Main Content

Le premier ministre Justin Trudeau prononce une allocution à la Chambre des communes.

LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Monsieur le Président,

J’aimerais commencer par souligner que nous sommes sur le territoire ancestral du peuple algonquin.

En septembre dernier, aux Nations Unies, j’ai pris la parole devant des délégations des quatre coins du monde. Je leur ai fait part des dures vérités au sujet de la relation longue et complexe qu’entretient le Canada avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

J’ai parlé de l’approche coloniale qui a mené à la Loi sur les Indiens – une loi discriminatoire et paternaliste.

Une approche coloniale qui a passé sous silence l’histoire de la Nation des Métis de façon systématique et qui a brimé les droits de leurs peuples.

Une approche qui, au nom de la souveraineté du Canada, a obligé des communautés inuites entières à se déplacer, causant des famines, déracinant des familles et en les faisant souffrir pendant des générations.

Les événements dont j’ai parlé sont, j’en suis convaincu, bien connus de tous les députés de la Chambre.

Mais ce qui est remarquable, Monsieur le Président, c’est à quel point ces événements tragiques sont connus des Canadiens.

Vous voyez, je viens de terminer une série d’assemblées publiques qui a eu lieu dans des communautés à travers le Canada.

Et partout où je suis allé, il y avait au moins une personne qui voulait savoir ce que notre gouvernement faisait pour lutter contre le racisme, faire avancer la réconciliation et améliorer la qualité de vie des peuples autochtones.

Des questions ont été posées au sujet des droits de pêche, des revendications territoriales et des approbations d’oléoducs.

Des questions au sujet de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, et des questions sur l’eau potable ou le nombre d’enfants autochtones placés en famille d’accueil.

Ces questions étaient pertinentes, Monsieur le Président.

Et c’était tout de suite évident que chaque fois que l’on posait ce genre de questions, c’était toute la salle qui attendait la réponse.

C’était, en partie, une preuve de soutien à l’égard des personnes qui se levaient pour poser des questions difficiles.

Mais c’était également un signe que les Canadiens veulent entendre des réponses.

Ce sont des questions qui suscitent une réflexion au sujet de notre identité et du pays auquel nous aspirons.

L’une de ces questions est celle de savoir comment nous, en tant que gouvernement, faisons pour reconnaître et mettre en œuvre les droits des peuples autochtones.

Ces questions se sont multipliées et ont pris de l’intensité au cours de la dernière semaine, au moment où un nombre croissant de Canadiens prennent conscience du fait que nous avons encore beaucoup de travail à faire.

Du travail à faire pour combattre le racisme systémique que vivent en réalité tant de peuples autochtones.

Du travail à faire pour remédier au fait que trop de gens croient ou craignent que notre pays et ses institutions n’offriront jamais l’équité, la justice et la réelle réconciliation à laquelle les peuples autochtones ont droit.

Monsieur le Président, il y a cependant des raisons d’espérer.

Hier, j’ai eu l’honneur de passer du temps avec la famille de Colten Boushie. Avec sa maman Debbie, sa cousine Jade et son oncle Alvin.

Malgré toute leur douleur, leur colère et leur frustration, ce n’est pas à eux-mêmes qu’ils pensaient, ni à la tragédie qu’ils ont vécue, mais à la manière dont nous devons travailler ensemble pour rendre nos systèmes et nos institutions meilleurs.

Meilleurs pour les jeunes autochtones, pour les familles autochtones et pour tous les Canadiens.

Nous avons la responsabilité de faire mieux. D’être meilleurs. De faire de notre mieux pour assurer qu’aucune autre famille n’ait à supporter une telle épreuve.

Monsieur le Président, le système de justice pénale n’est qu’un exemple des contextes où nous avons besoin urgent de réformes.

Nous avons besoin de réformes pour veiller, entre autres, à ce que les peuples autochtones puissent reprendre confiance en un système qui leur a fait trop souvent défaut par le passé.

C’est pourquoi nous allons mettre de l’avant des réformes générales, concrètes, du système de justice pénale, y compris des changements à la façon dont les jurys sont sélectionnés.

Il est évident, Monsieur le Président, que les peuples autochtones et tous les Canadiens savent que le temps est plus que venu pour un changement.

