Transcription - Le premier ministre présente des excuses aux descendants du 2e Bataillon de construction
Le premier ministre présente des excuses aux descendants du 2<sup>e</sup> Bataillon de construction
Vous avez persévéré et su garder bien vivant la mémoire du premier et seul bataillon canadien de Noirs, le 2e Bataillon de construction. Nous sommes ici pour accepter la responsabilité pour les erreurs du passé et pour nous engager à travailler chaque jour à bâtir un avenir meilleur.
Aujourd’hui, c’est une journée historique, et je suis heureux de voir les descendants, mais je suis aussi heureux de voir tellement de jeunes ici présents aujourd’hui, y compris mon fils Xavier.
Se porter volontaire pour se battre pour son pays est l’une des choses les plus altruistes qu’une personne puisse faire. Risquer sa vie pour défendre ses valeurs et ses proches est un acte de bravoure, d’honneur, de sacrifice et de loyauté extraordinaire.
Quand la Première Guerre mondiale a éclaté en Europe et que le Canada s’est joint au combat, des hommes de partout au pays se sont enrôlés en grand nombre. Parmi ces braves volontaires se trouvaient des centaines de jeunes noirs désireux de servir, qui aimaient le Canada et étaient prêts à prendre les armes pour défendre la Couronne et le pays. Ils étaient des patriotes prêts et disposés à servir.
Des centaines de jeunes hommes venant des communautés noires voulaient servir leur pays et protéger la liberté qui nous est chère. Ils voulaient lutter avec honneur contre la tyrannie et l’oppression, mais presque tous les volontaires venant des communautés noires se sont vu refuser l’honneur de servir leur pays.
Dans des actes répétés de discrimination et de racisme, presque tous les volontaires noirs ont été rejetés et se sont vu refuser l’honneur de servir leur pays. Dans un cas, un groupe de 50 volontaires noirs ont fait le voyage de Sydney à New Glasgow par train et attendu toute la journée au bureau de recrutement pour finalement se faire dire qu’il s’agissait d’une « guerre de Blancs ». Ces recruteurs ne voyaient pas des hommes prêts à se battre pour notre liberté collective, mais ne voyaient que la couleur de leur peau.
À cette époque, une ségrégation s’opérait selon des lois non écrites. Mais certaines lois étaient plus explicites. En 1910, lorsque le Service naval du Canada a été fondé, les pratiques en matière de recrutement excluaient les membres non blancs. Aucune politique officielle ne régissait les Forces expéditionnaires du Canada. La décision revenait donc aux commandants, qui refusaient chaque fois les volontaires noirs.
Ces pratiques discriminatoires honteuses ne sont pas passées inaperçues du public. Des lettres arrivaient des quatre coins du pays pour demander pourquoi on refusait aux hommes noirs le droit de s’enrôler. En 1915, George Morton, de Hamilton, a écrit au ministre de la Milice et de la Défense pour dénoncer la situation au nom de ses concitoyens noirs. Je le cite : « Ils pensent qu’on devrait les autoriser, au même titre que les autres, à faire leur part et à participer à ce grand conflit. » Il a écrit que les hommes noirs voulaient « accomplir leur propre destin » et qu’ils étaient impatients de servir « durant cette grande crise dans l’histoire de notre pays. »
Existe-t-il une plus grande preuve de dévouement envers notre pays? Et pourtant, les officiers supérieurs de l’armée à ce moment‑là ont continué de faire la sourde oreille. Les officiers supérieurs de l’époque ont vite oublié l’histoire des soldats noirs. Depuis plus d’un siècle, les soldats noirs avaient fait énormément de sacrifices pour servir ce pays qu’ils considéraient comme le leur.
Durant la guerre de 1812, les soldats noirs ont défendu le Haut-Canada. En 1859, William Edward Hall, le fils d’anciens esclaves, a été l’un des premiers Canadiens à recevoir la Croix de Victoria pour sa bravoure.
(Applaudissements)
En 1861, le Victoria Rifle Pioneers Corps est devenu la première force militaire autorisée de l’Ouest canadien et était composé uniquement d’hommes noirs qui étaient venus de la Colombie-Britannique pour échapper à la persécution raciale dans le Sud. Au moment où la Première Guerre mondiale a éclaté, le Canada avait déjà une longue histoire de loyaux services militaires des Noirs. Mais, en 1916, un major-général a pris l’initiative d’écrire une note de service dans laquelle il dénigrait la loyauté et les capacités de combat des hommes noirs.
