Transcription - Le premier ministre prononce une allocution à la Verkhovna Rada de l’Ukraine
Le premier ministre prononce une allocution à la Verkhovna Rada de l’Ukraine
Mes chers amis, bonjour.
Quel plaisir d’être de retour ici! Quel plaisir de vous voir! Quel plaisir d’être accueilli par tant d’amis, ici. Je sais que les Canadiens sont comme moi profondément honorés d’être accueillis en ces lieux. Et comme on a deux langues officielles au Canada, je vais m’adresser à vous en anglais et en français, alors veuillez porter votre casque d’écoute. Mais je suis vraiment très heureux d’être ici parmi vous.
Membres de la Verkhovna Rada, c'est un honneur pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui.
En ce moment même, au siège de votre démocratie, ma première pensée est dirigée vers le peuple ukrainien que vous représentez et dont vous êtes au service. Je pense aux soldats courageux, sur les lignes de front. Je pense aux jeunes scouts qui vendent des pâtisseries dont l’argent ira à l’achat de drones. Je pense aux agriculteurs qui continuent de labourer leurs champs de blé pour leurs voisins, pour le monde, malgré la menace des bombardements russes.
Je pense aux infirmières et aux médecins qui continuent de faire leur travail héroïque même si les hôpitaux sont bombardés. Je pense à toutes les personnes qui se mobilisent parce qu’elles croient en un idéal simple : celui voulant que les Ukrainiens doivent être libres de choisir leur propre avenir.
(Applaudissements)
Au pays, je dis souvent que la démocratie ne se produit pas par hasard et qu’on ne peut la maintenir sans effort. Eh bien, l’Ukraine le sait mieux que quiconque.
Et, dans votre cas, les efforts sont synonymes de courage et de sacrifices hors de l’ordinaire. Le courage et les sacrifices, comme ceux dont vous avez fait montre quand vous avez déclaré votre indépendance il y a plus de 30 ans. Et je suis fier que le Canada ait été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine en décembre 1991.
(Applaudissements)
Le courage et les sacrifices, comme ceux dont vous avez fait preuve il y a dix ans durant l’Euromaïdan, ou la Révolution de la dignité, après que le président de l’époque eut refusé de signer une entente avec l’Union européenne, une entente qui avait été approuvée dans une large mesure ici, par la Rada.
Le courage et les sacrifices, comme ceux que vous affichez encore un an après le lancement d’une invasion brutale par le président Poutine, tandis que vous résistez et continuez de vous battre.
L'invasion injustifiée et non provoquée de la Russie contre l'Ukraine n'est pas seulement illégale; elle est odieuse. Je n'ai pas besoin de vous citer les actes criminels commis par les envahisseurs russes, vous les connaissez très bien. En envahissant l'Ukraine, la Russie a violé les principes de base de l'ordre international fondé sur les règles. Elle a bafoué les éléments fondateurs de la Charte des Nations Unies.
La paix, la stabilité et la prospérité qu’une bonne partie du monde a connues pendant plus de 75 ans ont pris fin en raison du choix violent du président Poutine. Mes amis, vous ne vous battez pas seulement pour votre survie. Vous vous battez pour la survie de tout ce que l’on connaît. Vous vous battez pour la liberté, la démocratie, le droit à l’autodétermination. Vous vous battez pour que les frontières aient un sens, et ce, même quand un voisin a un plus gros arsenal, et en particulier quand un voisin a une plus grosse armée. Le monde ne saurait trop insister sur la gravité de cette situation.
Le monde ne saurait trop insister sur l’importance existentielle de votre combat. En vous battant pour l’Ukraine, vous vous battez pour votre milieu de vie, votre culture, votre langue, votre identité, mais aussi pour notre avenir à tous. Le courageux peuple ukrainien a rappelé au reste du monde que la démocratie est à la fois digne du sacrifice ultime et assez résistante pour triompher.
Dans 30, 50 ou 80 ans, les enfants vont apprendre à connaître votre victoire dans les livres d’histoire. Vos héros seront admirés, comme on admire encore nos grands-parents qui nous ont sauvés du fascisme sur les plages de Normandie et dans toute l’Europe. Vous êtes le fer de lance de l’avenir au 21e siècle.
(Applaudissements)
Voilà ce qui est en jeu. Rien de moins. Et c’est pourquoi le Canada restera solidaire de vous et vous fournira toute l’aide nécessaire, aussi longtemps qu’il le faudra. Vladimir Poutine a fait une grave erreur de calcul en lançant son invasion non provoquée et non justifiée.
