Transcription - Le premier ministre Trudeau prononce un discours sur la tarification de la pollution par le carbone
Le premier ministre Trudeau prononce un discours sur la tarification de la pollution par le carbone
Merci M. le Président.
J’ai eu beaucoup d’occasions depuis un an – depuis quelques années en fait – de réfléchir à la réussite du Canada.
Et chaque fois que nous avons bien fait quelque chose – que ce soit il y a des décennies, avec le système de soins de santé et le RPC, ou plus récemment, avec la réduction de la dette publique dans les années 1990, les mesures prises pour assurer la stabilité de notre système bancaire ou notre réaction à la crise des réfugiés –, notre réussite reposait sur deux éléments.
Premièrement, lorsque nous voyons un problème, nous ne le fuyons pas et nous ne nions pas son existence. Nous nous y intéressons plutôt. Nous travaillons fort – et ensemble – pour régler les problèmes qui se posent à nous.
Deuxièmement, quand nous disons que nous allons agir, nous agissons. Nous tenons nos engagements. Le monde entier l’attend de nous. Les marchés également. Et nos compatriotes canadiens aussi.
C’est dans cet esprit très caractéristique des Canadiens, régler des problèmes et tenir des promesses, que je m’adresse aujourd’hui à la Chambre pour lui faire part du plan du gouvernement pour tarifer la pollution par le carbone.
Après des décennies d’inaction, après des années d’occasions manquées, nous allons enfin prendre des mesures concrètes et réelles pour bâtir une économie propre, créer plus de débouchés pour les Canadiens et faire de notre monde, un monde meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants.
M. le Président, nous n’allons pas bouder la science et nous ne repousserons pas l’inévitable.
Avec le plan mis de l’avant par le gouvernement, toutes les administrations canadiennes auront tarifé la pollution causée par le carbone d’ici 2018.
Pour y arriver, le gouvernement fixera un prix-plancher pour la pollution causée par le carbone.
Le prix sera fixé de façon à aider le Canada à atteindre ses objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, tout en assurant aux entreprises une plus grande stabilité et une meilleure prévisibilité.
Les provinces et les territoires choisiront comment ils mettront en œuvre cette tarification. Ils pourront tarifer directement la pollution par le carbone ou établir un marché du carbone, à condition que ce marché ait des exigences égales ou supérieures à celles du système fédéral.
Le gouvernement propose que la tarification de la pollution par le carbone soit d’au moins 10 $ la tonne en 2018, puis qu’elle augmente de 10 $ par an, jusqu’à concurrence de 50 $ la tonne en 2022.
Les provinces et les territoires qui choisissent de mettre en place un marché du carbone seront tenus de réduire leurs émissions conformément aux cibles du Canada et aux réductions attendues par les administrations qui auront choisi la tarification.
Là où aucune tarification ni aucun marché du carbone n’auront été mis en place en 2018, le gouvernement du Canada établira la tarification.
Quelle que soit l’approche choisie, la politique sera neutre sur le plan des revenus pour le gouvernement fédéral. Tous les revenus provenant de ce système resteront dans la province ou le territoire qui les aura produits.
Comme la pollution traverse les frontières, toutes les provinces doivent faire leur part.
Et pour que ce plan reste conforme aux cibles du Canada, il sera révisé après cinq ans, en 2022.
En ce moment même, la ministre de l’Environnement et du Changement climatique discute des détails de ce plan avec nos partenaires provinciaux et territoriaux.
Au cours des deux prochains mois, le gouvernement travaillera en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et les organismes autochtones pour finaliser ce plan.
Ces discussions sont essentielles, parce que nous savons qu’aucun plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre ne peut réussir sans l’aide de nos partenaires provinciaux et territoriaux, qui ont déjà fait preuve d’un grand leadership dans la lutte contre les changements climatiques.
Et j’ai particulièrement hâte de rencontrer les premiers ministres provinciaux et les leaders autochtones, les 8 et 9 décembre, pour finaliser les détails du cadre pancanadien pour lutter contre les changements climatiques.
Ce cadre inclura non seulement le plan pour tarifer la pollution causée par le carbone, mais tracera également la voie à suivre pour mieux soutenir l’innovation et les emplois dans le secteur de l’énergie propre, gérer les effets des changements climatiques et améliorer notre capacité d’adaptation et de résistance face au climat.
