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LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Bonjour tout le monde.

Merci à tous et à toutes d’être ici, à Truro, pour prendre part à un événement aussi important.

J’aimerais remercier le lieutenant-gouverneur LeBlanc, le vice-premier ministre MacMaster et le maire Mills d’être parmi nous.

J’aimerais remercier la ministre Anand et le ministre Sajjan pour tout le travail qu’ils ont accompli afin de permettre la tenue de l’événement d’aujourd’hui, et j’aimerais remercier les membres noirs de notre caucus et du caucus de la Nouvelle‑Écosse.

Aucun d’entre nous ne serait ici sans le travail important réalisé par les descendants du 2e Bataillon de construction; les membres du comité consultatif sur la présentation d’excuses nationales; de nombreux membres de la communauté noire ici, en Nouvelle-Écosse, et partout au Canada; Russell Grosse et le Black Cultural Centre for Nova Scotia; et le lieutenant-colonel Barry Pitcher des Forces armées canadiennes.

Merci à tous. Vous avez persévéré et su garder bien vivant la mémoire du premier et seul bataillon canadien formé de gens des communautés noires, le 2e Bataillon de construction.

Nous sommes ici pour accepter la responsabilité pour les erreurs du passé et pour nous engager à travailler chaque jour à bâtir un avenir meilleur.

Aujourd’hui, c’est une journée historique, et je suis heureux de voir les descendants, mais je suis aussi heureux de voir tellement de jeunes ici présents, y compris mon fils Xavier.

Se porter volontaire pour se battre pour son pays est l’une des choses les plus altruistes qu’une personne puisse faire.

Risquer sa vie pour défendre ses valeurs et ses proches est un acte de bravoure extraordinaire. C’est un acte d’honneur. De sacrifice. Et de loyauté.

Quand la Première Guerre mondiale a éclaté en Europe et le Canada s’est joint au combat, des hommes de partout au pays se sont enrôlés en grand nombre.

Parmi ces braves volontaires se trouvaient des centaines de jeunes noirs désireux de servir, qui aimaient le Canada et étaient prêts à prendre les armes pour défendre leur roi et leur pays.

Ils étaient des patriotes prêts et disposés à servir.

Ces centaines de jeunes hommes venant des communautés noires voulaient servir leur pays et protéger la liberté qui nous est chère.

Ils voulaient lutter avec honneur contre la tyrannie et l’oppression.

Mais dans des actes répétés de discrimination et de racismes, presque tous les volontaires noirs ont été rejetés et se sont vu refuser l’honneur de servir leur pays.

Dans un cas, un groupe de 50 volontaires noirs ont fait le voyage de Sydney à New Glasgow par train et ont attendu toute la journée au bureau de recrutement pour finalement se faire dire qu’il s’agissait d’une « guerre de Blancs ».

Ces recruteurs ne voyaient pas des hommes prêts à se battre pour notre liberté collective. Ils ne voyaient que la couleur de leur peau.

À cette époque, il y avait des lois non écrites de ségrégation. Mais certaines lois étaient plus explicites. En 1910, lorsque la Marine du Canada a été fondée, les pratiques en matière de recrutement excluaient les membres non blancs.

Il n’y avait pas de politique officielle pour le Corps expéditionnaire canadien. La décision revenait donc aux commandants, qui refusaient chaque fois les volontaires noirs.

Ces pratiques discriminatoires honteuses ne sont pas passées inaperçues du public.

Des lettres provenant des quatre coins du pays demandaient pourquoi les hommes noirs ne pouvaient pas s’enrôler.

En 1915, George Morton, de Hamilton, a écrit au ministre de la Milice et de la Défense pour dénoncer la situation au nom de ses concitoyens noirs, je cite :

« Ils sont d’avis qu’ils devraient être autorisés au même titre que les autres à contribuer à ce grand conflit. » Il a écrit que les hommes noirs voulaient « accomplir leur propre destin » et qu’ils étaient impatients de servir « durant cette grande crise dans l’histoire [de notre pays] ».

Est-il possible de faire preuve de plus de dévotion envers notre pays?

Et pourtant, les officiers supérieurs de l’armée à ce moment‑là ont continué de faire la sourde oreille.

Les officiers supérieurs de l’époque ont vite oublié l’histoire des soldats des communautés noires.

