Stenning, « Prosecutions, Politics and the Public Interest », aux p. 459–462.

[69] R (on the application of Corner House Research and others) c. Director of the Serious Fraud Office, précitée.

[70] Le premier ministre signe les documents de nomination des candidats de leur parti.

[71] Commission de réforme du droit, Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la Couronne. (Ottawa : Commission de réforme du droit du Canada, 1990), à la p. 55

[72] Commission de réforme du droit, Poursuites pénales, aux p. 56-57.

[73] Voir Stenning, « Prosecutions, Politics and the Public Interest », à la p. 451; voir aussi Aviad Bakshi, « Legal Advisers and the Government: Analysis and Recommendations ». Shevat 5776 , février 2016, document de politique no 10.

[74] Maxime St‑Hilaire et Martine Valois, « The Problem with Prosecutorial Independence in Canada ». Advocates for the Rule of Law (en ligne), 20 février 2019. Les « normes internationales » mentionnées désignent les recommandations de la Commission de Venise, laquelle a recommandé que les décisions d’engager ou non des poursuites incombent au seul ministère public. Je constate que la Commission de Venise a décrit le modèle fédéral du Canada comme un exemple de modèle de DPP indépendant : Commission de Venise, Rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II – le ministère public, aux par. 26, 27 et 43.

[75] Il est concevable qu’une telle modification ne cadre pas avec les aspects constitutionnels du rôle de procureur général. Même si la Loi constitutionnelle de 1867 ne fait pas référence au rôle de procureur général fédéral, elle mentionne le fait que les procureurs généraux du Québec et de l’Ontario doivent être membres du Cabinet. Voir R c. Kyres, 2018 QCCS 4671.

[76] Commission de réforme du droit du Canada, Poursuites pénales : les pouvoirs du Procureur général et des procureurs de la Couronne, à la p. 49, citant Edwards, « The Charter, Government and the Machinery of Justice », p. 56.

[77] Kent Roach, « Prosecutorial Independence and Accountability in Terrorism Prosecutions » (2010) 55 Crim. L.Q. 486, à la p. 488.

[78] Roach, « Prosecutorial Independence and Accountability in Terrorism Prosecutions », à la p. 488.

[79] Pour en savoir plus sur le pouvoir de donner des directives dans le contexte de la sécurité nationale, voir Roach, « Prosecutorial Independence and Accountability in Terrorism Prosecutions ».

[80] La vision étroite du service de police et des poursuivants a mené à la condamnation injustifiée de Guy Paul Morin. Rapport de la Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin. L’honorable Fred Kaufman, président (Toronto, 1998), aux p. 1311-1312. Voir également L’innocence en péril : la nécessité de vigilance continue afin de prévenir les condamnations injustifiées au Canada (Sous‑comité fédéral, provincial et territorial des chefs des poursuites pénales sur la prévention des erreurs judiciaires, 2018), aux p. 41‑47.

[81] Par exemple, la Commission Marshall a conclu que le racisme avait contribué à la condamnation injustifiée de Donald Marshall, Jr. Report of the Royal Commission on the Donald Marshall, J., Prosecution. Le juge en chef T. Alexander Hickman, le juge en chef adjoint Lawrence A. Poitras, et l’honorable Gregory T. Evans, c.r., commissaires (Halifax : Imprimeur de la Reine). Voir également les décisions citées dans Kent Roach, « The Wrongful Conviction of Indigenous People in Australia and Canada », (2015) 17 Flinders Law Journal 202.

[82] Voir Debra Parkes et Emma Cunliffe, « Women and Wrongful Conviction: Concepts and Challenges », (2015) 11:3 International Journal of Law in Context 219; Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. L’honorable juge Marion Buller, commissaire en chef; Michèle Audette, Brian Eyolfson et Qajaq Robinson, commissaires (Vancouver : Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019).

[83] Edwards, « La responsabilité ministérielle en matière de sécurité nationale », aux p. 121‑122, cité dans Stenning, « Prosecutions, Politics and the Public Interest », à la p. 473.

[84] Commission de réforme du droit du Canada, Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la Couronne, à la p. 55. Lorsque le rôle de DPP a été créé, le gouvernement a maintenu le pouvoir du procureur général d’intervenir afin de s’assurer que les décisions en matière de poursuites soient prises dans l’intérêt du public, conformément à l’obligation du procureur général de rendre compte au Parlement. Témoignage de l’honorable Vic Toews, Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, 29 juin 2006 (l’honorable Vic Toews).

[85] S.C. Silken, « The Functions and Position of the Attorney General in the United Kingdom », The Parliamentarian (1978), Vol. 59, à la p.153, cité dans Ian G. Scott, « The Role of the Attorney General and the Charter of Rights » (1987) 29 Crim. L.Q. 187, à la p.194.

[86] Adam Dodek, « The impossible position: Canada’s attorney-general cannot be our justice minister » (Globe & Mail, 22 février 2019).

