Transcription - Le PM Trudeau prononce un discours à la Maison du Canada à Londres
Le PM Trudeau prononce un discours à la Maison du Canada à Londres
Merci, mes amis. Merci, Monsieur le Haut-commissaire. Merci beaucoup d’être ici. Je suis certain d’avoir entendu quelque part qu’environ deux cent cinquante mille Canadiens vivent au Royaume-Uni, et je pense que beaucup d’entre eux sont ici aujourd’hui. Alors, je suis heureux de pouvoir vous apporter des nouvelles de chez nous.
Merci également à tout les membres du personnel ici, à la Maison du Canada, qui ont organisé ceci à court préavis et qui ont organisé une formidable activité pour nous ici.
Je veux saluer tous les gens qui sont présents avec nous ici aujourd'hui et tous ceux qui sont également à l’extérieur. Merci de prendre le temps d’être avec nous.
Plus tôt aujourd’hui, j’ai eu l’occasion de rencontrer Sa Majesté, la reine Élizabeth II. Bien entendu, elle s’est montrée courtoise et perspicace, avec un point de vue unique et précieux. Sa Majesté a été un élément important de l’histoire du Canada, et je suis certain qu’elle restera un élément important de nos progrès constants et de notre avenir.
Et c’est de cet avenir et du rôle du Canada dans notre avenir commun que j’aimerais parler aujourd’hui. Le Canada a appris à être fort non pas malgré nos différences, mais à causes d’elles. Et à l’avenir, cette aptitude sera au cœur de notre réussite et de ce que nous avons à offrir au monde.
Notre engagement envers la diversité ne se résume pas au fait que les Canadiens sont gentils et polis, même si, bien entendu, nous les sommes. En fait, cet engagement est une approche puissante et ambitieuse pour faire du Canada et du monde des endroits meilleurs et plus sûrs.
Ce serait sans doute facile pour un pays comme le Canada de prendre cette diversité pour acquise. C’est, en quelque sorte, l’air que nous respirons. De génération en génération, nos enfants ont grandi sans se poser des questions en entendant parler cinq ou six différentes langues lorsqu’ils jouaient au parc. Parce que nous sommes en 2015, les gens de partout dans le monde remarquent la diversité de notre Cabinet et de notre Parlement. Mais la diversité des Canadiens ne date pas d’hier.
Un de mes collègues députés m’a raconté un jour une anecdote qui lui est arrivée il y a cinq ou six ans et qui illustre cette réalité à merveille. Il participait à un programme d’échange de parlementaires à Paris. Des représentants élus du monde entier étaient présents et on lui a demandé ce à quoi ressemblait le Canada. Eh bien, il a montré du doigt la délégation formée de cinq députés canadiens. De ses quatre collègues et lui, personne à part lui n’était né au Canada. Parmi eux se trouvaient trois femmes et deux hommes. Deux catholiques, un musulman ismaélien, un juif dont les parents avaient survécu à l’Holocauste, et un ministre protestant gai. L’un était né en France; un autre au Portugal; un autre en Argentine et le dernier en Tanzanie.
Il a pointé en direction de ses collègues et a dit eh bien voilà, c’est à cela que ressemble le Canada.
Un cinquième des Canadiens sont des gens nés ailleurs qui ont choisi d’immigrer au Canada. Dans notre plus grande ville, plus de la moitié sont nés à l’extérieur du Canada. Dans un tel contexte, l’importance de la diversité peut parfois être tenue pour acquise. Mais il ne fait aucun doute que nous sommes un meilleur pays, un pays plus fort, plus prospère à cause de cela.
Songez simplement aux mots que les gens utilisent pour décrire le Canada. Nous sommes ouverts, accueillants, progressifs et prospères. Il y a un lien direct entre chacune de ces caractéristiques et entre la réussite du Canada dans l’édification d’une société plus diversifiée et inclusive. Nous ne sommes pas le seul pays à avoir tenté de faire cela. Mais ce qui fait que cela a si bien fonctionné au Canada est que nous avons compris que notre diversité n’est pas un défi à surmonter ou une difficulté à tolérer. Elle est plutôt une formidable source de force.