Pendant plus d’un siècle, les soldats noirs ont fait d’énormes sacrifices pour servir ce pays qu’ils considéraient comme le leur.

Durant la guerre de 1812, les soldats noirs ont défendu le Haut-Canada.

En 1859, William Edward Hall, le fils d’anciens esclaves, a été l’un des premiers Canadiens à recevoir la Croix de Victoria pour sa bravoure.

En 1861, le corps des sapeurs-carabiniers de Victoria est devenu la première force militaire autorisée de l’ouest du Canada et il était composé uniquement d’hommes noirs qui étaient venus de la Colombie-Britannique pour échapper à la persécution raciale dans le Sud.

Au moment où la Première Guerre mondiale a éclaté, le Canada avait déjà une longue histoire de loyaux services militaires des Noirs.

Mais, en 1916, un major-général a pris l’initiative d’écrire une note de service dans laquelle il dénigrait la loyauté et les capacités de combat des hommes noirs.

Voilà le résultat du racisme systémique et de la haine envers les Noirs.

Le racisme et la haine suppriment la vérité. Ils tentent de réécrire l’histoire pour la déformer. Ils enterrent le courage, l’humanité et la cause que nous partageons. Mais la nature humaine nous a montré plusieurs fois que les gens trouveront toujours des moyens de se lever et de réclamer leur dignité. 

Et les hommes noirs qui voulaient servir n’ont jamais abandonné.

Deux ans après le début de la guerre, les hommes noirs ont enfin été autorisés à former leur propre bataillon : le 2e Bataillon de construction.

Le premier et le seul bataillon canadien composé de Noirs.

De nombreux membres venaient d’ici, en Nouvelle-Écosse, mais des garçons et des hommes noirs ont afflué de partout au pays pour s’enrôler. Deux fils du célèbre cowboy John Ware, Arthur et William, sont venus d’aussi loin que la propriété familiale à Calgary.

Environ 600 patriotes de tout le pays sont venus ici, à Truro, pour recevoir un entraînement. Ils ont fièrement revêtu l’uniforme du Corps expéditionnaire canadien après deux ans de refus.

Mais ils n’ont jamais eu les mêmes possibilités ni le même soutien que leurs homologues blancs. 

Lorsque ces hommes noirs ont répondu à l’appel du devoir, ils rêvaient de combattre au front.

Mais, ils ont plutôt été déployés en Europe comme unité ouvrière.

Ils ont dû naviguer à bord d’un navire distinct et ils ont été envoyés dans les montagnes du Jura dans le sud-est de la France, où ils se sont joints au Corps forestier canadien.

Ils ont effectué du travail exténuant, et leurs contributions ont été indispensables à l’effort de guerre.

Le bois qu’ils ont coupé a été utilisé dans les tranchées au front, dans les traverses de chemin de fer et même dans des aéronefs.

Grâce aux bons et loyaux services de ces hommes, les scieries ont produit deux fois plus de bois que d’autres unités comparables.  

Mais, ils ont tout de même dû vivre dans des camps ségrégués et sans soins médicaux, rations ou équipements appropriés.

Au total, 23 membres du Bataillon sont morts en Europe. Ils ont perdu leur vie alors qu’ils servaient leur pays.

Lorsque la guerre a pris fin et que les membres du Bataillon sont rentrés au pays, ils n’ont jamais reçu l’accueil en héros qu’ils méritaient.

Dans le poème que nous avons entendu plus tôt, le « Black Soldiers Lament » écrit par le capitaine George Borden, les premières lignes sont troublantes :

[Traduction non officielle]

« Le clairon a raisonné et en avant nous sommes allés

Pour servir la Couronne nos dos cambrés

Et bâtir avant ce qui doit l’être;

Mais jamais nos armes n’ont pu paraître

Héros, nous ne sommes ni peu ni prou. »

Cette dernière ligne... Comment n’ont-ils pas été perçus comme des héros?

Comme pays, nous avons omis de reconnaître leurs contributions pour ce qu’elles étaient. Pour leur travail éreintant. Pour leur sacrifice. Pour leur volonté de servir le pays avant eux-mêmes.

La Grande Guerre a été gagnée grâce à tous ceux qui ont servi.

Nous sommes tellement redevables à ces hommes, ces braves hommes noirs.

Je suis ici aujourd’hui afin d’offrir les excuses du gouvernement du Canada pour la façon horrible dont ces patriotes ont été traités.

