Aujourd’hui, la vice‑première ministre a envoyé une lettre concernant le nouvel ALÉNA aux chefs du Bloc québécois, du Parti conservateur du Canada, du Parti vert du Canada et du Nouveau Parti démocratique. Un exemplaire de la lettre se trouve ci‑après :
Je vous écris pour solliciter votre point de vue et votre soutien alors que nous et nos collègues à la Chambre des communes entamons la tâche importante de débattre de l’Accord Canada‑États‑Unis‑Mexique, à savoir le nouvel ALÉNA.
Dixième économie en importance dans le monde, le Canada est une grande nation commerçante. En 2017, notre prospérité collective, qui est tributaire notre plus importante relation commerciale, a été mise en danger.
Nous avons été confrontés à une série de mesures commerciales sans précédent de la part des États‑Unis. Le Canada ne s’était jamais heurté à une vague protectionniste de cette ampleur auparavant. Au cours des négociations qui ont suivi, nos contreparties ont proposé, dans les faits, le démantèlement de l’ALÉNA sans toutefois le formuler ainsi.
Malgré cela, nous avons tenu bon. Nous avons évité l’escalade, tout en refusant de reculer. Et nous avons été en mesure de préserver notre accès au marché nord‑américain – et même de le renforcer.
Il est d'autant plus remarquable que nous y sommes parvenus dans le climat actuel, où le commerce fondé sur des règles est menacé à l’échelle mondiale.
Cette réussite est attribuable non pas à un seul parti, mais à l’ensemble des Canadiens, au Parlement et à l’extérieur de celui‑ci, dans tous les ordres de gouvernement, dans les salles de conférence et dans les ateliers à l’échelle du pays.
Cela comprend également les premiers ministres, les maires, les syndicats, les chambres de commerce et les membres du Conseil de l'ALÉNA.
Il s’agissait véritablement d’un effort collectif de l'Équipe Canada. Des sondages menés récemment ont révélé que l’ALÉNA jouit d’un vaste soutien de la part des Canadiens de toutes les allégeances politiques. Les premiers ministres du Canada ont demandé à l’unanimité que l’accord soit approuvé et mis en œuvre rapidement.
Ce consensus national est remarquable. Vous vous souvenez sans doute des débats sur le commerce des années 1980 et de l’importante élection de 1988 axée sur le libre-échange. Et pourtant, 32 ans plus tard, le commerce libre, équitable et progressiste est devenu un point de ralliement pour les Canadiens de toutes les régions et de tous les partis politiques.
Il s’agit d’un moment déterminant pour notre pays, pour l'Amérique du Nord et pour la promotion d'un commerce ordonné, libre et équitable dans le monde entier.
Nous nous attendons tous, y compris le premier ministre et moi-même, à ce que le nouvel ALÉNA fasse l’objet d'un débat complet, franc et vigoureux. C’est exactement ainsi qu’il faut procéder.
Cela dit, ce n’est pas par hasard que plus de 75 % des Canadiens appuient la ratification de cet accord.
Les Canadiens ont vécu ensemble la profonde incertitude qui a marqué ces dernières années, et ça n'a pas été facile. Nos exportateurs et nos importateurs, nos entrepreneurs et nos innovateurs, ainsi que les centaines de milliers de Canadiens dont l’emploi dépend du commerce transfrontalier sont prêts à en finir avec cette incertitude.
Cet accord commercial est globalement et fondamentalement bénéfique pour le Canada et la population canadienne. Je me répète : l’accord permet de préserver notre accès au marché de la zone économique la plus vaste et la plus prospère du monde, zone qui compte 490 millions de consommateurs, soit 7 % de la population mondiale, et qui représente près de 30 % du PIB de la planète.
Pour parvenir au nouvel ALÉNA, le gouvernement a dû mener auprès des intervenants et du public les consultations les plus exhaustives jamais entreprises par un gouvernement canadien dans le cadre de la négociation d'un traité international.
Les éléments progressistes de l’accord – par exemple, des mesures de protection plus rigoureuses pour les peuples autochtones, un chapitre distinct sur l'environnement et de nouvelles normes du travail exécutoires – profitent directement aux familles, aux travailleurs et à la classe moyenne du Canada. Les syndicats canadiens ont contribué à l'élaboration de ces mesures. Les propriétaires d'entreprises canadiennes – des fabricants d’automobiles aux producteurs d'énergie, en passant par les mineurs et les constructeurs – y ont également participé.
Pour ma part, deux victoires ont été particulièrement marquantes : nous avons préservé dans son intégralité le chapitre 19 de l’accord, qui porte sur le processus unique de règlement des différends de l'ALÉNA en ce qui concerne les recours commerciaux, et nous avons réussi à maintenir l'exception culturelle, qui contribue à protéger la culture unique et le caractère bilingue du Canada.
La première victoire nous permet de faire concurrence sur un même pied d’égalité avec un partenaire commercial beaucoup plus important, alors que la seconde nous permet de préserver notre identité nationale.