Poutine a sous-estimé l'incroyable courage du peuple ukrainien. Il a également sous-estimé la détermination et l'unité des alliés et partenaires démocratiques face à l'autoritarisme et à la brutalité. Il y a trois semaines, j'ai participé au sommet du G7 et je peux vous dire que la présence du président Zelenskyy à ce sommet et dans ce monde a énormément d'impact. Le soutien de vos amis est plus fort que jamais. Dans le cadre de l'opération UNIFIER, le Canada a formé 36 000 membres des Forces armées de l'Ukraine. Plus tôt aujourd'hui, j'ai annoncé qu'on allait prolonger l'opération UNIFIER jusqu'en 2026. Depuis le début de l'invasion brutale de Poutine, le Canada a fourni une aide de plus de 8 milliards de dollars à l'Ukraine, dont plus de 1 milliard de dollars en aide militaire.
(Applaudissements)
Il y a quelques mois, on a accordé un prêt de près de 2,5 milliards de dollars au gouvernement de l’Ukraine pour cette année, à l’appui du rétablissement et de la reconstruction du pays. Et, plus tôt aujourd’hui, j’ai annoncé qu’on va lui fournir 500 millions de plus en nouveaux fonds sous forme d’aide militaire.
(Applaudissements)
De plus, le Canada fera partie d’un effort multinational visant à former des pilotes de chasse et à maintenir et appuyer le programme de chasseurs à réaction de l’Ukraine. On vous soutient maintenant, et on vous soutiendra à l’avenir.
(Applaudissements)
C’est l’Ukraine qui doit décider comment elle se défend et comment elle défend son peuple. C’est pourquoi le Canada est en faveur d’une coopération accrue avec l’OTAN dans le cadre du Conseil OTAN-Ukraine. Et on va continuer d’appuyer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN dès que les conditions seront propices.
(Applaudissements)
On veut tous que l’Ukraine remporte cette victoire et que la guerre prenne fin dès que possible. On veut tous la paix, la paix comme l’Ukraine l’entend. La Russie doit immédiatement, complètement et inconditionnellement retirer toutes ses forces militaires de l’Ukraine.
(Applaudissements)
Bien entendu, le Canada appuie l’initiative de l’Ukraine en faveur d’une paix juste et durable, qui repose sur la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. La semaine passée, j’ai lu l’histoire d’un soldat ukrainien. On le surnomme « Cadet ». Il a intégré les rangs de l’armée le lendemain de ses 18 ans, au quatrième jour de l’invasion russe. Il espère que sa petite amie reviendra d’Allemagne bientôt. Et il joue à des jeux sur son téléphone, quand le calme revient dans les tranchées. Même s’il ne peut pas encore faire pousser sa barbe, Cadet est un héros qui se bat pour son pays. Mon fils aîné a 15 ans et, même s’il est déjà plus grand que moi, je ne pourrais pas même m’imaginer qu’il prenne le chemin de la guerre dans deux ans. Ce que vivent en ce moment les enfants et les familles de toute l’Ukraine dépasse l’entendement.
Cela dit, tout cela est bien réel. Autant ce que vous faites que les raisons pour lesquelles vous le faites. Chaque fois que j’entends Volodymyr faire le point sur la situation, chaque fois que Chrystia parle des membres de sa famille qui sont ici, en Ukraine, chaque conversation que j’ai avec des gens au Canada, au sujet de leurs proches pour qui ils sont inquiets, cela rend les choses bien concrètes.
Le Canada continuera d'offrir un refuge à votre population. Vous pouvez compter là-dessus. Depuis l'année dernière, le Canada a accueilli un quart de million d'Ukrainiens. Comme je l'ai dit, c'est des personnes qui ne voulaient pas quitter l'Ukraine. Ils aiment tous leur pays et espèrent pouvoir y retourner bientôt. Mais pendant qu'ils sont chez nous, nous, les Canadiens, nous les aidons. On leur offre des emplois, des refuges, des cours de langue et tout ce dont ils ont besoin pour traverser cette épreuve.
J’ai visité l’école Saint Demetrius, il y a quelques mois – une école de Toronto que fréquentent maintenant plus d’une centaine d’enfants ukrainiens. Leurs camarades de classe et leurs enseignants ont recueilli des livres, des vêtements, des articles de toilette et de la nourriture qu’ils ont remis à ces nouveaux amis et voisins. Maintenant, ce genre d’initiative se produit dans des écoles, des centres communautaires, des sous-sols d’église, des lieux de culte et des bibliothèques dans tout le pays.