En même temps, certains voient les engagements de notre gouvernement avec une certaine méfiance, et si vous considérez la façon dont les choses ont été gérées par le passé, c’est difficile de dire que cette méfiance n’est pas justifiée.

Après tout, ce n’est pas comme si nous étions le premier gouvernement à reconnaître le besoin d’apporter des changements et à promettre que nous ferions les choses différemment.

Plus de 20 ans se sont écoulés depuis que la Commission royale sur les peuples autochtones a réclamé « la reconnaissance des peuples autochtones comme nations se gouvernant elles-mêmes et occupant une place unique au pays. »

Plus de 30 ans se sont écoulés depuis le Rapport Penner et les conférences des premiers ministres sur les droits des peuples autochtones.

Et l’année dernière, nous avons marqué 35 ans depuis que l’article 35 de la Loi constitutionnelle a reconnu et affirmé les droits autochtones et issus des traités.

Vous vous souvenez peut-être, Monsieur le Président, que le gouvernement de l’époque, qui était dirigé par mon père, n’avait pas l’intention de reconnaître ces droits au départ.

Appuyés par des Canadiens non autochtones, les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont milité pour leurs droits. C’est grâce à eux que le gouvernement a dû revenir sur sa décision.

Imaginez ce qu’ils auraient dû ressentir, Monsieur le Président.

Après s’être battus si fort, pendant si longtemps contre le colonialisme. Après avoir mobilisé vos communautés, après avoir tendu la main aux Canadiens, après s’être déplacés à bord du Constitution Express. Et enfin, de se voir reconnus et inclus. De voir vos droits enchâssés et protégés dans le document fondamental sur lequel la démocratie du Canada repose.

Maintenant, imaginez la déception croissante, la douleur familière et bien connue, et la marée montante de colère lorsqu’un gouvernement qui avait promis autant a fait aussi peu pour tenir parole.

Vous voyez, Monsieur le Président, la difficulté – autrefois comme aujourd’hui – c’est que bien que l’article 35 reconnaisse et affirme les droits ancestraux et issus de traités, ces droits n’ont pas été mis en œuvre par nos gouvernements.

Les travaux pour faire entrer en vigueur l’article 35 devaient être réalisés avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Et malgré certaines avancées, les progrès réalisés sont inégaux, n’ont pas été soutenus ni menés à terme.

Alors au fil du temps, ce sont trop souvent les tribunaux qui ont dû recoller les morceaux et combler les lacunes.

Plus précisément, plutôt que de voir leurs droits reconnus et confirmés, comme nous leur avions promis, les peuples autochtones ont été eux-mêmes forcés de prouver, encore et encore, par le biais de contestations judiciaires coûteuses et interminables, que leurs droits existaient, devaient être reconnus et mis en œuvre.

Les peuples autochtones, comme tous les Canadiens, savent que ça doit changer.

Nous le savons aussi.

C’est donc pourquoi nous travaillons fort depuis deux ans pour renouveler la relation que nous entretenons avec les peuples autochtones – une relation fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat.

Nous sommes sur la bonne voie.

Nous avons adhéré à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sans réserve, et nous nous sommes engagés à la mettre en œuvre pleinement, y compris grâce à l’appui du gouvernement à l’égard du projet de loi C-262.

Nous avons présenté de nouvelles négociations sur la reconnaissance des droits et l’autodétermination des peuples autochtones, dans le cadre desquelles le gouvernement et les peuples autochtones travaillent ensemble sur les priorités que les partenaires autochtones jugent nécessaires pour faire avancer leur vision de l’autodétermination.

Nous avons conclu des ententes avec les Premières Nations, les Inuits et la Nation des Métis précisant la façon dont nous travaillerons ensemble pour cerner les priorités distinctes de chacune des communautés, et la façon dont nous travaillerons ensemble pour élaborer des solutions.

Nous avons mis sur pied un groupe de ministres chargés de passer en revue les lois, les politiques et les pratiques opérationnelles fédérales, pour assurer que la Couronne assume ses obligations constitutionnelles et qu’elle respecte les normes internationales en matière de droits de la personne, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Pour orienter les travaux de décolonisation des lois et politiques canadiennes, nous avons adopté des principes relatifs à la relation du Canada avec les peuples autochtones.