Les Canadiens comprennent que la diversité est notre force. Nous savons que le Canada a réussi sur les plans culturel, politique et économique à cause de notre diversité, et non malgré elle. Nous ne célébrons pas cette réussite assez souvent, et cela est typiquement canadien.
Mais je dirais que maintenant, plus que jamais, le monde a besoin que nous le fassions. Suite à d’horribles événements comme les attaques à Paris, nous devons rappeler au monde entier que la paix est possible et qu’à chaque fois l’espoir continuera à vaincre la peur. Et alors que nous renouvelons notre volonté de travailler avec la communauté internationale pour aider à prévenir de telles attaques nous renouvelons également notre volonté de collaborer à bâtir un monde dans lequel la diversité et la différence sont promues et célébrées.
L’histoire du Canada prouve que la diversité et l’inclusion fonctionnent. Elles ne fonctionnent pas simplement en tant que valeurs idéalistes : elles représentant le chemin vers la paix et la prospérité. Ça n’a pas toujours été facile. Le chemin a parfois été cahoteux. Nous devons être conscients que pour les peuples autochtones, la réalité canadienne n’a pas été – et n’est pas aujourd’hui – facile, équitable et juste.
Nous devons reconnaître que notre histoire a eu ses moments sombres : la taxe d’entrée imposée aux Chinois, l’internement de Canadiens d’origine ukrainienne, japonaise et italienne pendant la première et la deuxième guerres mondiales, notre refus d’accueillir des bateaux de réfugiés juifs ou panjabis, notre propre histoire d’esclavagisme.
Les Canadiens repensent à ces transgressions avec regret et honte – et ils ont bien raison. Notre histoire est cependant remplie de moments positifs. Le chemin de fer clandestin. La Charte des droits et libertés. La Loi sur le multiculturalisme. La Loi sur les langues officielles. L’accueil des musulmans ismaéliens. La liberté qu’ont les Juifs, les sikhs, les hindous et les évangélistes de pratiquer leur religion.
Ces changements positifs ne pourront jamais effacer les erreurs du passé. Mais ils peuvent servir à nous rappeler, comme l’a si bien dit Martin Luther King Jr, que « l'arc de l'univers moral est long, mais il tend toujours vers la justice ».
Comme bien d’autres pays, le Canada est en constant débat entre ceux qui souhaitent que nous formions un bloc restreint et que nous construisions des murs, et les autres qui nous rappellent que nous sommes précisément qui nous sommes en raison de notre ouverture, de notre diversité et de notre capacité d’inclusion.
La dernière campagne électorale en est un bon exemple. Elle visait à déterminer, en partie, si les Canadiens croient encore en ces valeurs. De nombreuses personnes avaient des doutes. Mais laissez-moi vous dire une chose. Je suis aujourd’hui le premier ministre du Canada parce que les Canadiens ont rejeté les forces qui nous auraient divisés. Nous n’avons toutefois pas besoin d’une élection nationale pour voir en action l’engagement du Canada à l’égard de la diversité.
Nous le voyons dans nos communautés chaque jour.
Certains se permettent d’être rongés par la colère et l’indignation, mais, comme société, nous savons qu’au bout du compte nous réussirons en gardant la tête froide et le cœur chaud. Lorsque certains veulent menacer ceux et celles qui ont une apparence, des vêtements ou une religion différents, de nombreux autres se dressent et disent « Non. Pas ici. Pas dans notre communauté, pas à nos voisins ».
Chaque fois que surgit le spectre hideux de l’intolérance, les Canadiens se soulèvent pour le rejeter. Nous prouvons alors de façon claire et résolue que nous valons plus que cela.
J’aimerais vous faire part de quelques exemples récents.