Permettez‑moi de souligner certains aspects sous lesquels le nouvel ALÉNA est avantageux pour le Canada :
- Il protège des échanges commerciaux transfrontaliers d’une valeur de plus de 2 milliards de dollars par jour ainsi qu’un accès sans droit de douane pour 99,9 % de nos exportations vers les États-Unis. Lorsque le nouvel accord entrera en vigueur, il garantira au Canada le maintien d’un accès sans droit de douane à son principal partenaire commercial, soutenant ainsi des centaines de milliers d'emplois canadiens d’aujourd'hui et de demain.
- Il préserve des chaînes d'approvisionnement transfrontalières cruciales dans le secteur automobile, encourage la fabrication de véhicules au Canada et améliore considérablement les droits des travailleurs mexicains. Cela contribue à rendre les règles du jeu équitables pour les travailleurs canadiens.
- En mai 2019, notre pays a remporté son plus grand différend commercial des temps modernes le jour où les États-Unis ont levé les droits de douane injustifiés sur notre aluminium et notre acier, sans imposer de quota d'exportation. Le nouvel ALÉNA garantit le maintien des acquis de cette victoire pour des milliers de travailleurs canadiens et leurs familles.
- La menace d’imposition de droits sur l’automobile et les pièces d’automobile en vertu de l’article 232 a été levée le 30 novembre 2018, le jour où l’accord a été signé. Cette industrie essentielle profite maintenant de la stabilité et de l’espace dont elle a besoin pour croître et prospérer.
- Le nouvel ALÉNA procure un avantage concurrentiel à nos travailleurs de l’acier et de l’aluminium. De nouvelles règles d’origine rigoureuses pour l’industrie automobile assurent un accès privilégié au marché pour l’acier et l’aluminium canadiens.
- Pour les recours commerciaux, l'accord prévoit le maintien et le renforcement du processus de règlement des différends équitable et impartial que le Canada s'était tant battu pour inclure dans l'ALÉNA initial. Nos travailleurs forestiers comptent sur ce mécanisme depuis longtemps pour protéger leur gagne‑pain contre les pratiques commerciales injustes. De plus, le nouvel accord prévoit le maintien de l’exception culturelle inscrite dans l’ALÉNA, comme indiqué plus haut, ce qui contribue à protéger plus de 650 000 emplois dans les industries culturelles.
- L’accord maintient l’accès sans droit de douane des éleveurs et producteurs de grains canadiens au marché des États-Unis.
- Il préserve la gestion de l’offre dans les secteurs des produits laitiers, des œufs et de la volaille. L’objectif des États-Unis était de démanteler l’intégralité de la gestion de l’offre au Canada, mais nous avons réussi à la préserver pour le bien des prochaines générations.
- Le nouvel ALÉNA ne renferme plus la disposition qui préoccupait certains Canadiens en ce qui concerne la souveraineté et la sécurité énergétiques. Cette mesure, communément appelée la disposition sur la proportionnalité, a été éliminée. Les producteurs et travailleurs du secteur des ressources du Canada savent désormais que ce sont des Canadiens qui décideront de l’avenir de leur secteur.
- Le chapitre sur l’environnement du nouvel ALÉNA garantit l’application de normes en ce qui concerne la qualité de l’air et la pollution marine.
- Il contient des obligations exécutoires et ambitieuses en matière de travail afin de protéger les travailleurs contre la discrimination en milieu de travail, en particulier sur la base du sexe.
- Certains passages de l’accord reconnaissent et soutiennent le rôle unique des peuples autochtones dans la protection et la préservation de notre environnement.
- Le système de règlement des différends entre investisseurs et États, qui autorisait les grandes entreprises à poursuivre le gouvernement canadien pour avoir adopté des lois dans l’intérêt public, a été éliminé. Ce système a coûté aux contribuables canadiens plus de 275 millions de dollars en pénalités et frais juridiques.
Nous tous qui avons le privilège de travailler au Parlement sommes conscients des joutes oratoires qui existent en politique.
Nous savons également que la prospérité et la sécurité du Canada sont des objectifs primordiaux qui transcendent la partisanerie. Nos accords de libre-échange avec les pays d’Europe et du Pacifique, respectivement CETA et le PTPGP, sont des initiatives d’un gouvernement conservateur. Ils ont tous deux été conclus par un gouvernement libéral. Le Nouveau Parti démocratique, pour sa part, a soutenu l’accord de libre-échange entre le Canada et la Corée du Sud.
Les parlementaires canadiens comprennent que, au-delà de la politique, les intérêts des Canadiens doivent passer avant tout, et ce, sans exception. Je sais que vous et tous les membres de votre caucus êtes du même avis que moi à ce sujet, comme le sont le premier ministre et tous les membres de notre propre caucus.
En conséquence, je vous demande de collaborer avec nous, en tant que collègues, pour mettre le Canada et les Canadiens au premier plan et réaliser ces travaux importants sans retard indu. J’espère sincèrement que vous entreprendrez cet effort national essentiel à mes côtés.
Je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments distingués.
L’honorable Chrystia Freeland, C.P., députée