Pour préserver, protéger et revitaliser les langues autochtones, nous travaillons avec des partenaires autochtones pour élaborer, de façon conjointe, une loi sur les langues des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Nous avons apporté des changements en vue de reconnaître les droits autochtones et les connaissances traditionnelles, en plus de permettre aux peuples autochtones d’avoir davantage leur mot à dire en ce qui concerne les développements dans leurs communautés.

Ces efforts constituent un important premier pas dans la bonne direction, Monsieur le Président, mais ils ne sont qu’un début.

Pour réellement renouveler la relation qu’entretient le Canada avec les peuples autochtones, pas seulement aujourd’hui, mais pour les 150 prochaines années, nous avons besoin d’une approche exhaustive et ambitieuse.

Nous devons changer la façon dont nous faisons les choses, et ce, à l’échelle du gouvernement.

Nous devons non seulement reconnaître les droits des peuples autochtones, mais les mettre en œuvre. Parce que la vérité, Monsieur le Président, c’est que tant que nous ne les mettrons pas en œuvre, nous n’obtiendrons pas des réussites durables sur les enjeux qui comptent énormément aux yeux des gens.

Les peuples autochtones au Canada devraient pouvoir boire l’eau de leur robinet.

Ils devraient pouvoir aller se coucher dans des maisons qui sont sûres, et qui ne sont pas surpeuplées.

Les enfants autochtones devraient pouvoir rester avec leurs familles et dans leurs communautés, où ils sont connus et aimés. Et les jeunes autochtones ne devraient pas grandir dans des dynamiques qui les exposent à un risque élevé de suicide – des dynamiques comme la pauvreté, les abus ou un accès limité à une bonne éducation et à des soins de santé de qualité.

Tous ces enjeux exigent des mesures réelles et positives, des mesures qui doivent inclure la pleine reconnaissance et mise en œuvre des droits des peuples autochtones. Nous devons en arriver à un point où les peuples autochtones au Canada sont maîtres de leur propre destin et prennent leurs propres décisions à l’égard de leur avenir.

Voilà pourquoi, aujourd’hui, j’ai le plaisir d’annoncer que le gouvernement élaborera, en plein partenariat avec les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, une nouvelle approche visant à reconnaître et à mettre en œuvre les droits des peuples autochtones.

Cette approche comprendra de nouvelles lois sur la reconnaissance et la mise en œuvre des droits.

Désormais, la reconnaissance des droits orientera toutes les relations entre le gouvernement les peuples autochtones.

Le contenu de ce cadre, que nous bâtirons ensemble, sera déterminé à l’aide d’un processus de mobilisation nationale, qui sera piloté par la ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord.

Plus tôt, j’ai cité de nombreux rapports, ainsi que plusieurs études et consultations passées. Je comprends que certaines personnes verront toute consultation future comme étant une autre étape visant à ralentir la lutte pour l’autodétermination des peuples autochtones.

Mais soyons clair, Monsieur le Président. Aussi responsable, bien intentionnée ou réfléchie soit‑elle, une solution proposée qui ne vient que d’Ottawa ne servira pas à grand-chose.

Nous comprenons que les peuples autochtones ont hâte d’amorcer eux-mêmes le travail considérable de rebâtir leurs nations et leurs institutions.

En tant que gouvernement, notre travail consiste à appuyer, à accompagner et à travailler en partenariat avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour établir le cadre et leur donner les outils dont ils ont besoin à mesure qu’ils tracent leur chemin – ensemble avec tous les Canadiens.

Nous travaillerons aussi avec les provinces et les territoires, ainsi qu’avec des Canadiens non autochtones : des gens de la société civile, de l’industrie et du milieu des affaires, ainsi que des membres du grand public. Parce que trouver la bonne solution, c’est l’affaire de tous les Canadiens.

Même si les résultats de ces consultations contribueront à façonner la forme définitive que prendra le cadre, nous croyons que, comme point de départ, ce cadre devrait comprendre une nouvelle loi et une nouvelle politique qui établira la reconnaissance et la mise en œuvre des droits comme la base de toutes les relations entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral à l’avenir.

Ce cadre nous permet de créer de nouveaux mécanismes pour reconnaître les gouvernements autochtones, et pour veiller à la mise en œuvre rigoureuse, complète et significative des traités et d’autres accords.