J’aimerais profiter de l’occasion encore une fois pour féliciter les provinces qui ont pris l’initiative dans ce dossier, pendant que le gouvernement fédéral précédent renonçait à sa responsabilité envers tous les Canadiens.
Cette époque est révolue.
Naturellement, la qualité d’un plan dépend de la solidité des principes sur lesquels il repose. J’aimerais donc prendre quelques minutes, M. le Président, pour parler de la raison pour laquelle le gouvernement a décidé d’agir maintenant pour tarifer la pollution causée par le carbone.
Il y a beaucoup de raisons d’agir maintenant et je suis certain que les membres de l’opposition connaissent aussi bien ces raisons que le gouvernement, même si leurs antécédents donnent à penser autrement.
Mais aujourd’hui, j’aimerais citer trois des raisons les plus importantes pour lesquelles il est bon pour le Canada et pour les Canadiens que la pollution causée par le carbone soit tarifée.
Premièrement, tarifer la pollution causée par le carbone nous donnera un avantage important au moment où nous bâtissons une économie à croissance propre.
Une tarification raisonnable et prévisible de la pollution causée par le carbone encouragera l’innovation parce que les entreprises devront trouver de nouvelles façons de réduire leurs émissions et de moins polluer.
Cela rendra aussi nos entreprises plus compétitives.
L’économie mondiale est de plus en plus propre et le Canada ne peut pas se permettre de traîner.
Partout dans le monde, les marchés sont en pleine transformation. Ils délaissent les produits et les services qui entrainent de la pollution carbonée et se tournent vers des options plus propres et plus durables.
En donnant aux entreprises canadiennes les incitatifs dont elles ont besoin pour effectuer cette transformation, nous ouvrons la porte à de nouvelles opportunités.
Et vous n’avez pas besoin de me croire sur parole, M. le Président. L’été dernier, des dirigeants d’entreprise de partout au pays se sont prononcés en faveur de la tarification du carbone.
Des leaders de la vente au détail comme Canadian Tire, Loblaws, IKEA et Air Canada.
Des producteurs d’énergie comme Enbridge, Shell et Suncor.
Des entreprises du secteur des ressources naturelles comme Barrick Gold, les Produits forestiers Résolu et Teck Resources.
Et des institutions financières comme BMO, Desjardins, la Banque Royale, la Banque Scotia et la Banque TD.
Ces entreprises appuient la tarification de la pollution causée par le carbone parce qu’elles reconnaissent que – lorsque c’est bien fait – c’est la façon la plus efficace de réduire les émissions tout en continuant de faire croître l’économie.
Elles savent qu’un environnement propre et une économie forte vont de pair.
Elles sont impatientes de tirer avantage des occasions liées à une économie à croissance propre.
Et elles reconnaissent, comme le gouvernement, que si nous n’agissons pas maintenant, c’est l’économie canadienne qui en souffrira.
La deuxième raison d’aller de l’avant avec la tarification de la pollution causée par le carbone est l’avantage qu’elle procurera aux Canadiens – spécialement ceux qui appartiennent à la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie.
Comme les dirigeants d’entreprise que je viens de mentionner l’ont dit, la tarification du carbone utilise le marché pour motiver les entreprises à décider d’investir proprement et elle encourage l’innovation.
Cette innovation donne lieu à des perspectives d’emploi nouvelles et intéressantes pour les travailleurs canadiens.
Par exemple, l’an dernier, presque un tiers de mille milliards de dollars a été investi à l’échelle du monde dans l’énergie renouvelable – presque 50 % de plus que ce qui a été investi dans l’énergie tirée des combustibles fossiles. C’est une tendance qui ne fera que s’accélérer, M. le Président.
Il y a tout simplement des milliards de dollars et des centaines de milliers de bons emplois, bien rémunérés en jeu pour les pays qui le comprennent bien. Des emplois en ingénierie, en conception et en programmation. Des emplois dans la fabrication – de panneaux solaires ou de véhicules électriques. Des emplois dans le domaine de la recherche ou du traitement des biocarburants. Ce ne sont que quelques exemples parmi de nombreux, nombreux autres.
Si nous ne profitons pas pleinement de ces possibilités qui se présentent à nous maintenant, nous privons les Canadiens d’un grand service.