En Saskatchewan, par exemple, les personnes qui sont arrivées en se prévalant de l’Autorisation de voyage d'urgence Canada-Ukraine paieront les mêmes frais de scolarité universitaires que les personnes d’ici. Victoria, dont les parents sont dentistes, est l’une de ces étudiantes. Elle pourra suivre son rêve, car elle aura les moyens d’étudier la médecine dentaire à l’Université de Saskatchewan. On bâtit votre avenir, même pendant que vous vous battez pour sa survie.
Et, comme vous le savez, le lien spécial qui unit nos deux pays ne date pas d’hier. Les Canadiens et les Ukrainiens entretiennent des liens depuis très longtemps. En 1891, Ivan Pylypow et Wasyl Eleniak ont été les premiers immigrants ukrainiens à venir au Canada. Comme tant d’autres après eux, ils se sont établis dans les Prairies canadiennes. Au fil des ans, les Canadiens d’origine ukrainienne ont travaillé la terre. Ils ont bâti des églises caractérisées par leurs magnifiques dômes. De bien des façons, les Prairies canadiennes ressemblent beaucoup au paysage ukrainien, avec leurs champs de blé doré sous un ciel bleu, à l’instar de votre drapeau. En tant qu’artistes, athlètes, agriculteurs, scientifiques ou parlementaires, les Canadiens d’origine ukrainienne ont façonné et enrichi le Canada de manière importante. Comme mon amie et vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland.
(Applaudissements)
Depuis les dernières générations, les Ukrainiens nous ont aidés à bâtir notre pays, alors il va de soi que les Canadiens les aideront à bâtir le leur, pour le bien des prochaines générations. Quand j’ai vu que la banque centrale de l’Ukraine avait émis un billet de banque commémoratif sur lequel figure entre autres le drapeau canadien, ce fut un grand honneur. Merci. Mais, bien entendu, on ne fait pas tout ça pour cueillir des remerciements. On le fait parce que c’est la bonne chose à faire.
Comme vous le savez, le Canada est devenu le premier pays du G7 à adopter une loi permettant la saisie et la confiscation d’actifs russes gelés. À mon avis, il n’y a pas de meilleure façon de financer la reconstruction de l’Ukraine qu’au moyen des actifs saisis à l’élite du président Poutine et à ses complices.
(Applaudissements)
Alors, au printemps dernier, un avion-cargo Antonov 124 appartenant à la Russie a atterri à l’aéroport international Pearson de Toronto. Dès son atterrissage, on l’a immédiatement interdit de vol. Et, aujourd’hui, je vous annonce que l’on saisit ce gros avion russe et qu’on le cède à l’Ukraine pour que jamais il ne soit un instrument dans la guerre de la Russie.
(Applaudissements)
L’Ukraine vit une période d’une profonde gravité, tout comme le reste du monde. Le président Poutine et la pandémie ont révélé aux démocraties les risques de la dépendance économique à l'égard des dictatures. Les États antagonistes se servent de notre interdépendance économique à leur propre avantage géopolitique. Le monde démocratique ne doit plus être à la merci d’un pays qui peut à tout moment lui couper les vivres pour faire souffrir ses citoyens.
C’est pourquoi, avec des partenaires et des alliés, on fait front commun. On investit dans le domaine de l’énergie et des ressources auprès de partenaires fiables et de confiance. L’objectif n’est pas seulement de protéger notre sécurité énergétique et notre économie. On veut aussi bâtir un monde où les régimes antidémocratiques brutaux ne pourront pas profiter des crises liées à l’énergie et aux chaînes d’approvisionnement que leurs propres crimes engendrent. On souhaite également renforcer les pays qui respectent le commerce fondé sur des règles et l’ordre fondé sur des règles.
Le président Poutine a fait preuve d’une cruauté sans nom et a utilisé l’énergie et la nourriture comme armes de guerre, ce qui a fait souffrir des gens du monde entier. Ce sont les populations les plus vulnérables, en particulier dans les pays du Sud, qui ressentent le plus durement l’insécurité alimentaire.
La faim dans le monde, qui diminuait de façon constante depuis une décennie, est à nouveau à la hausse à cause de la guerre de Vladimir Poutine. Avant la guerre, l'Ukraine fournissait environ 45 millions de tonnes de céréales par an au marché mondial. Aujourd'hui, la Russie limite les exportations de céréales en provenance de l'Ukraine. Les attaques contre votre réseau électrique compromettent les terminaux céréaliers où sont expédiés le blé et le maïs. C'est barbare et inacceptable.
À ceux qui pensent que la loi du plus fort prévaut, à ceux qui pensent que la seule façon de gagner est de conquérir d'autres pays, à ceux qui pensent qu’il y a inévitablement un gagnant et un perdant dans un contexte géopolitique, on doit dire : c’est terminé. C’est le choix auquel le monde est confronté en ce moment.