Grâce à ce cadre, nous avons l’occasion de créer de nouveaux outils pour appuyer la reconstruction des communautés, des nations et des gouvernements autochtones, et pour faire avancer l’autodétermination, y compris le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.

Ce cadre établirait de nouvelles façons de résoudre des différends pour que la collaboration devienne la nouvelle norme et que les conflits soient l’exception, non la règle.

En y incorporant des outils qui obligent le gouvernement fédéral à être plus transparent et responsable, nous pourrons bâtir une plus grande confiance entre les peuples autochtones et le gouvernement.

Enfin, grâce à ce nouveau cadre, nous pourrons mieux aligner les lois et les politiques canadiennes sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que le gouvernement soutient sans réserve.

Nous croyons qu’un cadre comportant des mesures comme celles-ci donnera enfin suite à bon nombre des recommandations formulées par la Commission royale sur les peuples autochtones et par la Commission de vérité et de réconciliation, et dans d’innombrables autres études et rapports conclus au fil des ans.

Monsieur le Président, certains diront que pour poursuivre cette approche ambitieuse, il faudra rouvrir la Constitution. Mais c’est faux.

En adoptant sans réserve l’article 35 de la Loi constitutionnelle, nous remplacerons des politiques comme la Politique des revendications territoriales globales et la Politique sur le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale par des démarches nouvelles et meilleures, qui respecteront les distinctions entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

On créera ainsi plus de confiance et plus de certitude pour toutes les personnes concernées.

Les lacunes du gouvernement fédéral concernant la reconnaissance et la mise en œuvre des droits autochtones, pendant des générations, ont donné lieu à l’exclusion sur les plans social et économique, à des incertitudes, et à des litiges, alors que nous aurions dû nous concentrer collectivement sur la création de la prospérité et d’opportunités économiques pour tous.

La création de meilleures opportunités pour les peuples autochtones, et surtout pour les jeunes autochtones, est exactement ce que nous espérons accomplir avec ce cadre. Les discussions se poursuivront tout au long du printemps, mais nous avons la ferme intention de déposer le cadre cette année et de le mettre en œuvre avant les prochaines élections.

Ce travail mettra à contribution non seulement le gouvernement, mais aussi ce Parlement. Il y aura des travaux des comités, des témoins à entendre, et des débats vigoureux, et ce, dans les deux Chambres.

L’histoire de la relation qu’entretient le Canada avec les peuples autochtones transcende tous les gouvernements, Monsieur le Président. La Loi sur les Indiens a été adoptée dans cette Chambre, tout comme l’a été l’article 35. Maintenant, en tant que Parlement, nous avons l’occasion – et surtout la responsabilité – d’enfin mettre en œuvre l’article 35.

Monsieur le Président, nous savons tous que nous ne pouvons pas effacer le passé.

Nous ne pouvons pas retrouver ce qui a été perdu.

Ce que nous pouvons faire – ce que nous devons faire – c’est nous engager à être meilleurs, à faire mieux.

Pour commencer, faisons ce que la Loi constitutionnelle nous oblige à faire depuis presque quarante ans. Alors, nous allons travailler ensemble pour éliminer les lois et les politiques qui ont été bâties pour servir des intérêts coloniaux.

Nous allons travailler ensemble pour donner suite à nos engagements et bâtir une relation nouvelle et meilleure.

Monsieur le Président, les peuples autochtones et tous les Canadiens sont prêts pour le changement.

Ils sont prêts pour une nouvelle relation fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat.

Avec le Cadre de reconnaissance et de mise en œuvre des droits, ensemble, nous pouvons bâtir cette nouvelle relation.

Cela ne sera pas facile, Monsieur le Président. Ce qui vaut la peine d’être fait n’est jamais facile.

Mais ça vaut la peine.

Ça vaut la peine parce que nous aurons pris d’autres mesures pour redresser les erreurs du passé. Ça vaut la peine parce que nous aurons remplacé l’apathie par l’action, l’ignorance par la compréhension et les conflits par le respect.

Nous aurons jeté les bases d’un changement réel et durable, le genre de changement qui ne peut avoir lieu que lorsque nous reconnaissons et mettons pleinement en œuvre les droits des peuples autochtones.

Ensemble, nous prendrons des mesures concrètes pour créer un avenir meilleur.

Un Canada meilleur.

Pour les peuples autochtones et pour tous les Canadiens.

Merci.