Pour le racisme manifeste qui a poussé au rejet de volontaires noirs alors que ces derniers offraient de sacrifier leur vie pour chacun de nous.

Pour avoir empêché les militaires noirs de combattre aux côtés de leurs compatriotes blancs.

Pour ne pas avoir fourni aux membres du 2e Bataillon de construction les soins et le soutien qu’ils méritaient.

Pour avoir omis d’honorer et de commémorer les contributions des membres du 2e Bataillon de construction et de leurs descendants.

Pour la haine envers les Noirs et le racisme systémique flagrants qui ont privé ces hommes de leur dignité dans la vie comme dans la mort.

Nous sommes désolés.

On ne peut pas changer le passé, mais on doit saisir toutes les occasions d’apprendre de nos erreurs.

Malheureusement, on sait qu’un trop grand nombre de membres des Forces armées canadiennes sont encore confrontés au racisme systémique et à la discrimination, y compris le racisme envers les communautés noires.

Nous sommes déterminés à apporter de véritables changements afin que la dignité de tous les militaires faisant partie des Forces armées canadiennes soit respectée. Des Forces armées où tous sont les bienvenus, où tous peuvent gravir les échelons, où tous ont l’occasion de se distinguer.

Nous ne pouvons pas laisser ce qui est arrivé au 2e Bataillon de construction se reproduire.

Et nous ne pouvons permettre que les services rendus par un membre de nos Forces soient négligés ou oubliés.

Aujourd’hui, nous en saurions très peu sur l’héritage du Bataillon si ce n’était des efforts de leurs descendants inébranlables, d’historiens acharnés et des dirigeants noirs.

J’aimerais remercier encore une fois Russell Grosse et les gens du Black Cultural Centre for Nova Scotia pour leur travail de recherche et de préservation de la mémoire du 2e Bataillon de construction.

J’aimerais également remercier l’ancien député d’Halifax-Ouest, Gordon Earle, pour son dévouement à la commémoration du Bataillon.

J’aimerais mentionner le nom de deux autres personnes qui nous ont quittés :

Le sénateur Calvin Ruck, qui s’est consacré à la documentation de l’histoire militaire des Noirs au Canada et qui a fait connaître les histoires des membres du 2e Bataillon de construction, notamment en publiant un livre sur ces hommes.

Et le capitaine George Borden, qui était un descendant de militaires et qui a lui-même servi dans l’armée.

Le capitaine Borden était un défenseur inlassable du Bataillon. Il a également écrit le superbe poème que nous avons entendu plus tôt.

Parmi tous les descendants et les proches, j’aimerais aussi rendre hommage à Audrey Parris, qui est la descendante directe la plus âgée. Son père, Sheldon Parris, a servi dans le 2e Bataillon de construction. Il était impossible pour Audrey d’être parmi nous aujourd’hui, mais elle regarde la cérémonie de Toronto.

Merci.

Au cours des dernières décennies, des efforts ont été déployés pour reconnaître le Bataillon, notamment grâce à des expositions, à des publications, à des activités organisées par Parcs Canada et à un timbre.

Aujourd’hui, nous annonçons que l’année prochaine, pendant le Mois de l’histoire des Noirs, la Monnaie royale canadienne va émettre une pièce de collection en argent pur en l’honneur du 2e Bataillon de construction pour permettre aux Canadiens de tout le pays de participer à la commémoration de son incroyable héritage.

Aujourd’hui, j’espère que tous les Canadiens vont faire des recherches sur nos histoires non écrites et non racontées. Il y a des histoires comme celles du 2e Bataillon qui nous montrent que la force et la résilience de notre humanité commune ne se résument pas à la couleur de notre peau.

Tous les membres des Forces armées canadiennes combattent sous le même drapeau. Notre drapeau a peut-être changé depuis la Première Guerre mondiale, mais ce que nous défendons est demeuré inchangé : la liberté, la paix, la justice, l’équité et l’espoir.

C’est la promesse du Canada. Nous avons encore du travail à faire, mais nous devrions toujours nous battre pour ces valeurs, ici, chez nous, et ailleurs dans le monde.

À la mémoire de ces soldats noirs, nous aimerions dire : aujourd’hui, nous vous voyons et nous vous honorons.

Et à leurs descendants : nous espérons que vous vous percevez comme les héritiers de la mémoire de vrais héros canadiens.

Merci.