Mais voilà le résultat du racisme systémique et de la haine envers les Noirs. Le racisme et la haine suppriment la vérité. Ils tentent de réécrire l’histoire pour la déformer.
(Applaudissements)
Ils enterrent le courage, l’humanité et la cause que nous partageons. Mais la nature humaine nous a montré à maintes reprises que les gens trouveront toujours des moyens de se lever et de réclamer leur dignité.
(Acclamations et applaudissements)
Et les hommes noirs qui voulaient servir n’ont jamais abandonné.
Le racisme systémique, qui est la haine envers les communautés noires, contribue à supprimer la vérité, mais la nature humaine nous a montré plusieurs fois que les gens trouveront toujours le moyen de se lever et de réclamer leur dignité.
Voyez‑vous, deux ans après le début de la guerre, les hommes noirs ont enfin été autorisés à former leur propre bataillon : le 2e Bataillon de construction. Le premier et le seul bataillon canadien entièrement composé de Noirs.
(Acclamations et applaudissements)
De nombreux membres venaient d’ici, en Nouvelle-Écosse, mais des garçons et des hommes noirs ont afflué de partout au pays pour s’enrôler. Deux fils du célèbre cowboy John Ware, Arthur et William, sont venus d’aussi loin que la propriété familiale à Calgary.
Environ 600 patriotes de tout le pays sont venus ici à Truro pour recevoir un entraînement. Ils ont fièrement revêtu l’uniforme du Corps expéditionnaire canadien après deux ans de refus. Mais ils n’ont jamais eu les mêmes possibilités et le même soutien que leurs homologues blancs.
Lorsque ces hommes noirs ont répondu à l’appel du devoir, ils rêvaient de combattre au front. Mais, ils ont plutôt été déployés en Europe comme unité ouvrière. Ils avaient navigué à bord d’un navire distinct et ils ont été envoyés dans les montagnes du Jura dans le sud-est de la France, où ils se sont joints au Corps forestier canadien. Ils ont effectué du travail exténuant, et leurs contributions ont été indispensables à l’effort de guerre. Le bois qu’ils ont coupé a été utilisé dans les tranchées au front, dans les traverses de chemin de fer et même dans des aéronefs.
Grâce aux bons et loyaux services de ces hommes, les moulins ont produit deux fois plus de bois que d’autres unités comparables. Mais, ils ont tout de même dû vivre dans des camps ségrégués et sans soins médicaux, rations ou équipements appropriés. Au total, 23 membres du Bataillon sont morts en Europe. Ils ont perdu leur vie alors qu’ils servaient leur pays. Lorsque la guerre a pris fin et que les membres du Bataillon sont rentrés au pays, ils n’ont jamais été accueillis en héros comme ils le méritaient.
À leur retour, les membres du 2e Bataillon de construction n’ont jamais reçu l’accueil en héros qu’ils méritaient.
Dans le poème que nous avons entendu plus tôt, le « Black Soldiers Lament » écrit par le capitaine George Borden, les premières lignes sont obsédantes:
« Le clairon a raisonné et en avant nous sommes allés
Pour servir la Couronne nos dos cambrés
Et bâtir avant ce qui doit l’être;
Mais jamais nos armes n’ont pu paraître
Héros, nous ne sommes ni peu ni prou. »
Cette dernière ligne... Comment n’ont-ils pas été perçus comme des héros? Comme pays, nous avons omis de reconnaître leurs contributions pour ce qu’elles étaient. Pour leur travail éreintant. Pour leur sacrifice. Pour leur volonté à servir le pays avant eux-mêmes. La Grande Guerre a été gagnée grâce à tous ceux qui ont servi. Nous sommes tellement redevables à ces hommes, ces courageux hommes noirs.
Je suis ici aujourd’hui afin d’offrir les excuses du gouvernement du Canada pour la façon horrible dont ses patriotes ont été traités.
Je suis ici aujourd’hui afin d’offrir les excuses du gouvernement du Canada pour la façon horrible dont ses patriotes ont été traités.
(Applaudissements)
Pour le racisme manifeste qui a poussé au rejet de volontaires noirs alors que ces derniers offraient de sacrifier leur vie pour chacun de nous.
(Applaudissements soutenus)
Pour avoir empêché les militaires noirs de combattre aux côtés de leurs compatriotes blancs. Pour ne pas avoir fourni aux membres du 2e Bataillon de construction les soins et le soutien qu’ils méritaient, nous sommes désolés.