Le lendemain des attentats de Paris, une mosquée a été incendiée à Peterborough, en Ontario. On soupçonne un crime haineux. En réaction, la communauté s’est ralliée et a recueilli plus de 110 000 $ en deux jours pour aider la communauté musulmane à reconstruire l’immeuble. Unis dans la foi, des membres de communautés chrétiennes et juives locales ont ouvert leurs portes, littéralement, pour offrir un lieu de prière à leurs voisins musulmans.
Voilà les valeurs canadiennes.
À Kitchener, en Ontario, un temple hindou a été vandalisé. Ses fenêtres ont été cassées par des cailloux pendant que le prêtre en chef de la congrégation prenait part à une vigile à la mémoire des victimes des attentats de Paris. Un groupe musulman de la région de Toronto a alors commencé à recueillir des dons pour aider à réparer les dommages.
Voilà les valeurs canadiennes.
Ces valeurs, aussi importantes soient-elles, ne peuvent exister dans l’isolement. Il est essentiel de les soutenir au moyen de politiques économiques profitables pour les Canadiens.
L’économie du Canada repose sur la vigueur et la croissance de la classe moyenne. Il en a toujours été ainsi. Au cours du siècle dernier, la classe moyenne du Canada, optimiste et en pleine expansion, a su créer une collectivité au grand cœur et à l’esprit ouvert. Ensemble, ces vaillants travailleurs canadiens ont bâti un pays meilleur, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs enfants et pour autrui.
En demeurant résolument concentrés sur la classe moyenne et sur ceux et celles qui travaillent fort pour s’y intégrer, nous pouvons générer une croissance économique réelle qui sera profitable pour tous.
Cet objectif est valable en soi, mais il est également important parce que nous savons qu’un pays diversifié ne peut fonctionner sans cela.
Lorsque les possibilités sont limitées, lorsque les gens ne croient pas en leurs chances réelles et équitables de réussir, la peur et l’anxiété érodent l’espoir. Les tensions financières se manifestent de diverses façons. La peur de ceux qui sont différents de nous et la méfiance envers eux est l’une de ses formes les plus courantes et les plus dangereuses. Autrement dit, l’expansion de la classe moyenne est bien plus qu’une nécessité économique – il s’agit d’un élément central de notre unité en tant que pays. Elle crée chez les gens ce sentiment d’être utile, qui est si difficile à décrire, mais si profondément ressenti. Le sentiment que nous faisons partie d’un tout. La conviction que, peu importe d’où nous venons, nous sommes unis non seulement dans nos difficultés, mais également dans nos espoirs et nos rêves.
C’est la classe moyenne qui nous unit, et ce sont nos communautés diversifiées qui assurent la poursuite de notre croissance économique. Les deux sont nécessaires à notre réussite.
Offrir un plus grand soutien à la classe moyenne est un objectif important à l’échelle nationale, mais le Canada doit également jouer un rôle crucial en vue de faire profiter le monde de sa réussite.
À mesure que nous avançons dans le 21e siècle et que les tendances économiques et environnementales semblent faire de la migration entre les États la « nouvelle norme », de plus en plus de pays se trouveront devant des difficultés auxquelles le Canada a dû faire face il y a longtemps.
Il y a une chose que nous avons bien faite au Canada. Pas parfaitement, mais bien. Il s’agit de l’établissement de l’équilibre entre la liberté individuelle et l’identité collective. De la manière d’obtenir une société cohérente malgré d’extraordinaires différences à l’intérieur de cette société.
Nous savons que les gens se définissent, en grande partie, dans leurs relations avec les autres. Nos origines culturelles, notre genre, nos croyances religieuses, notre orientation sexuelle. Cependant, nous croyons aussi que tous ces rapports avec les autres trouvent leur source profonde et concrète dans les êtres humains, en chair et en os.