[87] Dans le cadre de mes consultations, j’ai bénéficié des conseils de plusieurs érudits autochtones. Ces derniers m’ont parlé d’un autre type de conflit. Le professeur James [Sake’j] Youngblood Henderson a fait valoir que, puisque le système de justice a échoué à l’égard des peuples autochtones, et qu’il ne reconnaît pas vraiment les droits énoncés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, il faudrait un procureur général autochtone en mesure de donner un sens aux droits ancestraux et issus de traités, aux obligations fiduciaires envers les peuples autochtones, à l’honneur de la Couronne, et de les mettre en œuvre : James [Sake’j] Youngblood Henderson, « Aboriginal Attorney General » (2003) Windsor Yearbook of Access to Justice 265. Elizabeth Sanderson indique que, dans le cadre de la réconciliation, les avocats du gouvernement doivent trouver un équilibre entre les considérations politiques et juridiques : Sanderson, Government Lawyering, chapitre 4.

[88] Voir note 21.

[89] La conformité à la Charte relève du ministre de la Justice aux termes de la Loi sur le ministère de la Justice, mais puisqu’il s’agit d’une forme d’avis juridique, cette fonction pourrait être conférée au procureur général au sein de la nouvelle structure.

[90] Selon ce modèle, le procureur général serait toujours un politicien et occuperait ce poste à la discrétion du premier ministre. Ainsi, une préoccupation subsisterait quant à la possibilité d’interférence avec l’indépendance du procureur général.

[91] Guide du SPPC, partie 1.3, La consultation à l’intérieur de l’appareil gouvernemental, Directive du procureur général donnée en vertu de l’article 10(2) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, le 1er mars 2014, aux p. 2-3.

[92] Gouvernement du R.-U., Framework Agreement between the Law Officers and the Director of Public Prosecutions, aux par. 56-58.

[93] Canada, Pour un gouvernement ouvert et responsable (Bureau du Conseil privé, 2015), à la p. 72.

[94] Guide du SPPC, à la p. 4.

[95] La législation de la Nouvelle-Écosse interdit explicitement au procureur général de consulter d’autres membres du Cabinet. Public Prosecutions Act, alinéa 6(d). Aucune autre législation provinciale ne contient une telle restriction, ni même d’autres pays du Commonwealth, pour autant que je sache.

[96] Gouvernement du R.-U., Framework Agreement between the Law Officers and the Crown Prosecution Service (2009), articles 52-55.

[97] R (on the application of Corner House Research and others) c. Director of the Serious Fraud Office, précitée.

[98] Stenning, « Prosecutions, Politics and the Public Interest », à la p. 460, note de bas de page 37.

[99] [traduction] « Il est désormais bien établi que toute pratique résultant de pressions politiques, que ce soit du pouvoir exécutif ou du Parlement, sur des conseillers juridiques qui cherchent à prendre une décision à l’égard d’une affaire donnée, est inconstitutionnelle et devrait à tout prix être évitée. », John Edwards, Law Officers of the Crown, à la p. 224.

[100] Guide du SPPC, Directive du procureur général donnée en vertu de l’article 10(2) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, le 1er mars 2014, 1.2. Le devoir d’informer le procureur général en vertu de l’article 13 de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, à la p. 2.

[101] Le professeur Stennig m’a mentionné que les directeurs des poursuites pénales de l’Angleterre et du Pays de Galles, ainsi que de certaines juridictions australiennes, publient régulièrement des explications à savoir pourquoi ils ont décidé de ne pas intenter de poursuites.

[102] Lorne Sossin et Valerie Crystal, « A Comment on "No Comment": The Sub Judice Rule and the Accountability of Public Officials in the 21st Century », Dalhousie Law Journal 36.2 (2013): 535-580.

[103] Sossin, « A Comment on “No Comment” », à la p. 574.

[104] Rosenberg, « The Attorney General and the Administration of Criminal Justice », à la p. 822.

[105] Voir Heather MacIvor, « The Wilson Raybould Affair and The Importance of Being Appropriate », The Lawyers Daily, 4 avril 2019.

[106] Canada, Pour un gouvernement ouvert et responsable, à la p. 67.

[107] Le serment prêté par le procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles est le suivant : « duly and truly minister The Queen’s matters and sue The Queen’s process after the course of the Law, and after my cunning…I will duly in convenient time speed such matters as any person shall have to do in the Law against The Queen as I may lawfully do, without long delay, tracting or tarrying the Party of his lawful process in that that to me belongeth. And I will be attendant to The Queen’s matters when I shall be called thereto. » Voir le discours de la baronne Scotland, « The Rule of Law at the Heart of Government », donné à l’Institut Thomas More le 14 mai 2008. Par suite de l’examen du rôle de procureur général de l’Angleterre et du Pays de Galles en 2007, le gouvernement a proposé de modifier le serment pour utiliser un langage plus moderne et faire expressément référence à la primauté du droit. Voir Gouvernement du R.-U., « The Government’s Response to the Constitutional Affairs Select Committee Report on the Constitutional Role of the Attorney General » (avril 2008), à la p. 2, paragraphe 16.

[108] Ian Scott, « Law, Policy, and the Role of the Attorney General », à la p. 122.

[109] Il serait également utile de réviser la Loi de manière à préciser la répartition des tâches entre les fonctions de ministre de la Justice et de procureur général.

[110] MacFarlane, « Sunlight and Disinfectants », à la p. 274.


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