(Acclamations et applaudissements)
Pour avoir omis d’honorer et de commémorer les contributions des membres du 2e Bataillon de construction et de leurs descendants. Pour la haine envers les Noirs et le racisme systémique flagrants qui ont privé ces hommes de leur dignité dans la vie comme dans la mort, nous sommes désolés.
(Acclamations et applaudissements nourris)
On ne peut pas changer le passé, mais on doit tous saisir les occasions d’apprendre de nos erreurs. Malheureusement, on sait qu’un trop grand nombre de membres des Forces armées canadiennes sont encore confrontés au racisme systémique et à la discrimination, y compris le racisme envers les communautés noires.
Nous sommes déterminés à apporter de véritables changements afin que la dignité de tous les militaires faisant partie des Forces armées canadiennes soit respectée.
(Applaudissements)
Des Forces armées où tous sont les bienvenus, où tous peuvent gravir les échelons, où tous ont l’occasion de se distinguer.
(Acclamations et applaudissements)
Nous ne pouvons pas laisser ce qui est arrivé au 2e Bataillon de construction se reproduire.
Et nous ne pouvons permettre que les services rendus par un membre de nos Forces soient négligés ou oubliés.
(Acclamations et applaudissements)
Aujourd’hui, nous en saurions très peu sur l’héritage du Bataillon si ce n’était des efforts de leurs descendants inébranlables, d’historiens acharnés et des dirigeants noirs. J’aimerais remercier encore une fois Russell Grosse et les gens du Black Cultural Centre de la Nouvelle-Écosse pour leur travail de recherche et de préservation de la mémoire du 2e Bataillon de construction.
(Applaudissements)
Je tiens également à remercier tout particulièrement l’ancien député d’Halifax‑Ouest, Gordon Earle, pour son dévouement à la commémoration du Bataillon.
(Applaudissements)
Et j’aimerais mentionner le nom de deux autres personnes qui nous ont quittés : d’abord, le sénateur Calvin Ruck…
(Applaudissements)
…qui s’est consacré à la documentation de l’histoire militaire des Noirs au Canada et qui a fait connaître les histoires des membres du 2e Bataillon de construction, notamment en publiant un livre sur ces hommes.
Et le capitaine George Borden, qui était un descendant de militaires et qui a lui-même servi dans l’armée.
(Applaudissements)
Le capitaine Borden était un défenseur inlassable du Bataillon. Il a également écrit le superbe poème que nous avons entendu plus tôt.
Parmi tous les descendants et membres des familles, je tiens aussi à saluer Audrey Parris, qui est la descendante directe la plus âgée. Son père, Sheldon Parris, a servi dans le 2e Bataillon de construction.
Audrey ne peut pas être des nôtres aujourd'hui, mais je sais qu’elle nous regarde de Toronto.
Merci.
(Applaudissements)
Au cours des dernières décennies, des efforts ont été déployés pour reconnaître le Bataillon, notamment grâce à des expositions, à des publications, à des activités organisées par Parcs Canada et à un timbre. L'année prochaine, pendant le Mois de l'histoire des Noirs, la Monnaie royale canadienne va émettre une pièce de collection en argent pur en l'honneur du 2e Bataillon de construction pour permettre aux Canadiens de tout le pays de participer à la commémoration de son héritage extraordinaire.
(Acclamations et applaudissements)
L’année prochaine, pendant le Mois de l’histoire des noirs, la Monnaie Royale Canadienne va émettre une pièce de collection en argent pur en l’honneur du 2e Bataillon de construction pour permettre aux Canadiens de tout le pays de participer à la commémoration de son héritage.
Aujourd’hui, j’espère que tous les Canadiens vont faire des recherches sur nos histoires non écrites et non racontées. Il y a des histoires comme celle du 2e Bataillon, qui nous montrent que la force et la résilience de notre humanité commune ne se résument pas à la couleur de notre peau.
Tous les membres des Forces armées canadiennes combattent sous le même drapeau. Notre drapeau a peut-être changé depuis la Première Guerre mondiale, mais ce que nous défendons est demeuré inchangé : la liberté, la paix, la justice, l’équité et l’espoir. C’est la promesse du Canada. Nous avons encore du travail à faire, mais nous devrions toujours nous battre pour ces valeurs, ici, chez nous, et ailleurs dans le monde.
(Applaudissements)
À la mémoire de ces soldats noirs, nous aimerions dire : aujourd’hui, nous vous voyons et nous vous rendons hommage.
(Applaudissements)
Et à leurs descendants : Nous espérons que vous vous percevez comme les héritiers de la mémoire de vrais héros canadiens.