(Applaudissements)
Le choix est clair entre, d’une part, la démocratie où prime la règle de droit, où la croissance est partagée entre les nations, où la diversité est perçue comme une force, où la classe moyenne a les moyens d’agir, où les citoyens peuvent choisir leur propre destinée et, d’autre part, l’autocratie, où la dictature domine, où les droits de la personne sont bafoués, où les tyrans jouissent d’un pouvoir illimité. Les régimes autoritaires n’ont que faire des autres. Ils ne se préoccupent que d’eux-mêmes. Eh bien, ce choix est plus clair de jour en jour. Notre réussite collective dépend de la réussite de tous. Le droit international et les principes fondamentaux nous permettent de bâtir un monde plus juste pour tous et offrent un cadre qui nous met à l’abri du chaos.
La stabilité de l’ordre international fondé sur des règles crée de la prospérité et des occasions dans le monde entier. Les économies émergentes d’Afrique et d’Asie se sont battues farouchement et longtemps pour leur indépendance et leur souveraineté face au colonialisme, et c’est aussi pour elles que vous vous battez, que l’on se bat, en ce moment. C’est le message que le Canada transmet à ses amis et alliés de partout dans le monde chaque jour. Et lorsqu’il est question d’amis et d’alliés, le Canada est l’un des pays ayant le plus de liens dans le monde.
Que ce soit les 7 membres du G7, les 21 membres de l'APEC, les 24 membres du G20, les 31 membres de l'OTAN, les 35 membres de l'Organisation des États américains, les 56 membres du Commonwealth, les 88 États et gouvernements de la Francophonie, nous partageons partout le même message : nous ne cesserons jamais de défendre les intérêts de l'Ukraine et nos valeurs communes parce que les Canadiens comprennent ce qui est en jeu.
(Applaudissements)
Mes amis, votre courage et votre résilience m’impressionnent constamment. Vous avez tenu tête aux menaces du président Poutine bien avant l’invasion. Vous avez mobilisé des appuis dans le monde entier et vous n’abandonnez pas. Et on n’abandonnera pas non plus. L’an passé, avant que le président Zelenskyy s’adresse au Parlement canadien, j’ai affirmé que les démocraties du monde entier avaient de la chance de l’avoir comme figure de proue.
Je reste entièrement fidèle à ce que j’ai dit. Et, aujourd’hui, je peux en dire de même de vous tous ici, en personne, face à face. Merci d’être les figures de proue et les défenseurs de la démocratie, chaque jour. Merci.
(Applaudissements)
Le travail de parlementaire que vous faites ici est essentiel. La démocratie a besoin d’institutions solides comme la Rada. Croyez-moi, je suis peut-être le chef du gouvernement canadien, mais j’ai aussi l’immense privilège d’être l’un des 338 députés de notre système. Je sais donc à quel point le travail que vous faites au quotidien pour servir la population, vous battre pour elle et la représenter est essentiel.
Merci mes amis pour tout ça!
(Applaudissements)
La démocratie est le mode de vie que l’on a choisi. Comme je l’ai dit, elle n’est pas arrivée par hasard et on ne pourra pas la maintenir sans effort. Mais soyons clairs : aucun dictateur ne pourra nous priver de ce choix.
Les citoyens devraient être libres de choisir leurs propres dirigeants et leur propre avenir. Les gens du monde entier devraient être libres d'exprimer leur opinion sans être emprisonnés de façon arbitraire. Les gouvernements doivent être transparents et responsables et ils doivent traiter les gens avec le respect et la dignité qu'ils méritent. Voilà les valeurs qui sont en jeu et c'est ce que vous défendez chaque jour sur la ligne de front et dans cette place.
Aujourd’hui, en visitant votre pays une fois de plus durant cette horrible guerre, j’ai pu voir de mes propres yeux votre douleur et votre résilience. Mais j’ai aussi été témoin d’un courage et d’un espoir extraordinaires. Derrière moi et derrière cet édifice, la maison du peuple ukrainien, votre drapeau bleu et jaune flotte encore. L’Ukraine est debout et le restera. Pour reprendre les mots du grand poète ukrainien Taras Shevchenko : l’Ukraine sera toujours la terre des personnes libres, car aucune bombe, aucune balle, ni aucune brute ne pourra jamais lui retirer son désir de liberté et ne pourra empêcher le peuple ukrainien d’être fier de sa culture, de sa langue, de son histoire et de son avenir.
Slava Ukraini!