Transcription - Allocution lors d’un événement intitulé « Au-delà de l’histoire du chandail orange »
Allocution lors d’un événement intitulé « Au-delà de l’histoire du chandail orange »
Bonjour!
J’aimerais d’abord souligner qu’en ce matin magnifique, sur ce beau territoire, près de cet extraordinaire cours d’eau, on se réunit sur le territoire traditionnel du peuple haudenosaunee et du peuple anishinaabe. J’aimerais remercier Gary pour cette chanson. J’aimerais aussi remercier grand-mère Marie pour la prière, la bénédiction et la leçon qui nous rappellent qu’on doit rester bienveillants et respectueux envers les autres et envers la Terre mère, qui s’occupe de nous chaque jour de notre vie. Je suis vraiment heureux de voir que vous êtes nombreux à vous être joints à nous aujourd’hui. Tant de personnes autochtones fortes qui sont en réflexion, aujourd’hui, vivent leur deuil et leur guérison, partagent leur force. Tant de personnes non autochtones également. Merci d’être des nôtres, car vous avez un rôle essentiel, on a tous un rôle essentiel à jouer aujourd’hui.
J’aimerais remercier les dirigeants de la communauté : Jim, April, Chris, Vance, Tony et les autres. Merci de représenter votre communauté et vos responsabilités ici, dans le cadre de cet événement. Merci à la communauté autochtone du Niagara et aux grands-mères qui m’ont invité à assister à la cérémonie du lever du soleil et au cercle de partage avec les Survivants, aujourd’hui. Ce matin, j’ai entendu des histoires d’horreur et de souffrance relatives aux pensionnats, qui se sont produites il y a de nombreuses années, et dans certains cas il y a des générations, mais qui sont tout aussi douloureuses aujourd’hui.
La vérité et la réconciliation n’est pas qu’une affaire du passé. Il y a des ramifications aujourd’hui : les familles font face à des défis, les communautés font face à des défis et nous faisons tous face à des défis. Nous avons entendu parler des défis entourant le leadership, entourant la famille, entourant la guérison. Ce fut un privilège extraordinaire, pour moi, de pouvoir être un témoin, de vous entendre et de réfléchir, bien entendu, à ma responsabilité qui consiste à m’assurer que tout le monde au pays avance dans la bonne direction, ensemble. Parce que cette journée est consacrée aux peuples autochtones. C’est une journée pour reconnaître que, oui, vous êtes encore là. Vous êtes encore forts et vous êtes indissociables du présent de notre pays et de l’avenir que l’on bâtit de jour en jour.
C’est…
C’est une journée pour se souvenir, faire le deuil, faire un autre pas vers la guérison. Mais c’est aussi une journée où les personnes non autochtones peuvent reconnaître que vous n’avez pas à porter ce fardeau seuls. Combien de fois les personnes autochtones devront-elles raconter leurs récits de traumatisme, de perte, de douleur, de deuil avant que nous, personnes non autochtones, assimilions ces histoires pour en faire les nôtres? Parce que ce sont les récits du Canada et, par conséquent, les récits que l’on porte tous en nous.
On parle de ce qui s’est produit dans les pensionnats où, systématiquement et délibérément, des enfants autochtones se faisaient dire qu’ils n’avaient aucune importance, aucune valeur, que leur langue, leur identité, leur savoir ancestral, les enseignements de leurs tantes et de leurs aînés ne valaient rien. C’est cela que les pensionnats ont fait subir à des générations d’Autochtones, qui portent encore des séquelles aujourd’hui. Mais n’oublions pas que toutes les écoles au pays, pendant toutes ces décennies, avaient elles aussi la philosophie des pensionnats en ce sens qu’on y enseignait aux personnes non autochtones que les Autochtones n’avaient aucune valeur, aucune culture, aucune langue. Et on porte tous ces faussetés, qu’on a apprises par exemple à la petite école.
Et on les voit aussi dans le fondement même de nos institutions. C’est donc dire que les systèmes qui nous entourent ne valorisent pas, ne respectent pas et ne célèbrent pas les langues, les cultures et l’identité autochtones. Et cela fait partie intégrante de notre pays parce que, pendant tant d’années, on nous a appris cela de la même façon que les enfants autochtones l’ont appris ou qu’on a tenté de leur apprendre cela dans les pensionnats, de manière horrible.
Alors, cette journée ne vise pas seulement à célébrer les peuples autochtones ou à avancer la réconciliation, mais elle porte aussi sur la vérité. Et la vérité, c’est qu’on doit tous ouvrir nos yeux sur l’évolution même du Canada, comment il a été bâti, et le fait qu’on doit faire des choix délibérés pour corriger les faussetés et les torts qui en font partie. Cependant, quand je regarde ce parc magnifique, rempli de visages optimistes, d’enfants autochtones forts, d’alliés de différents horizons qui représentent le meilleur du Canada, je sais qu’on est sur la bonne voie, qu’on est en chemin même si ça prendra plusieurs années. Mais, chaque jour, on doit renouveler notre engagement envers cet objectif. Et quel privilège de pouvoir le faire ce matin, en présence de Phyllis Webstad, dont le récit courageux a aidé à mobiliser des gens de partout au pays, y compris nous tous. Je regarde le parterre, et tous les chandails orange que je vois sont un symbole de solidarité envers le récit de Phyllis et l’expérience des Survivants.