Finalement, je pense que tous les Canadiens comprendront la troisième raison pour laquelle nous devons aller de l’avant avec la tarification de la pollution causée par le carbone.
Il est prouvé que c’est un bon moyen d’empêcher les grands pollueurs d’émettre les gaz à effet de serre qui alimentent les changements climatiques et menacent toute la planète.
Tarifer le carbone est un moyen efficace de réduire la pollution qui menace la qualité de l’air et de l’eau des océans.
Tout juste la semaine dernière, l’Organisation mondiale de la santé a publié un rapport selon lequel neuf personnes sur dix vivent dans des endroits où la qualité de l’air est mauvaise. Les conséquences sur la santé humaine sont énormes et dévastatrices : chaque année, trois millions de décès sont liés à la pollution de l’air.
Nous devons – et nous allons – faire mieux.
Nous avons vu ce qui peut se passer quand les gouvernements prennent position en faveur de la qualité de l’air. En 2005, à Toronto, il y a eu 53 jours de smog. Dix ans plus tard, en grande partie grâce à l’élimination graduelle des centrales électriques alimentées au charbon, il y a eu zéro jour de smog.
C’est très important si votre enfant fait de l’asthme et ne peut pas aller jouer dehors avec ses amis pendant les vacances d’été. Ou si vos grands-parents ne participent pas à des activités familiales parce qu’ils ont du mal à respirer l’air dans leur propre jardin.
Et si vous vivez dans le Nord canadien ou dans nos communautés côtières ou vraiment, M. le Président, dans n’importe quelle communauté qui subit les effets de conditions météorologiques extrêmes ainsi que les inondations, les sécheresses et les feux de forêt qui en résultent, alors il n’est pas possible de nier les effets du changement climatique.
Il n’est pas possible d’éviter le changement climatique. Il est réel et il est partout.
Nous ne pouvons pas défaire l’inaction des dix dernières années. Ce que nous pouvons faire, c’est un effort réel et honnête – aujourd’hui et chaque jour – pour protéger notre environnement et, du même coup, la santé de tous les Canadiens.
Le gouverneur de la Banque d’Angleterre – l’une des meilleures exportations du Canada, en passant – a souvent pris la parole à ce sujet. Et M. Carney a une expression intéressante pour en parler. Il appelle le refus d’agir « la tragédie à l’horizon ».
Ce qu’il veut dire, c’est que les effets vraiment catastrophiques du changement climatique se feront sentir dans l’avenir. Ou, comme il le dit, au-delà des horizons traditionnels de la plupart des acteurs, ce qui fera peser sur les futures générations le coût que la génération actuelle n’est pas directement incitée à supporter.
J’ai un grand respect pour M. Carney – parce que je pense que pour ce qui est du changement climatique, nous sommes sur la même longueur d’onde – mais je sais que les acteurs actuels, comme le gouvernement, sont directement incités à corriger la situation.
Et si je peux me permettre de parler d’un point de vue personnel, M. le Président, moi j’ai trois motivations. Elles s’appellent Xavier, Ella-Grace et Hadrien.
Et je ne suis pas le seul à m’inquiéter du genre de monde que nous laisserons à la prochaine génération et à celles qui suivront.
De communauté en communauté, j’ai échangé avec des parents et des grands-parents qui m’ont fait part de leurs inquiétudes par rapport à l’avenir et qui ont mis au défi le gouvernement – et leurs leaders provinciaux et communautaires – de passer à l’action dès maintenant pour éviter des conséquences tragiques et dévastatrices.
Nous entendons leurs préoccupations et nous respectons leurs voix. Et c’est parce que nous respectons la volonté des Canadiens que nous allons de l’avant avec la tarification de la pollution causée par le carbone.
M. le Président, comme vous le savez, le gouvernement n’est pas obligé de solliciter l’approbation du Parlement avant de ratifier l’Accord de Paris. Il n’a pas non plus besoin que la Chambre appuie la Déclaration de Vancouver.
Nous avons toutefois choisi de soumettre la question à la Chambre, car nous croyons qu’il est important que tous les parlementaires – et à travers eux, tous les Canadiens – aient l’occasion de débattre de cette question cruciale et de voter.
Je me réjouis de ce que j’espère être un débat animé mais respectueux sur cet important sujet. C’en est un qui façonnera le pays où nous vivons pendant des générations.
Merci.