Nous élargissons la liberté culturelle en veillant à ce que chaque Canadien issu de ces communautés diversifiées ait la liberté de vivre, d’exprimer, de développer et de transformer sa culture. Nous refusons de mettre en contradiction la liberté individuelle et l’identité collective. En fait, nous avons bâti une société où ces deux éléments s’épanouissent et se renforcent l’un et l’autre. À l’origine, il s’agissait d’un acte de foi et d’une idée très nouvelle. Au fil du temps, nous avons appris à faire confiance au fait que, peu importe leur culture d’origine, plus les gens entrent en contact avec la vaste diversité de notre pays, plus ils deviennent Canadiens.
Là où la répression existait, elle serait mise en échec par la possibilité, plus attirante, d’atteindre la liberté. Là où se trouvait l’isolement, celui-ci serait brisé grâce à l’ouverture et à l’inclusion.
Cette idée était peut-être au départ un acte de foi, mais elle est devenue une caractéristique déterminante de notre pays, notre grande réussite et, possiblement, la plus grande contribution que nous ayons apportée au monde.
Nous avons prouvé qu’il est possible de bâtir un pays – un pays incroyablement prospère – en se fondant sur le principe du respect mutuel. Fidèlement à cette caractéristique toute canadienne, nous ne célébrons pas assez souvent cette réussite. Mais le monde a besoin que nous le fassions. Particulièrement aujourd’hui.
L’un des problèmes mondiaux les plus graves et les plus urgents consiste à trouver la façon de créer des sociétés où des gens de différentes cultures peuvent vivre ensemble et définir un terrain d’entente parce que, collectivement, nous faisons face à l’influx de réfugiés qui fuient un conflit violent.
Hier, notre gouvernement a présenté un plan selon lequel 25 000 réfugiés syriens seront autorisés à se réinstaller d’ici la fin de l’année et arriveront au Canada à l’intérieur de quelques mois. Ce n’est pas la première fois que nous le faisons. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, pendant le mandat du premier ministre Joe Clark, le Canada a assuré la réinstallation de près de 60 000 réfugiés venus du Vietnam, du Cambodge et du Laos. Nous l’avons déjà fait et nous le ferons encore, parce que nous savons que nous n’assurons pas simplement la réinstallation de réfugiés – nous accueillons de nouveaux Canadiens. Mieux encore, le Canada peut aussi exporter les idées et les institutions grâce auxquelles la diversité fonctionne si efficacement chez nous. Nous savons gouverner de manière inclusive, transparente, respectueuse et efficace. Nous pouvons transmettre ce savoir-faire à d’autres pays et à leurs citoyens.
Nous savons travailler en collaboration avec nos alliés en vue de combattre le terrorisme, et nous savons être un partenaire efficace dans le cadre d’opérations internationales de maintien de la paix. Nous pouvons contribuer davantage à ces efforts internationaux, et nous avons pris l’engagement de le faire.
En outre, nous savons mettre en application ce que M. Annan, ancien secrétaire général de l’ONU, nous a appelés à faire en 2013, soit d’apprendre les uns des autres, et de faire de nos différentes traditions et cultures une source d’harmonie et de force, et non de discorde et de faiblesse. Nous avons le devoir – face à nous-mêmes et face au monde – de montrer que la diversité inclusive est une force capable de vaincre l’intolérance, le radicalisme et la haine.
Le succès du Canada comme nation de diversité et d’inclusion n’est pas arrivé par accident et ne se poursuivra pas sans effort. Quel que soit le passé, il n’est jamais garant de l’avenir. Notre avenir dépendra des choix que nous faisons aujourd'hui.
Compassion, acceptation et confiance; diversité et inclusion. C’est grâce à ces qualités que le Canada est fort et libre. Pas seulement en principe mais en pratique.
Ceux qui profitent des nombreux avantages de la diversité qui existe au Canada se doivent d’être de solides et fermes garants de ses qualités. Ne fermons pas nos cœurs à ceux qui ont besoin de nous, ni nos esprits au fait qu’il est toujours possible de faire mieux.
Après tout, nous sommes des Canadiens. Montrons-nous sous notre meilleur jour au monde entier.
Merci beaucoup.
(Applaudissements)