Pour ceux qui ne le savent pas, Phyllis est une Survivante du système des pensionnats. Quand Phyllis avait six ans, elle a mis un beau chandail orange pour se rendre à son premier jour d'école. C'était un chandail orange que sa grand-mère lui avait acheté et qu'elle avait choisi. Elle avait très hâte de commencer l'école.
Mais quand Phyllis a commencé l’école, son chandail orange lui a été confisqué. Elle a demandé de le ravoir, mais elle s’est fait dire non. On lui a pris sa joie, tout comme une partie de son origine et sa capacité d’expression.
Depuis ce jour, Phyllis n'a pas porté de vêtements orange jusqu'en 2013, quand elle a raconté son histoire lors d'une cérémonie de commémoration.
Du moment où Phyllis a raconté l’histoire de son chandail orange, l’histoire s’est répandue. Elle a fait vibrer le cœur de bien des gens. Elle symbolise la douleur des pensionnats, la façon dont les enfants autochtones ont été privés de leur culture, de leur langue, de leur famille et privés de parents qui leur auraient dit qu’ils les aimaient ou leur auraient appris à le dire à leurs enfants plus tard. Alors, des alliés de partout au pays, en signe de solidarité, ont commencé à porter le chandail orange. C’est une importante initiative citoyenne menée par les peuples autochtones. Elle a aidé à créer un élan vers l’établissement, au pays, de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Et l’une des raisons pour lesquelles on célèbre cette journée ce mois-ci, en septembre, est que les enfants autochtones partaient au pensionnat et étaient retirés de leur foyer, de leur famille, en ce temps-ci de l’année. Certains ne sont jamais revenus. Pendant le cercle de partage, plus tôt aujourd’hui, j’ai entendu quelqu’un dire que le mois de septembre est la période des larmes. Des larmes pour les enfants seuls, isolés dans les pensionnats, des larmes pour les parents incapables de donner à leurs enfants l’amour, la protection et le soutien dont ils avaient tant besoin. Les larmes des tantes, des grands-pères et des grands-mères qui savaient qu’ils ne pourraient pas passer du temps précieux avec ces enfants, ne pourraient pas leur enseigner et partager ce qu’eux-mêmes avaient appris de leurs tantes et de leurs grands-parents pendant des millénaires.
Cette journée répond à un besoin que tout le pays a depuis longtemps, soit celui de reconnaître les séquelles laissées par ces pensionnats, en particulier à mesure que l’on découvre de nouvelles tombes anonymes. La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation donne l’occasion à tous les Canadiens, les Autochtones et les non-Autochtones de se pencher sur ce pan de notre histoire, de se remémorer les vies perdues et de réfléchir à des moyens de soutenir les Survivants et d’être de meilleurs alliés.
La réconciliation, c'est la responsabilité de tous les Canadiens, et on sait que cela prendra du temps. C’est important d’écouter, d’apprendre et d’avancer. De ne pas répéter les erreurs du passé. Les blessures ne guérissent pas du jour au lendemain, et la confiance prend du temps à rebâtir. Mais on sera là, ensemble, à chaque étape.
La réconciliation, c'est la responsabilité de tous les Canadiens. C'est important de donner de l'espace aux voix et aux histoires autochtones et de reconnaître la vérité.
Au cours des dernières années, on a réalisé des investissements sans précédent dans les priorités touchant les peuples autochtones, comme les soins de santé, le logement et l’infrastructure. Mettre un terme aux avis d’ébullition de l’eau. Protéger les langues. Protéger la culture. Protéger le savoir ancestral. Valoriser l’identité autochtone. Et, pour se faire, il s’agit de placer le leadership autochtone, le savoir autochtone et les priorités des peuples autochtones au cœur de toutes nos actions, sur ce chemin que l’on parcourt. On va continuer de faire ces investissements importants et de travailler avec vous pour refermer tous les écarts qui subsistent de nos jours. C’est un privilège d’être ici avec vous, aujourd’hui. Je suis heureux d’entendre vos récits et que vous les racontiez aux Canadiens et, de plus en plus, au reste du monde. Je vais devoir partir avant la fin de la cérémonie, malheureusement, parce que je veux me rendre à la cérémonie nationale qui se déroulera à Ottawa cet après-midi. Mais j’emporte avec moi tous vos récits, qui resteront près de mon cœur aujourd’hui et toute l’année, tandis que l’on continuera de prendre les mesures nécessaires pour faire du Canada le pays auquel on aspire au plus profond de nous, même s’il faudra beaucoup de travail pour y arriver.
Merci beaucoup mes chers amis. Miigwetch!